Livres de mai – juin 2022

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LA STUPEUR

Aharon APPELFELD

L’Olivier, 256 pages

Dans un village d’Ukraine sous occupation allemande, Iréna, une jeune paysanne maltraitée par un mari violent, découvre ses voisins juifs tenus en joue par le gendarme local, puis bientôt assassinés. Impuissante à les secourir, elle fuit.

Commence un périple aux accents bibliques. Les fantômes des victimes hantent les consciences chrétiennes. « Levez-vous et demandez pardon aux assassinés. Clamez que Jésus était juif. » Iréna est suivie comme une sainte ou chassée telle une sorcière. Et le typhus, comme la culpabilité, se propage.

Ce livre est le dernier paru du vivant d’Appelfeld.

Dans un style simple, plein d’âpreté et d’humanité, le récit développe des thèmes chers à l’auteur et interroge la foi face au Mal.

Il dessine un portrait lumineux de femme.

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COUPÉS DU MONDE : un militant du Bund raconte la survie et la résistance juive sous l’occupation nazie en Pologne

Yankev Celemenski

éd. Le Manuscrit, 464 pages

Héritier du Bund, le Centre Medem est redevable et reconnaissant à Michel Celemenski de nous permettre de lire ces mémoires. Pour bon nombre de nos « anciens », Yankev Celemenski avait d’abord été un membre éminent du Bund, représentant des tailleurs de Pologne, avant de jouer un rôle essentiel durant la guerre. Personnellement, j’ai encore en mémoire l’immense respect avec lequel mes propres parents parlaient de lui.

Ces souvenirs ont une très grande valeur et ce pour plusieurs raisons :

D’une part ils nous permettent de suivre au jour le jour ce que vivaient les juifs enfermés dans les ghettos. Nous pouvons aussi prendre la mesure du courage, de l’abnégation de tous les résistants ; de leur organisation, de leur solidarité. L’enfermement n’étant pas totalement hermétique, les militants cachés dans la partie non-juive des villes ont eu un grand rôle à jouer, malgré la prise de risque incommensurable que cela représentait.

D’autre part, nous découvrons l’infatigable activisme dont a fait preuve Yankev Celemenski, dans son rôle d’émissaire parcourant la Pologne, rendant visite et apportant aide matérielle et morale aux militants. Seule, l’absolue nécessité permet peut-être de comprendre la force, la volonté de fer dont a fait preuve Yankev Celemenski. Essayer de se représenter ses incessants voyages au milieu de tous les dangers est quasi impossible. Penser à la charge qui pesait sur les résistants, à leur dévouement sans faille, au défi d’une mort certaine, mais aussi à leur dignité d’être humain, nous les rend encore plus précieux.

Soulignons aussi le grand intérêt des notes historiques établies par Bernard Vaisbrot, surtout pour les lecteurs d’aujourd’hui.

Enfin ces mémoires remettent à l’honneur des héros méconnus ou oubliés. NOUS NE POUVONS PAS, NOUS NE DEVONS PAS LES OUBLIER.

A ce titre, ce livre a sa place, non seulement au centre Medem, mais chez chacun d’entre nous.

Nous, lecteurs, ne remercierons jamais assez toute l’équipe qui a œuvré afin de faire éditer cet ouvrage précieux : Michel Celemenski, Patricia Chandon-Piazza, et notre cher Bernard Vaisbrot , ainsi que Philippe Weyl de la Fondation Pour la Mémoire de la Shoah.

Yankev Celemenski à Vladek Home Brunoy en aout 1947.   Au 1e plan ; Suzanne Gertler Papiernik , Y Celemenski
Au 2e plan ; Mr Gertler , Mme Mehring , Rachel Pludermacher et Georges , Mme Gertler
(coll.archives Centre Medem)

 

 

 

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SATIRES

Edgar Hilsenrath

Le Tripode, 143 pages

Edgar Hilsenrath est mort cette année ce petit livre est donc son dernier ; il clôt une œuvre riche avec une pirouette. « Non, je n’ai rien regretté », écrit-il en fin d’ouvrage.

