« Il n’y a que des solutions pénibles »

Un système de retraite assure un revenu satisfaisant aux travailleurs trop âgés pour travailler. Pour Henri STERDYNIAK, Directeur du Département économie de la mondialisation de l’OFCE et signataire du « Manifeste d’économistes atterrés » il n’y a que des solutions pénibles. Certaines seraient plus pénibles que d’autres.

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L’objectif d’un système de retraite est d’assurer un revenu satisfaisant aux travailleurs trop âgés pour travailler. Dans chaque pays, il est constitué par la coexistence de cinq piliers d'importance variable : le système public de solidarité, les retraites d’entreprises, le régime social contributif par répartition, les fonds de retraite par capitalisation et l'épargne libre.

Dans le système de solidarité ou d’assistance, chaque personne de plus d’un certain âge a droit à une retraite d’un montant fixe. Soit chacun la touche (pays scandinaves) ; soit, un revenu minimum est assuré (c’est le système du minimum vieillesse), mais le montant de la retraite de base est souvent faible

Dans les retraites d’entreprises, l’entreprise garantit aux salariés une retraite qui dépend du dernier salaire. Mais le système est fragile car l’entreprise peut faire faillite et peut ne pas tenir ses engagements.

Ce système est mutualisé dans les systèmes de retraites publiques par répartition. Les entreprises et les salariés cotisent. Les cotisations sont reversées aux retraités.

Le système est obligatoire et socialement géré.

 

Dans la retraite par capitalisation, le salarié (ou l’entreprise) épargne dans un fonds de pension. La retraite est la rente viagère issue des cotisations.C’est un système à cotisations définies. Jadis, certains fonds d’entreprises étaient à cotisations définies.

 

Dans l’épargne libre, chacun épargne pour sa retraite. Mais les personnes sont incapables de faire l’effort nécessaire pour accumuler de quoi vivre 20 ou 24 ans. Ils ne connaissent pas leur durée de vie.

 

1. Il existe trois grands systèmes de retraite.

 

Dans le modèle libéral, l’État n’assure qu’une pension forfaitaire très faible et chacun assure sa retraite en cotisant auprès d’un fonds de pension.

Dans le modèle social, la retraite par répartition assure à chacun une retraite correspondant à son salaire d’activité.

Dans le modèle scandinave, la pension universelle est relativement forte et les fonds de pension, gérés par les partenaires sociaux, couvrent toute la population.

 

Le système français est l’un des plus généreux du monde. Il permet une retraite relativement précoce.

Il comprend une multitude de régimes (38) :

-               Le régime général

-               Les régimes complémentaires du privé : AGIRC, ARRCO

-               Les régimes des agriculteurs

-               Les régimes des non-salariés

-               Le régime de la fonction publique, celui des collectivités locales

-               Les régimes spéciaux

 

Il a connu de nombreuses réformes :

-               Réforme Balladur (1993)

-               Réformes des régimes complémentaires (à partir de 1996…)

-               Réforme Fillon (2003)

-               Réforme des régimes spéciaux (2008)

 

n    Tableau 01. Les taux de pauvreté

n    Tableau 02. Le revenu relatif des personnes âgées

n    Tableau 03. Âges effectifs et âges légaux

n    Tableau 04. Dépenses (en milliards d’euros) et effectifs (en milliers) des régimes en 2006

 

 

 

La crise de 2008-2009 est venu aggraver brutalement les difficultés de financement du système de retraite, tout en retardant les perspectives d’une forte hausse de l’emploi des seniors.

Le patronat a demandé un nouveau rendez-vous en 2010. Le président de la république a promis que : « Tout serait mis sur la table ».

Certains proposent des remèdes miracles, des réformes structurelles qui assureraient l’équilibre automatique du système des retraites.

 

2. Faut-il changer la stratégie adoptée en 2003 ?

Faut-il une nouvelle réforme en 2010 ?

Faut-il changer l’architecture du système ?

 

Le système de retraite français est menacé de déséquilibres en raison d’un facteur structurel : l’allongement de la durée de vie, d’un facteur de moyen terme : l’arrivée à la retraite des générations de baby-boomers, nés après la guerre. S‘y ajoute la crise financière des années 2008-2009.

L’espérance de vie à la naissance était de 68 ans pour les hommes et 73,5 ans pour les femmes en 1970 ; elle est passé à 77 ans pour les hommes, 84 ans pour les femmes en 2007 et devrait se situer à 84 ans pour les hommes et 89 ans pour les femmes en 2050. La hausse est d’environ 2 ans tous les 10 ans.

La France a maintenu un taux de fertilité satisfaisant (1,98 enfant par femme), le plus élevé d’Europe. De 1946 à 1950, le nombre de naissance par an a atteint 840 000 contre 600 000 de 1936 à 1945 : nous avions relativement peu de retraités, nous allons maintenant en avoir beaucoup.

Actuellement, 800 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail ; jusqu’en 2005, 550 000 personnes atteignaient 60 ans. Il y avait une hausse spontanée de la population active potentielle de l’ordre de 250 000 personnes par an.

A partir de 2006, les départs sont de l’ordre de 825 000. Ceci au deux conséquences, l’alourdissement progressif du nombre des personnes de plus de 60 ans , donc des dépenses de retraites et la stagnation de la croissance de la population active potentielle, qui peut être considéré comme une bonne nouvelle (il est plus facile de faire baisser le chômage) ou comme une mauvaise nouvelle (la croissance va être ralentie).

 

n   Tableau 05. Espérance de vie à 0/60 ans

n   Tableau 06. Nombre de naissances (milliers par an)

n   Tableau 07. Ratio +de 60 ans/20-59 ans

n   Tableau 08. Évolution du ratio de dépendance démographique

(Population de plus de 65 ans / population de 15 à 64 ans)

 

3. Que faire ? Trois stratégies extrêmes

 

La première consisterait à augmenter les taux de cotisation retraite d’environ 9 points, soit 0,2 point par an (16 points, soit 0,35 point par an, pour le total : maladie + retraite + famille + chômage).

Chaque année sur 1,5% de hausse de salaire, 0,25% seraient consacrées à la hausse des cotisations retraites et 0,15% à la santé.

La part des retraites dans le PIB passerait de 13% à 17,5%. Il faudrait 6,5 point de dépenses publiques en plus dans le PIB (soit 4,5 points pour la retraite, 3 pour la santé, 0,5 point de moins pour le chômage, 0,5 point de moins pour la famille).

Problèmes : le patronat et le gouvernement refusent toute hausse des prélèvements obligatoires, et surtout des cotisations employeurs ; les syndicats refusent que les salariés soient les seuls à payer. Peut-on trouver d’autres ressources ?

 

La deuxième consisterait à accepter une baisse du niveau des retraites de l’ordre de 28 %.

Le ratio retraite moyenne/salaire moyen passerait de 72 à 51 %. Les retraités seraient paupérisés. Ceci permettrait de développer des fonds de pensions.

Projet libéral : minimum vieillesse + faibles pensions publiques + fonds de pension (pour les cadres et les salariés des grandes entreprises).

Problèmes : rupture au sein du salariat ; la crise a décrédibilisé les fonds de pension ; l’épargne des ménages doit augmenter (ce qui nuit à la croissance) ; phase transitoire pénible.

 

La troisième consisterait à accepter un allongement de la durée des carrières.

Le ratio retraités/actifs est actuellement de 52,5%. Tendanciellement, il passerait à 83% en 2050. Pour le stabiliser à 52,5%, il faudrait reculer de 6 ans l’âge moyen de fin d’activité, soit de 59 à 65 ans ; il est actuellement de 64 ans en Suède.

Ceci peut s’effectuer de façon :

-        autoritaire (recul de l’âge ouvrant droit à la retraite, suppression des dispositifs de pré-retraites) de sorte que les seniors seraient contraints d’accepter des emplois au rabais et des baisses de salaires,

-        social-libérale (le niveau de la retraite dépendra de l’âge de départ, de sorte que les salariés pourront choisir une faible retraite à 60 ans ou une retraite satisfaisante à 65 ans)

-        social-démocrate (mobilisation sociale, aménagement des carrières et des conditions de travail).

Pour : ceci correspond à l’allongement de la durée de vie ; faut-il consacrer celui-ci uniquement à la retraite ?

Contre : Faut-il l’emploi à tout prix ? Une partie des emplois marchands sont peu utiles. La mécanisation détruit les emplois non-qualifiés. Les emplois qualifiés sont victimes d’obsolescence. Réduction de la période de retraite heureuse et active.

C’est la solution retenue en 2003. La question des retraites devient la question de l’emploi des seniors, donc celle de l’emploi.

 

Il n’y a que des solutions pénibles.

 

 

 

 

 

4. La position du patronat 

 

Le patronat préconise de stabiliser les taux de cotisation, d’augmenter rapidement l’âge ouvrant le droit à la retraite, d’ajuster sur le niveau des retraites, d’inciter les salariés à avoir recours à la capitalisation.

Mais les entreprises ne veulent pas conserver les salariés après 55 ans ; la crise rend impossible une hausse rapide de l’emploi des seniors ; la rentabilité de la capitalisation n’est pas garantie ; une partie des vieux tombera dans la pauvreté, ceux qui seront contraints de partir tôt et ceux qui n’auront pu épargner.

