Les livres de février 2019

Dans le faisceau des vivants

V. Zenatti

éd. de l’Olivier, 153 pages

Quel magnifique hommage à Aharon Appelfeld, qui vient de mourir, laissant Valérie Zenatti sans mentor!

Dans une première partie, elle nous fait ressentir ce que l’écriture d’Appelfeld avait de profondément humaniste. Les citations sont éloquentes dans leur simplicité.

Dans une seconde partie, elle nous raconte son voyage à Czernovitz, sur les traces d’une enfance brutalement interrompue par la guerre. Appelfeld, citoyen israélien, n’a jamais oublié d’où il venait. Il a une double culture qui fait de lui un citoyen à part, dans un Israël qui veut créer un juif « nouveau ». Il nous rappelle que nous sommes ce que l’enfance a fait de nous.

Ce voyage permet à l’auteur de faire son deuil, mais aussi de nous rendre Appelfeld plus proche; si proche que son oeuvre survit en nous.

EREV… à la veille de…

Eli Chekhtman

Buchet-Chastel – 815 pages

Cette vaste saga, traduite du yiddish par Rachel Ertel, nous raconte l’histoire de la famille Boïar depuis le début du 20e siècle jusqu’à la seconde guerre mondiale puis à la création de l’état d’Israël.

Ce roman très attachant force l’admiration : il est le témoignage d’un tel amour pour ce peuple balloté par l’histoire, que l’on est souvent bouleversé par les personnages. Ils vivent et se débattent dans des conditions extrêmes. leur monde est plein de violence; tous les sentiments sont exacerbés. Bien souvent, la seule issue est la mort. Plusieurs fois, il nous est arrivé de vouloir en abandonner la lecture. Impossible. Tous ces hommes et ces femmes qui ne peuvent réaliser leurs espoirs forcent le respect. Nous ne pouvons pas abandonner ni oublier ce monde d’où nous venons.

Mon nom est Jamaïca

José Manuel Fajardo

éd. Métaillié – 300 pages

Ce roman n’est pas une nouveauté, mais il s’inscrit dans le thème d’une future exposition du Centre Medem sur le monde sépharade (INDIGO)

Santiago, professeur d’histoire, vient participer à un congrès à Tel-Aviv. Il est en deuil pour la deuxième fois : ayant déjà perdu sa femme, il vient de perdre son fils, dans un accident de voiture. C’en est trop pour lui.

Commence alors une dérive délirante dans sa tête : persuadé d’avoir des ancêtres juifs, victimes au long des siècles, il veut prendre la défense de toutes les victimes, quelles qu’elles soient. En compagnie d’une amie fidèle paniquée, il se lance dans un voyage initiatique halluciné et dangereux, qui le mène de Jénine à Aubervilliers.

Impossible de relater toutes les pistes qui partent de cet esprit enfiévré. En sa compagnie, nous faisons un voyage historique passionnant de Tel-Aviv à l’Amazonie… Que de morts violentes, que d’injustices, que de vies sacrifiées par notre humanité aveugle.

Mené à un rythme haletant, ce roman mélancolique est une réussite.

Comme deux soeurs

Rachel Shalita

Points – 301 pages

(traduit de l’hébreu)

Ce premier roman porte un regard attendri sur le passé d’Israël : deux amies d’enfance suivent des voies divergentes dans les années 1950 : l’une, Tsiona la bien nommée, veut faire partie des bâtisseurs et des défenseurs du jeune état; tandis que l’autre, Vera, a un tempérament d’artiste plus enclin à l’individualisme. Ces deux amies, inséparables depuis l’enfance, doivent affronter une rivalité amoureuse. Laquelle gagnera?

A partir de sa propre expérience vécue, l’auteure dresse le tableau d’un monde disparu : celui des premiers colons. Du point de vue proprement littéraire, il y a des maladresses; le style est très simple, trop peu travaillé, peut-être?

Un peu décevant.

BERLIN, 1933, la presse internationale face à Hitler

Daniel Schneidermann

Seuil – 445pages

Dans une longue introduction, Schneiderman justifie ce retour sur un passé vieux de 80 ans en établissant des comparaisons avec nos années Trump : les relations entre la presse et le monde politique ne sont jamais simples. Il prend pour exemple la période nazie, en précisant deux points importants : d’une part, il se refuse à suivre un fil chronologique. D’autre part, il rejette l’idée de faire oeuvre d’historien. Non par modestie, mais par on ne sait quels à-priori dont il est coutumier.

Et c’est bien là que le bât blesse. L’impression générale est celle d’un vaste fouillis encombré de considérations personnelles encombrantes. Où est le fil conducteur? On voit bien où il veut en venir, mais que de détours, que de pertes de temps pour un lecteur désorienté!

C’est raté!

La maison Rozenbaum

Evelyne Lagardet

Plon – 456 pages

Dans la Maison Rozenbaum, on mange cacher. Mais ce n’est pas pour autant qu’on s’y sent bien car le personnel n’est pas très avenant et malmène les pensionnaires.

Parmi les pensionnaires on peut rencontrer Suzy Moinel, ex-danseuse aux Folies-Bergère, Madame Assous, originaire d’Algérie, Monsieur Bensaïd, Madame Partouche et de nombreux autres… dont Sarah et Albert, deux rescapés de l’enfer des camps de concentration, pour qui chaque minute de vie est un pied de nez à la mort. 

Ballotés au milieu des luttes, des intrigues, des favoritismes, des abus de pouvoir entre les employés, les résidents comptent peu dans l’institution et les familles, complices ou révoltées, sont réduites au silence.

Mais dans le plus grand secret, Sarah et Albert, avec trois compagnons, vont semer un vent de révolte au sein de La Maison Rozenbaum,  qui va réveiller leurs compagnons d’infortune. Par la grâce de la musique et de l’éveil des sens, les autres pensionnaires vont renouer à la vie.

Une histoire d’amour et d’amitié éblouissante, le combat de deux résistants de toujours .

La dédicace de l’auteur nous invite à la réflexion:

« Pour que nos regards changent sur nos anciens »

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