Malgré la déportation, laquelle hante toute son œuvre.

Malgré le constat amer de voir les anciens nazis vivre tranquillement, avec leurs bons souvenirs de la guerre, comme ce Monsieur Zybulski. C’est un Monsieur Tout-le-Monde, dirait-on en français. On a beau le dépouiller de ses pelures, tel un oignon (Zybul), mais c’est toujours le même.

Mieux vaut en rire, s’amuser à ses dépens, ironiser, user de sarcasmes. Ce que Hilsenrath a toujours admirablement réussi à faire.

Il nous manquera.

Et toujours disponible la sélection de mars – avril

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SMOTSHE, biographie d’une rue juive de Varsovie 

Benny Mer

L’antilope, 335 pages

Comment est-il possible de faire la biographie d’une RUE ? En lui redonnant la vie. C’est ce à quoi s’est attelé le journaliste et traducteur du yiddish Benny Mer. Avec détermination, avec méthode, avec minutie, il a accumulé un matériau d’ethnologue, traquant les données dans tous les domaines : souvenirs, archives, journaux, petites annonces, etc…

Cela donne un texte passionnant. Nous voyons revivre sous nos yeux une rue juive de Varsovie, ses habitants, ses commerces, ses enfants des rues, sa police, ses voyous, bref tout ce fourmillement humain où la misère joue un grand rôle ; mais aussi la culture ! Il y eut un théâtre dans cette rue ; on y découvrit les premiers films !

C’est à travers un poème yiddish, « Mayn schvester Hayè », de Binem Heller, mis en musique par Chavè Alberstein, que commence cette découverte : « Smotshè-gas mit di krumè trep ». C’est la « recherche mélancolique de la rue perdue » (page 31). C’est aussi un émouvant hommage à un monde yiddish disparu.

Un récit magnifique et bouleversant

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LES NÉTANYAHOU

Joshua Cohen

Grasset, 347 pages

Ce roman drôle et grave tout à la fois nous donne l’impression d’avoir affaire à Deux peuples juifs : celui des Etats-Unis, venu des shtetlech d’Europe de l’Est, qui se défait peu à peu de sa culture pour s’assimiler ; celui d’Israël, vu comme une bande de malappris emplis de Chutzpeh.

Les travers de ces deux cultures sont présentés sous un même jour ironique, mais il me semble que les Nétanyahou ont droit à un « traitement de faveur » !

Le modeste professeur Blum, titulaire dans une petite université de province, est chargé d’une mission délicate par ses pairs. Etant le seul juif, on lui a demandé d’examiner la candidature d’un certain Professeur Nétanyahou, spécialiste d’histoire juive médiévale. Cette famille agitée, dévastatrice, indomptable s’installe chez les Blum, suite à la décision de… Mme Nétanyahou.

De son côté, Blum est nanti d’une famille compliquée en raison des origines de ses parents et beaux-parents, les uns allemands, donc prétentieux ; les autres polonais, donc angoissés de naissance !

Nétanyahou s’avère être un tenant des théories révisionnistes de Jabotinsky, ce qui ne manque pas d’effrayer la communauté de professeurs férus de la Bible.

Blum quant à lui, est un Américain ayant bien intégré les règles de la bienséance américaine, n’aimant pas les conflits. Il sera servi ! Son seul gros problème étant l’adolescence tourmentée de sa fille Judy.

A travers le portrait de deux communautés juives décrites avec drôlerie (certaines scènes sont pleines de gags très amusants), Cohen ne prend pas partie. C’est sa fille Judy qui le fera, en déclarant qu’il n’y a qu’un seul et unique peuple sur terre : celui de l’espèce humaine en voie de disparition.

Excellent roman

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L’ÂME AU DIABLE

Yoram Leker

éd. Viviane Hamy, 288 pages

Selon une partie de la population d’Israël, celui qui « a vendu son âme au diable » se nomme Rezso Kästner : c’est pour sauver quelques 1684 juifs hongrois de la déportation qu’il a conclu un accord avec le diable en personne, c’est-à-dire Adolf Eichmann, ce bourreau soi-disant « banal ».