 

5. La position des syndicats

 

Les syndicats devraient se battre pour garantir le niveau de vie relatif des retraités mais certains acceptent de signer des accords dans les régimes complémentaires qui induisent des baisses continuelles des taux de remplacement.

Il faut augmenter le taux d’emploi des seniors et reculer l’âge moyen de départ à la retraite.

C’est un choix douloureux.

Il faut aussi différencier les conditions de départ à la retraite selon la pénibilité du travail et lier l’allongement de la durée de cotisations à la situation de l’emploi des 55/65 ans.

Il faut fournir de nouvelles ressources à la Sécurité sociale.

Il faut éviter les niches sociales (intéressement, participation, perco), mais ne pas trop compter sur les recettes miracles.

Il faut revendiquer des hausses de cotisations employeurs mais accepter des hausses de cotisations salariées.

Il faudrait garantir la pérennité du système des retraites par répartition ; le gouvernement et les partenaires sociaux devraient annoncent clairement que c’est par la hausse des cotisations que le système sera si besoin équilibré, une fois effectués les efforts nécessaires en matière de recul de l’âge de fin d’activité, à taux de remplacement globalement fixe.

 

6. Pour l’essentiel les positions du Medef

 

Le premier semestre de l’année 2010 a été marqué par un long débat sur une nouvelle réforme des retraites. Ce débat a été contre-productif et anxiogène.

La réforme de 2003 avait déjà sauvé les retraites. Fallait-il déjà considérer qu’elle avait échoué de sorte qu’il fallait à nouveau sauver les retraites en 2010 ?

 

Le gouvernement n’a pas engagé de débats ouverts avec les syndicats, préférant une stratégie de communication consistant à instiller progressivement ses décisions dans le débat public.

La réforme décidée sous le regard des marchés financiers, reprend pour l’essentiel les propositions du Medef : hausse rapide de l’âge de la retraite à 62 ans, sans différentiation selon la carrière et la pénibilité, sans garantie sur l’évolution du niveau des retraites.

Ce n’est pas une méthode propice au développement d’un dialogue social constructif.

 

Le rendez-vous de 2010 n’était pas prévu par la loi de 2003, qui avait fixé des rendez-vous en 2008 et 2012. Il a été réclamé en 2009 par le Medef (qui voulait obtenir un report de l’âge de la retraite à 62 ans) et qui a fait un chantage à la prolongation des accords dans les régimes complémentaires. La crise financière a brutalement aggravé les difficultés de financement du système de retraite, mais l’année 2010 était peu propice à une réforme des retraites :

- Les transferts de points de cotisation en provenance de l’Unedic, qui avaient été envisagés en 2003, ne sont pas possibles. 

- Ce n’est pas le moment de peser sur la consommation en augmentant les cotisations des salariés.

- La hausse du chômage ne permet pas de prendre des mesures fortes pour l’emploi des seniors 

- La situation de l’emploi rend anxiogène le report de l’âge ouvrant le droit à la retraite.

 

Le déficit des régimes de retraites et de chômage est certes important (de l’ordre de 25 milliards en 2010), mais 24 milliards sont dû à la crise. Ce déficit doit être mis en regard de l’ensemble du déficit public (8 % du PIB, soit 160 milliards), qui lui-même n’est pas extravagant par rapport aux déficits publics des pays développés en 2010.

La solution aux déficits des pays européens doit être recherchée dans une stratégie de croissance, dans une nouvelle politique industrielle en Europe et dans la lutte contre l’avidité et l’instabilité de la Finance plutôt que dans l’implosion des dépenses sociales.

 

n   Tableau 09. Solde des systèmes de retraites et de chômage

 

Aucune mesure ne permet de réduire à court terme de façon sensible le déficit des retraites.

La réforme doit viser à l’équilibre de long terme. Mais, dans ce cas, l’État et les partenaires sociaux doivent prendre le temps de la définir et de la négocier. Le gouvernement a joué de la menace des marchés pour imposer sa réforme. C’est la « stratégie du choc ».

 

7. Quels sont les désirs des Français ?

 

Deux sondages récents donnent des résultats convergents. Selon celui d’octobre 2009, commandé par la CNAV, les Français refusent surtout d’avoir une retraite plus faible (80 % contre, 18 % pour), ils refusent de travailler plus longtemps (52 % contre, 42 % pour) ; ils sont moins réticent à cotiser plus (47 % pour, 48 % contre).

Selon un sondage de janvier 2010 (Journal du Dimanche), où les sondés devaient choisir entre les trois pistes, 23 % préférerait partir tôt avec une plus faible retraite, 34 % travailler plus longtemps, 41 % cotiser davantage.

La solution préférée des français (augmenter les cotisations) est celle que le gouvernement et les entreprises refusent.

La France souffre d’avoir l’âge de fin d’activité le plus bas de l’UE15 (59,3 ans) et l’un des taux d’activité des 55-64 ans les plus faibles (38,2 %). Augmenter les taux d’emploi, et en particulier celui des seniors, et réduire le taux de chômage est l’axe essentiel, à terme, de l’équilibre le système des retraites.

Le problème à court terme est que la France a retrouvé, en 2010, un taux de chômage de l’ordre de 10 % et que la crise de l’emploi a particulièrement frappé les jeunes : ce n’est pas une situation propice à la hausse de l’emploi des seniors.

 

 

n    Tableau 10. Age moyen de sortie du marché du travail en 2008

n    Tableau 11. Taux d’emploi

 

La réforme de 2003 prévoyait que la durée de cotisations requise pour obtenir une pension à taux plein augmentera de 40 à 41 ans entre 2009 et 2012. Elle continuerait à augmenter ultérieurement en fonction de la hausse de l’espérance de vie. En 2020, la durée de cotisation requise pourrait être de 41,5 ans ; en 2025, de 42 ans.

Les actifs qui auront commencé à travailler à 18 ans pourront partir à 60 ans ; ceux qui auront commencé entre 18 à 23 ans seront fortement incités à attendre 42 années de cotisations ; ceux qui ont commencé plus tard à attendre 65 ans.

L’allongement de la durée de cotisation requise est préférable au report de l’âge minimum de la retraite : ceux qui ont commencé à travailler jeune et pour lesquels la durée d’activité est très longue et l’espérance de vie plus courte, peuvent partir avant ceux qui ont débuté leur carrière tardivement et qui ont une espérance de vie plus importante.

C’est une des trois bases du compromis de 2003 entre la CFDT et le gouvernement.

 

Les victimes sont les jeunes qui subissent du chômage en début de carrière et les femmes à carrières courtes (mais la décote est passée de 10 à 5% par an, avec un plafond de 5 années).

En 2003, il semblait que la France pouvait contrebalancer le choc « papy boom » par un double choc emploi : retour au plein emploi ; hausse de l’emploi des 55/60 ans, puis des 60/62 ans (d’ici 2020) puis des 62/65 ans.

Le taux de chômage a commencé à diminuer, de 8,8 % en décembre 2003 à 7,2 % en mars 2008, mais la baisse a été stoppée début 2008 et le taux de chômage atteint 9,5% à la mi-2010 et devrait atteindre 10,5% fin 2011, soit très proche du maximum de 1996.

De début 2003 à fin 2009, le taux d’emploi des 55-65 ans a légèrement progressé en France : en taux sous-jacent, de 39,3% à 44% pour les hommes, de 32,9% à 38,4% pour les femmes.

L’emploi des 55-65 ans a, jusqu’à présent, relativement bien résisté à la crise. Ce sont les jeunes qui ont été les victimes de la dégradation du marché du travail.Contrairement aux épisodes précédents, la crise ne s’est pas traduite par une forte hausse des pré-retraites.

 

n    Tableau 12. Évolution récente du marché du travail

 

Il est difficile de faire mieux, en 2010, en période de baisse des effectifs et de hausse du chômage. Cependant, le Medef (comme certains économistes) pensent que le principe des 42 années de cotisations requises n’est pas assez explicite. Ils proposent de reculer rapidement les âges de 60 et de 65 ans comme ouvrant le droit à la retraite et garantissant le droit à une retraite au taux plein.

Ils pensent que l’existence de ces âges-butoirs se répercute sur les possibilités de formation et de carrière des actifs dès 55 (ou même 50) ans. Ils proposent de revenir sur les dispositifs d’indemnisation du chômage qui assurent à un salarié de 57 ans, 3 années de prestations chômage, avant son passage à la retraite.

Une annonce, en 2010, d’un report rapide de l’âge ouvrant le droit à la retraite de 60 à 62 ans, rassurerait les marchés sur la soutenabilité de notre système de retraite. En sens inverse, il est contraire à l’esprit de la réforme de 2003 de jouer sur l’âge de départ plutôt que sur la durée de cotisation.

 

8. Comment augmenter l’emploi des seniors en période de hausse du chômage ?

En 2010, sous le pression du Medef, sous le regard des marchés financiers et des agences de notation, le gouvernement a changé de stratégie pour augmenter rapidement l’âge ouvrant le droit à la retraite à taux plein de 60 à 62 ans, au rythme de 4 mois par an de 2011 à 2018, cette mesure lui semblant de nature à permettre une amélioration plus rapide des comptes des régimes de retraites et être plus lisible pour les marchés.

Le pari du gouvernement est que cette mesure augmentera l’emploi des seniors en incitant les travailleurs de plus de 55 ans à se maintenir en emploi et les entreprises à le leur permettre, en améliorant leur formation et en aménageant les carrières.

Cependant, rien ne garantit que ce pari puisse être gagné.

À court terme, le taux de chômage des seniors, mais aussi celui des plus jeunes pourrait augmenter. Le report de l’âge de la retraite, en période de chômage de masse, risque d’augmenter l’angoisse des salariés d’être licenciés après 55 ans alors que les entreprises n’embauchent plus après cet âge.

Il obligera les travailleurs non-qualifiés à prolonger leur carrière dans des conditions difficiles, mais surtout beaucoup à rester plus longtemps en chômage, en ASS ou au RSA.

Le report de 65 à 67 ans de l’âge ouvrant le droit au taux plein n’aura pas d’impact sur l’emploi des plus de 65 ans, qui est très faible dans tous les pays développés ; il se traduira par une baisse des retraites des femmes à carrières courtes, qui actuellement attendent 65 ans pour obtenir une liquidation à taux plein (qui leur donne droit au minimum contributif).

 

n    Tableau 13. L’âge de départ à la retraite. L’impact des réformes

 

Le chiffrage du gouvernement comporte une baisse du ratio retraite/salaire de 9%. Il suppose qu’il sera possible de réduire le taux de chômage à 5% en 2020. Le report de 2 ans de l’âge de la retraite suppose une hausse de l’emploi de l’ordre de 5,7%. Il faudrait une croissance de l’ordre de 2,7/3 % l’an en moyenne d’ici 2020 pour gagner ce pari. Mais l’Europe ne se lance guère dans une stratégie de croissance.

Sinon, le gain, pour les régimes de retraite du report de 2 ans de l’âge de la retraite sera obtenu par la baisse du nombre de retraités (qui reçoivent des prestations satisfaisantes) et la hausse du nombre de chômeurs, mal indemnisés, comme par la baisse de la pension de salariés obligés de partir avant d’avoir droit au taux plein.

n    Tableau 14. Solde du système des retraites en 2020

 

L’emploi des seniors ne peut être augmenté brutalement en 2010-2011. Il faut s’inscrire dans une perspective de long terme. Il aurait fallu faire vivre la réforme de 2003 : le passage à une durée requise de 42 ans obligeait progressivement les salariés les plus formés à partir à la retraite à 65 ans ; maintenir une possibilité de départ à 60 ans donnait une soupape de sécurité pour les salariés à carrière longue.

Réussir à allonger la durée d’activité suppose trois préalables : le retour à la proximité du plein emploi, un changement de mentalité des entreprises pour qu’elles acceptent d’employer les seniors, la prise en compte de la pénibilité de certaines activités.

L’allongement des carrières nécessite un profond changement des mentalités et des pratiques des entreprises. A l’exemple des pays scandinave, une mobilisation au niveau des entreprises serait nécessaire, le patronat et les syndicats se mettant d’accord sur une stratégie d’aménagement des carrières, des conditions de travail et de formation. Il faut changer le travail pour changer la retraite.

Chaque type de carrière doit être repensé pour permettre, soit par la formation permanente, soit par la reconversion, une poursuite de l’activité jusqu’à 60, 62 ou 65 ans.

Les entreprises doivent accepter d’embaucher des salariés de plus de 55 ans. Les syndicats doivent exiger que les accords d’entreprises comportent des clauses d’emplois et d’embauche des seniors.

Les pays qui affichent un âge de départ à la retraite de 65 ans maintiennent des dispositifs de pré-retraites plus précoces ou ont des dispositifs d’invalidité sur des critères médicaux et économiques qui permettent d’offrir une pension aux salariés vieillissants, sans perspective d’emploi.

Les entreprises et les salariés doivent comprendre qu’ils ont le choix entre deux scénarios : soit réaliser cette mobilisation pour l’emploi des seniors, soit accepter une forte hausse des cotisations. Cependant, cette mobilisation ne doit pas s’effectuer au détriment de l’emploi des jeunes.

Elle ne peut s’effectuer qu’en période de nette croissance de l’emploi, quand l’économie s’approche du plein emploi.

Si, à moyen terme, l’emploi des jeunes et des vieux est complémentaire, ce n’est pas le cas à court terme. C’est toute la difficulté de la situation actuelle.

Faut-il se concentrer sur l’emploi des 58/62 ans quand la priorité est l’emploi en général, et celui des jeunes en particulier ?

 

Jusqu’à présent, ni les entreprises ni les syndicats ne se sont mobilisés pour allonger la durée de carrière dans les entreprises. Ceci s’explique par les réticences des syndicats à s’inscrire dans une stratégie qu’ils ont jusqu’à présent refusée et que les travailleurs n’apprécient guère comme par le refus des entreprises de conserver des travailleurs qu’elles jugent moins productifs et trop bien payés.

Un compromis social fructueux est nécessaire pour que les syndicats s’impliquent dans le processus d’allongement des carrières. Il aurait du comporter un accord sur la prise en compte de la pénibilité (des bonifications de durée de cotisations pour les emplois pénibles) et des garanties sur l’évolution du taux de remplacement des retraites.

 

n    Tableau 15. Âges effectifs et âges légaux

 

La stratégie de mobilisation sociale est socialement préférable à celle basée sur les incitations individuelles et la neutralité actuarielle. Le montant de la retraite dépendrait de l’âge de départ de sorte que chacun serait incité à rester le plus longtemps possible.

 

·             La formule serait : p=w *50%* (C /42)* 85 /(85-A)

 

C est la durée de carrière et A l’âge au départ. Une année de travail supplémentaire doit rapportée 6,7% de retraite.

 

Un ouvrier qui aurait travaillé 42 ans de 18 à 60 ans aurait droit à une retraite de 50% de son salaire ; un cadre qui aurait travaillé 45 ans de 23 à 67 ans aurait droit à 75%.

 

Mais la prétendue neutralité actuarielle ne prend pas en compte les différences d’espérance de vie selon la CSP (catégorie socio-professionnelle), ni les différences dans la capacité à se maintenir en emploi après 60 ans.

Elle détruit le caractère social de la retraite (en particulier, la norme de taux de remplacement et celle d’âge normal de la retraite). Elle créerait des tensions dans les entreprises entre les salariés qui voudraient se maintenir pour avoir une retraite satisfaisante et les patrons qui voudraient les voir partir.

La loi de 2003 prévoit à terme une décote de 5% par année manquante et une surcote de 5%, mais celle-ci ne s’appliquerait qu’après 42 années de cotisations. Peu de cadres en bénéficierait. Bizarrement, le PS propose d’augmenter la surcote.

 

n    Tableau 16. Espérance de vie à 35 ans (France-2005)

 

9. On peut envisager des réformes ponctuelles pour inciter à l’allongement des carrières

-  Remplacer la MDA par une hausse de pension forfaitaire : 50 euros par mois de plus par enfants élevé (pour les femmes).

-  Valider des années manquantes auprès de la CNAV, ce qui permettrait d’obtenir le taux plein pour le Régime général, mais aussi pour les régimes complémentaires. Aménagement particulièrement rentable pour les cadres… et coûteux pour les régimes complémentaires. La loi de 2003 avait ouvert la possibilité de valider trois années d’études universitaires, ce qui est contradictoire avec l’objectif d’allongement de la durée d’activité des cadres. Il faudrait revoir la coordination entre CNAV et régimes complémentaires et, à terme, supprimer la possibilité de rachat.

-  Valider pour la retraite les périodes de chômage des jeunes n’ayant encore pas travaillé. Ceci suppose qu’on leur donne une allocation spécifique. Le gouvernement a décidé de porter de 4 à 6 le nombre de trimestres validables en début de période.

 

La loi de 2003 prévoyait des négociations des partenaires sociaux pour tenir compte de la situation des travailleurs affectés à des travaux pénibles, ces négociations devant aboutir dans un délai de 3 ans. La négociation, engagée en 2004, n’a pas abouti malgré 17 réunions entre le patronat et les organisations syndicales.

Le Medef refuse le recours aux dispositifs généraux. Il propose un passage au mi-temps pour les salariés ayant exercé un métier pénible : le dispositif serait réservé aux salariés âgés de plus de 58 ans, avec 40 ans d’activité, exposés pendant 30 ans à des facteurs de pénibilité, présentant des traces durables, identifiables et irréversibles sur leur santé résultant des travaux pénibles qu’ils auraient exercés. Il propose d’utiliser une partie des primes compensatrices à la pénibilité pour mettre sur pied un dispositif d’épargne-temps pouvant être utilisé pour un départ précoce à la retraite.

Les syndicats proposent un dispositif général permettant le départ anticipé de catégories de salariés ayant été les plus exposés à la pénibilité. Cependant, il est difficile d’établir une liste d’activités pénibles et de définir la durée d’exposition justifiant un traitement particulier.

Les périodes de travaux pénibles pourraient donner droit à des bonifications de durée de cotisations ; une année à un poste pénible, défini par des ergonomes et des médecins du travail, compterait pour 5 trimestres ; 10 ans donnerait droit à une réduction de 1 ans de l’âge requis. le surcoût serait payé par les entreprises, pour les inciter à améliorer les conditions de travail.

Ce dispositif permettrait d’aller vers des conditions de retraites différentes selon la profession et tenant compte de l’espérance de vie et rendrait plus facile l’acceptation par les salariés et les syndicats de l’allongement de la durée d’activité requise.

En fait, le dispositif annoncé par le gouvernement sera individuel et très restrictif : le droit à une retraite à 60 ans ne serait maintenu qu’aux salariés bénéficiant déjà d’une rente pour maladies professionnels ou accident du travail.

Les différences d’espérance de vie selon la profession ou l’exposition à des facteurs de risques reconnus ne seront pas prises en compte.

Le dispositif « carrières longues « est maintenu, mais décalé de 2 ans.

 

10. Un choix conforme au souhait des actifs ?

 

Les réformes de 2003 et 2010 effectuent un certain choix social entre durée de la période de travail et durée de la retraite.

D’un côté, l’exclusion précoce des travailleurs seniors les écarte très vite de la vie active, alors que certains pourraient et préfèreraient travailler. Elle se répercute sur les possibilités de formation et de carrière des actifs à partir de 50 ans. Elle devient absurde compte tenu de l’allongement de la durée de vie et de la durée des études.

De l’autre, jouir d’une longue période sans travail, en bonne santé, permet aux jeunes retraités de s’investir dans de nouvelles activités sociales, culturelles, de loisirs...

Dans cette optique, la retraite à 60 ans est une utilisation des gains de productivité, comme la semaine de 35 heures.

Faut-il tout faire pour augmenter l’emploi et donc la production marchande, alors que les contraintes écologiques poussent plutôt à la décroissance ?

 

11. Les travailleurs souhaitent-ils revenir sur cette utilisation ?

 

Actuellement, les sondages montrent que non. Compte tenu de la pénibilité de leur travail, des risques de se retrouver sans emploi, de nombreux salariés de 55 à 60 ans attendent avec impatience la retraite et refusent de voir prolonger de 3 à 5 ans leur période d’activité.

Faut-il faire des efforts importants pour prolonger les carrières après 60 ans en situation de sous-emploi, quand il y a pénurie d’emplois non-qualifiés, quand les entreprises refusent d’embaucher les plus de 55 ans ?

La solution choisie est celle que les salariés rejettent le plus nettement.

Changer le travail, retourner au plein emploi, constituent deux préalables à l’allongement de la durée de la carrière. Celle-ci doit s’inscrire dans une stratégie de long terme.

Les syndicats sont dans une situation délicate. Il leur faut s’inscrire dans une stratégie qu’ils ont jusqu’à présent refuser, que les travailleurs n’apprécient guère, mais qui est sans doute inévitable.

 

12. De nouvelles ressources ?

 

Le gouvernement s’est refusé à envisager toute hausse importante des prélèvements obligatoires. Pourtant, une hausse des ressources affectées à la retraite est inéluctable si on veut éviter la baisse du taux de remplacement.

La retraite, étant un salaire différé dépendant des salaires reçus, doit être financée par les salaires et non sur une autre assiette. Un système qui verse des prestations plus élevées aux retraités ayant eu les plus hauts salaires ne peut pas être financé par l’impôt. Ne peuvent l’être (mais c’est déjà le cas) les avantages non-contributifs comme le minimum vieillesse…

Il n’est pas choquant que les revenus financiers ne payent pas de cotisations retraites, puisqu’ils n’ouvrent pas droit à retraite ; ils payent déjà 12,1 % de prélèvements sociaux, pour financer des avantages non-contributifs.

Ce sont les actifs qui doivent financer les retraites et qui doivent arbitrer entre taux de cotisation, niveau des retraites et durée de la retraite. La société doit proposer aux actifs (et en particulier aux jeunes) un choix social : une certaine hausse de taux de cotisation contre la garantie que le système perdurera et que le taux de remplacement restera suffisant.

La retraite ne peut être financée par la CSG (Contribution sociale généralisée), la taxation écologique, la CVAE (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) sociale ou une taxation des revenus financiers des ménages (puisque ceux-ci n’ouvrent pas droit à retraite)

La question du bouclier fiscal, de la taxation des hauts revenus n’a rien à voir avec la question des retraites.

 

Par contre, on pourrait transformer les cotisations employeurs à la maladie ou à la famille en cotisations retraite. Puis, augmenter la CSG pour financer la maladie ou la famille.

 

Un point de CSG rapporte 11,4 milliards : soit 8 milliards sur les salaires ; 2 sur les revenus de remplacement ; 1,4 sur les revenus de placement. Une hausse de 4 points de cotisations retraites peut être remplacée par une hausse de 2,8 points de CSG. Mais cela pèserait sur les retraites, dont le taux de remplacement est déjà à la baisse.

Par contre, on pourrait transformer les cotisations employeurs à la maladie ou à la famille en CVA, pour faire contribuer les entreprises capitalistiques, décharger les entreprises de main-d’œuvre et inciter les entreprises à utiliser plus de travail et moins de capital.

Le gouvernement a accompagné la réforme de 2010 d’une hausse des prélèvements sur les hauts revenus (passage de 40 à 41% du taux d’imposition) et sur les revenus financiers (passage de 18 à 19% du prélèvement libératoire, suppression du crédit d’impôt sur les dividendes, imposition des plus-values mobilières au premier euro). Ces mesures (qui devraient rapporter 1,3 milliards) sont certes légitimes, mais n’ont a priori rien à voir avec le financement des retraites.

 

Reste à supprimer le bouclier fiscal, à supprimer les possibilités d’évasion fiscale sur les plus-values et à détruire quelques niches (assurance-vie, investissements locatifs, TOM-DOM).

Le gouvernement a profité de l’occasion pour réduire de 2 milliards les exonérations de cotisations sociales entreprises.

 

n    Tableau 17. Solde du système des retraites en 2020

 

La réforme taxe les retraites chapeaux et les stock-options. Il aurait été légitime de supprimer toutes les niches sociales. Faire payer des cotisations retraites à l’ensemble des dispositifs d’épargne entreprise, de participation, d’intéressement, etc., pourrait rapporter 5 milliards d’euros aux caisses de retraite, ce qui allègerait le déficit actuel, stopperait le développement de ces dispositifs.

Le PS propose de récupérer ces 5 milliards, de gagner 7 milliards sur la taxation des plus-values des entreprises, d’augmenter la CVA pour 7 milliards, d’augmenter les cotisations employeurs et salariés de 1 point chacun (pour 16 milliards), soit 35 milliards, pour un déficit en 2020 de 45 milliards selon le COR (+ 25 milliards pour éviter la baisse des retraites).

Le projet du gouvernement rapporterait 30 milliards : 20 milliards en raison du report de l’âge de la retraite ; 5 milliards pris sur les fonctionnaires ; 1,5 milliards de cotisations Unedic ; 2 milliards sur les hauts revenus ; 2,5 milliards sur les entreprises ; - 1,5 de mesures compensatrices (carrières longues, pénibilité,…).

 

Faut-il concentrer toutes les ressources disponibles sur la vieillesse ?

 

Il faut éviter de dépouiller la branche famille au profit de la vieillesse : celle-ci doit payer à terme 4,5 milliards au titre de l’AVPF (Assurance vieillesse des parents au foyer) et 4,2 milliards au titre des majorations familiales.

La suppression du FRR (Fond de réserve des retraites), dont la rentabilité a été jusqu’à présent négative, permettrait de récupérer 34 milliards + 1,5 milliards par an.

Le PS proposait au contraire d’augmenter les ressources du FRR, en taxant les banques (3 milliards par an) pour disposer de 140 milliards en 2025 (5,5% du PIB).

Actuellement, la retraite nette moyenne représente 72 % du salaire net moyen. Mesuré par le revenu par unité de consommation, le niveau de vie médian des retraités est équivalent à celui de l’ensemble de la population ; il est de 90 % de celui des actifs occupés, de 93 % de celui des actifs (y compris chômeurs). Ce chiffre passe à 98 % si on intègre le revenu que représente le loyer du logement que l’on possède et occupe.

En 2007, le taux de pauvreté des plus de 65 ans est de 10,6 % contre 13,4 % pour l’ensemble de la population. Globalement, la situation relative des retraités reste satisfaisante.

Les réformes en cours vont entraîner une détérioration progressive de leur situation relative. Depuis 1980, la (trop faible) revalorisation de la retraite CNAV induit une perte de pouvoir d’achat de 3,3%.

Dans les régimes complémentaires, gérés par les partenaires sociaux, le patronat refuse toute hausse des cotisations. Aussi, depuis 1996, la valeur du point (donc les pensions) augmente comme les prix, tandis que le prix d’achat du point augmente comme les salaires. Le taux de rendement affiché (le rapport entre la valeur du point et son prix d’achat) a ainsi diminué de 11,5 % en 1995 à 8,30 % en 2009 (soit une baisse de 28 %). La valeur du point des régimes complémentaires a baissé de 4% (en pouvoir d’achat).

 

n    Tableau 18. Évolution des taux de remplacement

 

Le pouvoir d’achat du minimum vieillesse n’a pas été revalorisé de 1999 à 2007. En 1984, il représentait 52% du revenu médian des ménages ; en 2007, il n’est plus qu’à 42,5%. Cette stagnation explique la diminution du nombre de titulaires du minimum vieillesse (ils ne sont plus que 609 000).

Augmenter le minimum vieillesse de 25%, comme l’a promis le gouvernement (ce qui aurait un coût de 2,5 milliards) le ramènerait au niveau relatif de 1984 si l’augmentation était immédiate.

Une augmentation étalée sur 5 ans n’entrainerait qu’une hausse relative de 15%. De plus, la mesure est limitée aux personnes seules ; les couples n’en bénéficient pas.

Et pourquoi ne pas revaloriser aussi les prestations familiales ?

 

Les retraites sont gérées avec rigueur. Depuis la réforme de 2003, les retraités ont perdu 0,7 % de pouvoir d’achat (retraites non-imposables du privé), 1,2 % (retraites imposables du privé) ou 1,9 % (retraites de la fonction publique), alors que le pouvoir d’achat du salaire moyen augmentait de 7 %. Par contre, le minimum contributif majoré a augmenté de 8%.

Les retraités subissent des pertes de niveau de vie relatif durant leurs années de retraites.

En sens inverse, de nombreuses femmes ont maintenant des droits propres et les jeunes retraités ont une pension supérieure à celui des retraités qui décèdent.

Durant ces dernières années, la différence du niveau des pensions entre les nouveaux retraités et les retraités décédés entraîne une hausse de 1,2% par an du niveau moyen des retraites ; les présents-présents perdent 0,2% par an de pouvoir d’achat.

La retraite moyenne augmente d’environ 1% par an en pouvoir d’achat tandis que le salaire par tête augmente, en moyenne, à 1,3% l’an.

 

n    Tableau 19. Évolution des retraites depuis 2003

n    Tableau 20. Le minimum vieillesse (personne seule)

 

Jadis, les retraités ne payaient pas de cotisations maladie. Ils ont souffert de la mise en place puis de la montée en puissance de la CSG (qui est pour eux de 6,6 % contre 7,5 % pour les salaires). S’y ajoute une contribution de 1 % sur les retraites complémentaires. Faire passer leur taux de CSG % à 7,5 % ne rapporterait que 1,5 milliard. Ce serait contraire à l’engagement du gouvernement de ne pas faire baisser le niveau des retraites. Ne serait-il pas juste, en contrepartie, que les retraités bénéficient de hausses de pouvoir d’achat dans les périodes fastes ?

Les retraites non-imposables ne paient pas de CSG, mais elles pourraient se la voir progressivement appliquer. Ce serait injuste car les bas-salaires bénéficient eux de la PPE (Prime pour l’emploi) ou du RSA (Revenu de solidarité active) qui compense en quasi-totalité la CSG.

Le gouvernement s’est engagé à garantir le niveau des retraites, mais pas leur niveau relatif.

Selon la projection du COR (Conseil d’orientation des retraites), le ratio retraite moyenne/salaire moyen baisserait de 21 % d’ici 2050 (si le taux de rendement se stabilise dans les régimes complémentaires) ou de 25 % (si la baisse se poursuit).

La réforme de 2010 n’a pas fourni de garantie aux générations futures sur le montant de leur retraite. Il serait souhaitable d’arrêter la baisse des taux de remplacement et de fixer des niveaux cibles différenciés selon le niveau de salaire (85 % au niveau du SMIC (Salaire minimum de croissance), 75 % pour les salaires moyens).

 

Les retraités bénéficient-ils de 11 milliards d’avantages fiscaux injustifiés ?

 

- non-imposition des suppléments de retraites pour les familles de 3 enfants. Coût 600 millions (Les Allocations familiales ne sont pas imposables non plus ; les familles nombreuses sont nécessaires pour assurer un taux de fécondité satisfaisant et cet argent devrait être recyclé dans la politique familiale).

 

- taux de CSG à 6,6%. Le passage de 6,6 à 7,5% du taux de CSG sur les retraites rapporterait 1,5 milliards (Les retraités ont déjà supporté la montée en puissance de la CSG et ce serait contraire à l’engagement du gouvernement à ne pas baisser les retraites).

- exonérations de CSG pour les retraités les plus pauvres. Coût : 6,6 milliards (Les salariés au SMIC ont droit à la PPE ou à la RSA).

 

- abattement de 10% sur les pensions (déjà plafonné à 3 606 euros par foyer). Coût : 2,2 milliards. (Cet abattement, 10% plafonné à 13 948 euros est trop fort pour les salariés eux-mêmes).

 

- Les salaries ont des niches fiscales spécifiques : PPE (Prime pour l'emploi) + RSA : 5 milliards, heures supplémentaires : 1,2 milliard ; participation et intéressement : 1 milliard, avantages sociaux 0,4 milliard, PF (Prime forfaitaire) 1,6 milliard)

 

Qui payera pour la dépendance ? Tous ou les retraités ou les plus de 50 ans?

 

n    Tableau 21. Taux de pauvreté en 2007 (seuil à 60 %)

n    Tableau 22. Ratio de revenu +de 65 ans/-de 65 ans

 

13. Peut-on économiser sur les avantages familiaux ?

 

Les pensions de réversion font l’objet de fortes critiques de la part de partisans de l’individualisation des droits sociaux qui dénoncent le cadeau ainsi donné à des femmes qui n’ont jamais travaillé, financé par les personnes qui travaillent. Elles seraient de plus très coûteuses, 26 milliards d’euros en 2005, oit, 1,5 % du PIB. Les pensions de réversion sont réservées aux couples mariés ; l’évolution des mœurs les met donc en question. Enfin, le taux de réversion est de 54% à la CNAV (avec une condition de ressources), de 60% dans les régimes complémentaires (sans condition de ressources et une condition de non-remariage) et de 50% dans la fonction publique (sans condition de ressources). Ces disparités ne sont guère justifiables.

 

Cependant, ces pensions bénéficient fortement aux femmes et compensent quelque peu les différences de retraites entre genres dues aux différences de durée de carrière et de niveau de salaires. Selon la Drees, les pensions de retraites des femmes représentent 62 % de celles des hommes. La suppression des pensions de réversion amputerait les pensions des femmes de 18 % et les ferait passer à 48% de celles des hommes. De nombreuses femmes passeraient au minimum vieillesse. La pension de réversion récompense les couples qui se sont inscrits dans le mariage.

Celui-ci permet à la société de faire des économies de prestations d’assistance. La réversion a trois modalités : éviter la pauvreté chez les veuves, droit de suite de l’assurance sociale, maintien du pouvoir d’achat.

 

Malheureusement, la réforme de 2003, faite sans concertation sur cette question, a prévu la suppression de la limite d’âge pour la pension de réversion (naguère de 55 ans, actuellement de 50 ans), en confondant pension de réversion et pension de veuvage. Une réforme satisfaisante maintiendrait la limite d’âge pour la réversion, créerait une allocation spécifique de veuvage pour les décès précoces. La pension de veuvage serait temporaire (2 ans), dépendrait des enfants à charge et du salaire du défunt (et non de ses droits acquis à pension), avec un plafond et un plancher.

En 2009, la limite d’âge de 55 ans a été rétablie.

Regrettons que la réforme de 2003 n’ait pas été l’occasion d’uniformiser les régimes de réversion entre public et privé (par exemple, à 60 % de la pension du défunt, avec un plafond aux deux tiers de la somme des pensions des conjoints.

Le gouvernement avait annoncé que le taux des pensions de réversion du régime général passerait à 56% en 2009 ; 58% en 2010 et 60 % en 2011. Mais la mesure ne devait pas être pas rétroactive.

En fait, le passage à 60 % en 2010 sera limité aux personnes de plus de 65 ans, dont la retraite totale ne dépasse pas 800 euros.

 

n    Tableau 23. Retraite moyenne en 2004

 

Les fonctionnaires continuent à bénéficier d’un taux de remplacement de 75 % calculé sur le salaire de fin de carrière. Toutefois, ce taux s’applique au salaire hors prime. Un régime complémentaire sur les primes a été créé, mais avec un taux de cotisation très bas (10 %) et il ne monte en puissance que très lentement.

Le taux de remplacement net des fonctionnaires est de 83 % (pour le fonctionnaire qui n’aurait pas de prime), de 72 % pour le fonctionnaire moyen (dont la prime est de 20 % du salaire indiciaire), de 61 % pour le fonctionnaire dont la prime est de 40 % du salaire. C’est proche des taux de remplacement dans le privé (85 % au niveau du SMIC, 76 % pour le non-cadre, 60 % pour le cadre), bien qu’un peu plus favorable pour les fonctionnaires de faible niveau de prime (enseignants).

En sens inverse, les salariés des grandes entreprises du secteur privé ont des régimes sur-complémentaires (Pere –Plan épargne retraite entreprise–, Perco –Plan d'épargne pour la retraite collectif– , voire régime chapeau) et une indemnité de départ.

La divergence entre le public et le privé se creusera à l’avenir si, effectivement, la baisse des retraites assurée par les régimes complémentaires continue. Aussi, le niveau des retraites du public est crucial pour les années à venir : soit, il est préservé et, dans ce cas, il n’est pas justifiable de réduire la retraite du privé. Soit il est mis en cause ; ce qui permettra de diminuer le niveau des retraites du privé.

 

n    Tableau 24. Le taux de remplacement des fonctionnaires

 

Les fonctionnaires ne peuvent être alignés sans précaution sur le privé.

Il faudra remettre en cause la distinction salaire de base/prime, qui n’existe pas dans le privé.

Il faudra aussi remettre en cause la non-indexation du point de la fonction publique.

En pouvoir d’achat, le point de la fonction publique a perdu 14,4 % de 1985 à 2008.

Calculer la retraite des fonctionnaires sur les 25 dernières années diminuerait la retraite moyenne des fonctionnaires d’environ 10 % (si le calcul se fait sur les salaires indiciaires revalorisés sur les prix) ; la calculer sur les 10 dernières années l’augmenterait paradoxalement d’environ 1,5 %.

Mais, si la réforme était accompagnée d’une prise en compte des primes et d’une ré-indexation du point de la fonction publique, elle se traduirait par une hausse des salaires des fonctionnaires et une hausse des retraites des fonctionnaires les mieux payés et risquerait de coûter plus qu’elle ne rapportera.

Faut-il une réforme qui ne s’appliquerait qu’aux nouveaux entrants ?

Le gouvernement a décidé en d’aligner en 10 ans le taux de cotisations retraite des fonctionnaires (7,85 %) sur celui du privé (10,55 %). Mais ce prélèvement de 0,25 % par an pourra-t-il s’ajouter aux baisses de pouvoir d’achat que les fonctionnaires subissent déjà du fait de la non-indexation du point ?

 

14. Le financement est-il assuré ?

 

En avril 2010, le COR a présenté une projection du système des retraites jusqu’en 2050.

Le scénario médian comporte un taux de chômage de 4,5 % à terme, une hausse modérée des taux d’activité (+ 900 000 actifs), soit 1,2 année de recul de l’âge moyen de départ à la retraite ; la population active passerait ainsi de 28 millions en 2007 à 28,2 en 2050 ; une forte baisse (21 %) du ratio retraite moyenne/salaire moyen, qui passerait de 72 à 57%.

Le déficit résiduel serait de 2,6 % du PIB en 2050. Il pourrait être comblé par les excédents du régime de chômage (0,8 point du PIB), des cotisations des fonctionnaires (0,2 point) et une hausse modérée des cotisations (1,6 point de PIB, soit 4 points de taux de cotisation).

Ce scénario montre que le système n’est pas foncièrement déséquilibré.

Toutefois, il ne tient pas compte de la hausse de l’emploi des femmes ; il implique une forte baisse relative des retraites ; il suppose implicitement que la politique de hausse de l’emploi des seniors sera un échec. Il n’intègre pas de future hausse de la durée requise de cotisations (il reste à 41,5 années en 2020) alors que la loi de 2003 permet le passage à 42 ans en 2025 et à 42,5 années en 2032.

Il faudrait sans doute être plus ambitieux en matière d’emploi des femmes et des seniors.

Un scénario, plus volontariste, un report de 2,5 années supplémentaires de l’âge de fin d’activité, aboutit à une population active de 29,85 millions en 2050 (+ 6 %). Il permet d’économiser 1,4 point de PIB en dépenses de retraites. Il faudrait aussi stabiliser le ratio retraite/salaire (coût : 2,1 points de PIB). Dans ces conditions, la part des retraites dans le PIB augmenterait de 2,8 points, de 13 % en 2005 à 15,8 % en 2050. Compte tenu des excédents du régime du chômage, il faudrait accepter une hausse des cotisations de 1,8 point de PIB, soit de 4,5 points de cotisations (0,2 point chaque année de 2012 à 2022).

Dans le cadre d’une stratégie de retour au plein emploi, la France doit mettre en œuvre une stratégie spécifique de hausse des taux d’activité des seniors.

Il faut accepter une certaine hausse des taux de cotisation, si l’on ne résigne pas à une forte baisse du niveau relatif des retraites.

 

n    Tableau 25. La situation en 2050. Une projection plus rose

 

Il n’y a pas de grandes injustices dans le système, dont la correction permettrait d’équilibrer le régime :

-  les femmes ont des retraites plus faibles, mais des taux de remplacement plus forts et elles bénéficient plus longtemps de leur retraite ;

-  les cadres ont des retraites plus fortes, mais des taux de remplacement plus bas ; ils vivent plus longtemps, mais ils ont droit à leur retraite plus tard ;

-  les fonctionnaires bénéficient du calcul de leurs retraites sur le dernier salaire, mais ils n’ont guère de retraite sur leurs primes ;

-  les revenus financiers ne payent pas de cotisations retraites, mais ils n’ouvrent pas droit à retraite et payent déjà 12,1 % de prélèvements sociaux.

 

Cependant, la réforme doit tenir compte du sentiment d’injustice très répandu parmi les salariés du privé, même si ce sentiment n’a pas de fondement. Il faut faire converger les régimes.

Il faudrait lancer une « Commission pour la convergence des régimes » qui devra intégrer les taux de cotisations, la prise en compte de la pénibilité, les taux de remplacement pour les carrières-types, les régimes sur-complémentaires ou créer « la maison commune des retraites», proposée par la CGT, un lieu de concertation des gestionnaires des régimes, qui introduiraient des réformes ponctuelles pour améliorer la situation des poly-pensionnés et uniformiser les avantages annexes (réversion, enfants).

La réforme de 2010 a crée un « Comité de pilotage des organismes de retraite » ; ce pourrait être un lieu de concertation des gestionnaires des régimes, pour les harmoniser et les faire converger. Mais le gouvernement a refusé de lancer la réflexion sur une réforme systémique, qui aurait visé à mettre sur pied un système de retraite unique pour tous les actifs, comme le demandait la CFDT, sans préciser toutefois les contours de ce régime.

La CGT propose « une maison commune des retraites » pour unifier le système par le haut : retraite à 60 ans, les 42 ans étant comptés à partir de 18 ans, indexation des salaires portés au compte et des pensions sur les salaires, taux de remplacement de 75%. Mais comment financer un système si généreux ?

La CFDT demande une remise à plat, mais pour aller où ?

« Il faut être lucide : le système créé en 1945 n'est plus adapté. Un rafistolage n'est plus possible. Il faut une réforme d'ampleur du système par répartition pour faire face au vieillissement de la population, à des carrières plus erratiques et à l'enjeu de la pénibilité du travail. Les retraites doivent mieux coller aux parcours de vie des assurés, avec plus de choix personnels et plus de lisibilité car le système actuel est trop complexe ».

 

15. Le point de vue de la CFDT (selon la résolution de Tours)

- Refus de la baisse du niveau des pensions. Hausse de la durée requise de cotisation ou des taux de cotisation en faisant financer par l’impôt la solidarité, la bosse des baby-boomers et la crise.

- Partage équilibré des gains d’espérance de vie entre durée de cotisation requise et espérance de vie.

- Possibilité pour chaque salarié de construire sa retraite. Pour étendre les possibilités de choix des salariés et mieux prendre en compte leur parcours professionnel dans le calcul des pensions, la CFDT propose que ce système soit plus lisible et assure à chacun la reconnaissance des spécificités de son parcours dans un cadre collectif.

Le projet est très flou. Comment s’exprimerait cette reconnaissance ?

- Revendication de l’extension des possibilités de choix des personnes.

Choix du moment du départ à la retraite, sans condition d’âge, sans décote, et à taux plein, dès lors que le nombre de trimestres requis est atteint. Le texte ne dit rien sur les cas où la durée n’est pas atteinte.

- Généralisation de l’accès à une épargne retraite collective, avec abondement de l’entreprise, pour l’ensemble des salariés quels que soient leur statut, la taille de leur entreprise et leur secteur d’activité. Faut-il encourager la capitalisation qui prive de ressources la répartition ?

 

Garantie rapide des pouvoirs publics d’une augmentation conséquente des ressources allouées au Fonds de réserve des retraites. Les retraites sont garanties par le maintien du système par répartition ; pas par le FRR.

 

16. Deux projets de Grande Réforme ont été lancés.

Ils permettraient d’unifier les régimes et assureraient un équilibre automatique. Mais aucune réforme ne peut échapper à l’arbitrage : taux de cotisation, niveau de la pension, partage carrière/retraite.

 

La première (Bichot, Madelin, Leclerc) propose de passer à un régime par points généralisé à taux de cotisation fixe. Le régime serait automatiquement équilibré par baisse du niveau des prestations. A court terme, l’ajustement se ferait par baisse des taux institutionnels de 50 et de 75 %.

Le 50 % passerait à 43 % ; le 75 % à 50 % ; le taux de rendement baisserait de 8 % à l’ARRCO ( Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés); de 9 % à l’AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres). Ce serait inacceptable pour les salariés et les retraités. La fiabilité du système serait détruite.

 

La seconde (Antoine Bozio et Thomas Piketty,BP par la suite) proposet de remplacer la mosaïque de régimes existant en France actuellement par un système de retraite unique (on ne peut qu’être d’accord) fonctionnant sur le mode des comptes individuels notionnels (c’est plus discutable).

BP proposent de passer à un système de comptes individuels notionnels (comme l’ont fait la Suède et l’Italie). Le taux de cotisation serait fixe à 25% du salaire brut. Les cotisations seraient revalorisées au taux de l’inflation + 1,5 % (taux de rendement réel représentant le taux de croissance du salaire). Chaque salarié choisirait le moment de liquidation de ce capital (après 60 ans). Sa retraite correspondrait à la rente viagère équivalente au capital accumulé, compte tenu de l’espérance de vie de sa cohorte à l’âge choisi pour la liquidation.

Le système se traduirait (avec un taux de cotisation de 25 %) par une baisse importante des retraites. Stabiliser le niveau des retraites supposerait de passer immédiatement à un taux de cotisation de 30 %.

L’avantage est évident mais la difficulté serait de remettre en cause tous les droits non-contributifs, qui pourraient être repensés.

Il faudrait un temps très long de transition, avec des questions délicates :

- Comment prendre en compte les droits déjà acquis, à la CNAV, dans les régimes complémentaires, dans la fonction publique ?

- Quel serait le plafond du système ?

- Le taux de remplacement serait-il uniforme ou dépendrait-il de la tranche de salaire ?

 

Le système favoriserait les cadres (qui partent relativement tard à la retraite) au détriment des travailleurs manuels (qui partent plus tôt). La disparité des espérances de vie selon la CSP rend injuste un système où le montant de la retraite dépend trop de l’âge du départ à la retraite. Ce système serait trop avantageux pour les cadres au détriment des ouvriers.

Faut-il augmenter la retraite de ceux qui pourront travailler au-delà de 60 ans et 42 années de cotisations, souvent des cadres, à longue espérance de vie ?

 

L’individualisation du droit à la retraite risque d’augmenter les inégalités entre retraités entre ceux qui pourront prolonger leur activité, les cadres qui ont eu la chance d’avoir des emplois peu usants et valorisants et les ouvriers usés, qui devront partir tôt.

- Elle risque de créer des situations délicates dans les entreprises : Qui de l’entreprise ou du salarié décidera du départ à la retraite ? Que se passera-t-il quand le salarié souhaite rester mais que l’entreprise ne l’estime pas assez productif ?

- Elle dégage collectivement les employeurs de leur responsabilité : maintenir le niveau de vie des travailleurs qu’elles ne veulent plus employer. Il faut maintenir le caractère social de la retraite.

 

En période de chômage de masse, la plupart des salariés n’ont pas le choix du moment de leur départ à la retraite.

 

BP fait le choix de maintenir le taux de cotisation, de sorte que le capital accumulé à 60 ans est fixe relativement au salaire. Les conditions de l’arbitrage âge de départ à la retraite/montant de la retraite se dégraderont donc quand l’espérance de vie augmentera. On pourrait choisir au contraire d’augmenter le taux de cotisation pour stabiliser les conditions de départ à la retraire.

Considérons un salarié qui travaille de 20 à 60 ans. Il cotise au taux de 25 %, son salaire augmente de 2 % par an. À 60 ans, il gagne 2 000 euros par mois. En 2008, son espérance de vie à 60 ans est de 24 ans. Sa retraite, d’après le système de BP, est alors de 833 euros, soit un taux de remplacement brut de 41,7 % (et un taux de remplacement net de 47,9 %).

Un salarié de carrière similaire aura en 2050 une espérance de vie à 60 ans de 28 ans.

À taux de cotisation fixe, sa retraite ne serait que de 714 euros pour un départ à 60 ans, soit un taux de remplacement net de 41 %. Pour avoir une retraite de 833 euros, il devrait soit partir à 62,5 ans, soit cotiser tout au long de sa carrière à un taux moyen de 29,2 %.

Il faut donc faire un choix social entre l’augmentation des cotisations, la baisse des retraites, l’allongement des carrières.

BP proposent une réforme technique qui ne modifie ni la nécessité, ni la nature de ce choix.

 

n    Tableau 26. Taux de remplacement de quelques cas types (en %)

 

17. Le mythe de la neutralité actuarielle

 

Selon les principes de l’assurance sociale, la retraite est un dispositif social et salarial ; ce n’est pas un dispositif financier géré par des choix individuels.

La société considère que chaque salarié peut travailler N années jusqu’à l’âge A ; elle doit lui fournir un travail jusqu’à cette limite ; après le salarié a droit à une retraite satisfaisante, qui lui assure une parité de niveau de vie avec les actifs. Lui et son employeur peuvent convenir qu’il travaille plus longtemps, mais cela ne lui ouvre aucun droit. Ce système est cohérent avec un contrat salarial implicite, comportant un salaire rigide, progressant avec l’expérience.

 

En sens inverse, le système libéral –chacun choisit l’âge de départ à la retraite et perçoit une retraite d’autant plus forte qu’il part tard– pose quatre problèmes :

1.             la norme de retraite satisfaisante disparaît. La société est dispensé d’offrir une retraite satisfaisante à ceux qui partent à la retraite à 60 ans puisqu’elle peut leur dire : « vous n’avez qu’à travailler jusqu’à 65 ou 70 ans ». En même temps, le choix du départ à la retraite devient une question individuelle, de sorte que les entreprises ne sont pas tenues de conserver leur travailleurs jusqu’à 65 ou 70 ans.

2.             Le départ à la retraite n’est un choix que pour une minorité de salariés. En 2005, 40% seulement des individus de 59 ans étaient encore actifs ; les 60% restants, la majorité était déjà dans des dispositifs de pré-retraites ou de dispenses de recherche d’emploi. Pour eux, une réforme libérale signifierait seulement une baisse du niveau des retraites. Dans un système qui n’assurerait un niveau de retraite satisfaisant qu’à ceux qui ont pu travailler jusqu’à 65 ans, de nombreux travailleurs contraints à partir relativement tôt à la retraite se retrouveraient avec une pension misérable. Le « libre choix de l’âge du départ à la retraite » suppose que les seniors n’aient aucune difficulté à trouver ou à conserver un emploi.

3.             Le niveau de la retraite dépendrait de façon cruciale de l’âge de départ. Or, les salariés ne sont pas égaux en termes d’espérance de vie et de capacité à travailler après 60 ans. Certains qui ont effectués des métiers pénibles sont usés ; certains sont dans des secteurs en difficultés tandis que d’autres qui ont eu des conditions de travail favorables et sont dans des secteurs porteurs peuvent prolonger leur activité. Faut-il diminuer la retraite des premiers en faveur des seconds ?

Les inégalités de retraites seraient accrus au profit de ceux qui ont la chance d’être en bonne condition physique et intellectuelle à 60 ans et qui ont les espérances de durée de retraite les plus longues.

4.             Le maintien en activité du salarié jusqu’à l’âge de son choix est contradictoire avec le contrat salarial implicite actuel où le salarié a droit à une carrière non descendante, en terme de responsabilités et de salaire. Un système où les salariés doivent prolonger leur carrière pour avoir une retraite satisfaisante sera une source de tensions pénibles. Que fera l’entreprise si le salarié n’a plus les capacités de travail correspondant à son poste ou à son salaire ? Lui donnera-t-on le droit de baisser les salaires des salariés seniors qui veulent continuer à travailler, de les faire régresser dans la hiérarchie ou celui de les licencier pour insuffisance professionnelle ? Le risque est grand que l’entreprise licencie prématurément les seniors pour ne pas avoir à les employer jusqu’à 65 ans ou plus.

 

Dans tous les cas, on place l’entreprise et le travailleur dans une situation délicate et conflictuelle, ce que la gestion sociale de l’âge de la retraite permet d’éviter.

 

La neutralité actuarielle n’est pas la norme selon laquelle il faut réformer le système de retraite français.

 

18. Les propositions du PS

 

Le Parti socialiste propose un système « universel et personnalisé » pour les nouvelles générations.

Le changement de système selon la génération est dangereux (exemple de l’Italie).

Il s’agirait « d’inciter ceux qui le peuvent et le souhaitent à travailler plus longtemps plutôt que de relever l’âge légal ». Il propose « d’instaurer le principe d’une retraite choisie, incitant à travailler plus longtemps ceux qui le peuvent et le souhaitent, dans le cadre d’une refonte complète de l’acquisition des droits ».

Mais, quid de ceux qui ne peuvent travailler plus longtemps ?

Comment seraient calculés ces droits ?

Un système à forte surcote favoriserait les cadre et ne fournirait pas de ressources permettant d’éviter la baisse des pensions de salariés contraints de partir relativement jeunes.

Terra Nova n’a pas les pudeurs du PS et le dit clairement.

Il se prononce pour une « retraite à la carte », basé sur un système de compte personnel, actuariellement neutre, en ajoutant « les choix individuels peuvent se déployer sans impacter financièrement le système collectif de retraite ». Mais, le système, prétendu actuariellement neutre, favorise en réalité les cadres à forte espérance de vie au détriment des ouvriers. Si les choix individuels n’impactent pas l’équilibre financier du système, ils ne permettent pas son rééquilibrage. Il n’est pas question de passer d’un système qui accorde un taux de remplacement de 70% à 60 ans à tous ; 79% à 62,5 ans ; 87,5 % à 65 ans à un système qui accorde 62 % à 60 ans ; 70% à 62,5 ans ; 79% à 65 ans. La liberté ferait des gagnants et des perdants.

Il est difficile de ne pas penser que les appels à la réforme structurelle masquent le refus de se battre clairement pour un maintien du taux de remplacement, d’accepter clairement la hausse des cotisations et l’allongement de la durée des carrières dans des conditions socialement acceptables.

 

19. Faut-il un rééquilibrage automatique ?

 

Le rééquilibrage peut se faire sur les cotisations, sur les prestations, sur l’âge de départ. (Jadis, le rééquilibrage se faisait sur les cotisations) mais l’automaticité peut réduire les efforts pour augmenter l’emploi.

- La France a un mécanisme structurel d’équilibrage puisque la durée requise d’activité doit augmenter comme l’espérance de vie.

- La Suède et la Finlande ont un mécanisme structurel d’équilibrage puisque la pension, à un âge donné, dépend de l’espérance de vie de la cohorte.

- L’Allemagne a introduit un ajustement structurel puisque la retraite baisse quand se dégrade le ratio retraités/actifs.

Un mécanisme qui dépend trop rapidement des réserves/recettes et des engagements est dangereux surtout si les réserves sont investies sur les marchés financiers. Il est normal que le système soit déficitaire en période de mauvaise conjoncture.

 

20. Le rééquilibrage automatique en Suède

 

Le système suédois est en principe équilibré puisque le rendement des cotisations est revalorisé au taux de croissance du salaire. Les pensions sont revalorisés comme les salaires -1,6%.

Il existe un premier mécanisme d’équilibrage structurel : à âge et carrière donné, le niveau de la pension baisse comme l’espérance de vie, ce qui tend à obliger les actifs à travailler plus longtemps.

Il existe un deuxième « mécanisme automatique d’équilibrage » : on calcule le ratio « Réserves+cotisations à recevoir/pensions à verser ». Si le ratio est inférieur à 1, il réduit la croissance des droits acquis et le niveau des retraites déjà liquidées. Il n’y a pas d’ajustement sur les cotisations.

En 2009, la croissance des salaires est de 0,3% ; celles des prix de -0,3 % ; le ratio a chuté à 0,9672. Les retraites devraient baisser de –1,3 %–3,2 % = –4,5 %. En fait, elles ne baisseront que de 3 %. Les cotisations notionnelles subissent une perte de 1,7 %. Une baisse de 5 % devrait s’appliquer en 2010-11. Le mécanisme automatique aboutit à répercuter rapidement sur les pensions les fluctuations de l’activité et des marchés financiers.

Le système suédois n’est pas un modèle parfait.

 

21. Les jeunes et la retraite…

1. Les futures générations vivront plus longtemps. Elles auront le choix entre cotiser beaucoup plus ; accepter une forte baisse du niveau de vie à la retraite ou partir plus tard à la retraite.

Ce choix devra être effectué quelque soit le système.

 

Le système français est un système public, social, basé sur la répartition.

La société s’engage à assurer un niveau de vie satisfaisant aux salariés âgés que les entreprises ne veulent plus employer, niveau de vie équivalent à celui des actifs. C’est un plus du Modèle social français : le salarié (du moins celui de salaire faible ou moyen) n’a pas à épargner pour sa retraite, comme il n’a pas à épargner pour la maladie ou l’éducation de ses enfants. C’est un contrat social particulier, une chaîne entre les générations : chaque génération reçoit une retraite correspondant à celle qu’elle a assurée à ces parents. Chaque génération est gagnante puisqu’elle vit plus longtemps que ces parents.

Le système peut être adapté aux circonstances. A chaque période, la société a le droit de revoir le calcul des pensions pour maintenir un ratio satisfaisant entre pension et salaire et de revoir les conditions de départ à la retraite (à condition de fournir un emploi aux travailleurs seniors jusqu’à l’âge de la retraite). Il n’y a donc pas de poids excessif à l’avenir sur les futures générations : il faudra simplement partager équitablement le PIB et assurer un emploi pour les seniors qui ne seront pas à la retraite.

La rentabilité de la retraite par répartition est égale à celle du taux de croissance de l’économie plus le taux de croissance de la durée moyenne de retraite, soit de l’ordre de 2,25% par an, en terme réel pour les années à venir. L’allongement de la durée de vie ne réduit pas la rentabilité du système. Le taux de cotisation est plus fort mais le système assure une retraite satisfaisante durant une retraite plus longue.

 

2. Face à l’allongement de la durée de vie, un système par capitalisation pose les mêmes problèmes qu’un système par répartition. Chacun doit faire individuellement le même choix : cotiser plus, travailler plus longtemps, courir le risque d’avoir une faible retraite.

Avec la capitalisation, la rentabilité est incertaine puisqu’elle dépend des fluctuations des marchés financiers. Sur une longue période, on peut espérer une rentabilité de 3,5 % en terme réel (pour un portefeuille 50% action de rentabilité 6,5 % et 50 % obligations de rentabilité 2 %-0,75 % de frais), mais avec une forte volatilité.

La répartition fait courir un risque politique, mais celui-ci est limité.

La généralisation de la retraite par capitalisation obligerait à un fort taux d’épargne aujourd’hui qui pèserait sur les ménages (en réduisant la consommation) ou sur les entreprises (qui supporteraient une partie des primes). Elle obligerait à un prodigieux développement des marchés financiers. Pour financer entièrement sa retraite par capitalisation, chaque salarié devrait accumuler environ 12 fois son salaire annuel au moment de son départ ; les fonds de pension devraient accumuler 6,8 fois le PIB. La crise a bien montré qu’une telle accumulation induirait une formidable instabilité financière

 

3. La génération qui remettrait en cause le système serait spoliée puisqu’elle devrait à la fois assurer une retraite à ses parents et se constituer un capital pour financer sa retraite par capitalisation. Chaque génération doit savoir qu’elle supportera à son tour les remises en cause des retraites qu’elle imposerait à ses parents. Elle a donc intérêt à maintenir le contrat social intergénérationnel.

Le risque n’est donc pas dans la suppression brutale du système, mais dans sa dégradation progressive.

Le contrat intergénérationnel est donc particulier puisqu’il est imposé à la nouvelle génération, qui en hérite. En sens inverse, la génération active investit dans l’élevage de ses enfants.

Aucune génération n’a le droit de dire : je refuse l’héritage du contrat social, dette et retraite, de même qu’aucune ne peut dire : je refuse d’élever des enfants. Car elle devrait refuser d’avoir été élevée.

C’est le rôle de l’État que de garantir le système, d’assurer l’équité intergénérationnelle et d’éviter qu’une génération ne brise la chaîne.

Les jeunes actifs peuvent avoir l’illusion qu’ils payent actuellement à fonds perdus pour les retraites et les dépenses de santé de leurs parents. Mais leurs cotisations leur ouvrent des droits socialement garantis : ceux d’avoir à leur tour des prestations vieillesse, santé et dépendance.

Le système va perdurer.

En sens inverse, imaginons que ce système public n’existe pas.

 

Les actifs devraient payer des primes pour se constituer une retraite par capitalisation et pour couvrir leurs dépenses de santé (actuelles et celles qu’ils auront à supporter pendant leur retraite) et pour le risque de dépendance. Quel serait le niveau des primes que demanderait une assurance privée pour couvrir les dépenses de santé et de dépendance jusqu’au décès et pour offrir une prestation retraite qui couvrirait le risque d’allongement de la durée de vie et celui des fluctuations boursières ?

Le système social ne pèse pas plus sur les jeunes actifs qu’un système privé.

 

Pour conclure

 

A court terme, il aurait fallu accepter le déséquilibre des régimes de retraites induit par la crise. Augmenter l’âge requis pour le départ à la retraite ou pour un départ à taux plein en situation de fort chômage, ne sont qu’une façon de faire baisser le niveau des retraites.

Par contre, à moyen terme, il aurait fallu maintenir le cap fixé par la réforme de 2003 : équilibrer le système des retraites par une hausse de l’emploi et le recul de l’âge de fin d’activité. Il faut réaffirmer que la durée de carrière requise sera de 41,5 ans en 2020, de 42 ans en 2025, de 42,5 ans en 2032.

Dès que la France retrouvera une croissance satisfaisante, il faudra relancer une vaste mobilisation sociale pour l’emploi des 58-60 ans ; puis des 60-62 ans dans 5 ans ; des 62-65 ans après.

Pour garantir le système des retraite par répartition, le gouvernement et les partenaires sociaux doivent annoncer clairement que c’est par la hausse des cotisations que le système sera équilibré, une fois effectués les efforts nécessaires en matière de recul de l’âge de fin d’activité, à taux de remplacement globalement fixe.

Il faut un accord des partenaires sociaux et de l’État, sur des niveaux cibles de taux de remplacement net : 85 % au niveau du SMIC ; 75 % en dessous du plafond ; 50 % de 1 à 2 plafonds. Si une grande réforme unificatrice parait impossible, la convergence des régimes doit être organisée. Il faut présenter une projection aboutissant à l’équilibre à moyen-terme et convaincre les jeunes actifs que l’avenir du système est garanti.

Dans une situation de fort déséquilibre des finances publiques, le gouvernement a choisi une stratégie d’augmentation de l’âge requis pour le départ à la retraite, qui rompt avec le compromis de 2003 et qui risque de frapper lourdement certaines catégories de salariés. Cette stratégie suppose une forte hausse de l’emploi, donc une forte croissance qui n’est pas assurée.

A court terme, la recherche de l’équilibre des finances publiques risque d’entraîner une rechute de l’économie et une nouvelle hausse du chômage. Le refus des hausses des cotisations ne permet pas de garantir le niveau futur des retraites. La réforme imposée aux syndicats ne semble pas de nature à favoriser le consensus social sur la question des retraites dont la France aurait besoin.