Ce livre est écrit en hommage à Kästner car l’auteur et sa famille lui doivent la vie. En racontant la vie de sa famille hongroise, écrite en parallèle avec celle de Kästner et de Joël Brand, Yoram Leker fait œuvre de témoin : il rétablit ainsi la véritable histoire, totalement incomprise par de nombreux dirigeants israéliens de la post-guerre. Incomprise ? Il faudrait plutôt dire « occultée », car révélant la lâcheté de Ben Gourion, la duplicité du juge Halévy. Le temps a fini par donner raison à l’auteur, puisque Kästner a été réhabilité. Hélas, il ne l’a pas su, ayant été assassiné par un voyou de l’extrême-droite.

Son histoire familiale est par ailleurs très émouvante ; les personnalités originales nombreuses et attachantes, leur volonté de vivre, nous touchent au plus haut point.

Ce texte n’est pas un roman : c’est un magnifique témoignage sur les juifs de Hongrie durant la Seconde Guerre mondiale.

PETER SPIER

un illustrateur juif américain un peu oublié (1927-2017)

L’album le plus célèbre de Spier est sans nul doute « Sept milliards de visages », paru à l’Ecole des loisirs en 1981.

Peter Spier est né à Amsterdam dans une famille juive. Son père était journaliste et satiriste. C’est lui qui l’a initié au dessin. Pendant la guerre, son père et lui ont été internés à Theresienstadt. Peter est entré à l’école d’art graphique d’Amsterdam à l’âge de 18 ans, après la guerre. Toute la famille a émigré aux Etats-Unis en 1950. Peter a débuté dans la publicité, avant de se faire un nom dans l’illustration pour la jeunesse.

Ses illustrations ont un style très reconnaissable : personnages tout petits, dessinés à la plume avec beaucoup de finesse, rehaussées de couleurs très gaies ; les détails sont représentés avec beaucoup d’exactitude ; son sens de l’observation fait merveille, en particulier dans les effets de masse où chaque détail est visible. Les enfants ne s’y trompent pas, capables de passer de longs moments à observer chaque page et à découvrir la richesse de l’illustration. Les thèmes qui ont inspiré Spier sont ceux d’un humanisme plein de tendresse. Il est titulaire de la médaille Caldecott, attribuée aux illustrateurs de livres pour la jeunesse les plus célèbres aux Etats-Unis (ex : Maurice Sendak)

Principaux titres encore disponibles en français, édités à l’Ecole des loisirs :

Sept milliards de visages

Le Cirque Mariano

Le livre de Jonas

LE PAIN PERDU

Edith Bruck

Ed. du sous-sol, 168 pages

Ce texte autobiographique est le résumé de toute une vie : la jeune Ditke et sa famille juive vivent à l’écart dans un petit village hongrois. Nous sommes à la veille de l’invasion de la Pologne et l’inquiétude est d’autant plus forte que l’hostilité se fait menaçante. Ditke est déchirée entre ses deux parents que la misère accable : d’un côté, son père, homme humble et silencieux ; de l’autre sa mère, profondément religieuse, dure à la tâche et avec les autres. L’arrivée des nazis, le départ pour les camps fait éclater la famille. Au retour, ils ne sont plus que quatre.

Se retrouvant en Israël avec ce qui reste de sa fratrie, Ditke ne parvient pas à vivre « normalement ». Elle fuit en Italie, pays dans lequel elle retrouvera un semblant de paix, devenant écrivain et témoin infatigable de la Shoah.

Ce livre semble raconté d’une seule traite, avec une grande simplicité. Ditke a survécu grâce à sa sœur Judit, enfermée avec elle dans les mêmes camps. Mais son parcours est celui d’une révoltée luttant contre la haine et pour la liberté.

Très intéressant

Née en 1932 dans un village de Hongrie, Edith Bruck raconte son enfance très pauvre dans une famille nombreuse juive. Enfermée dans le ghetto, puis déportée à Auschwitz en 1944 avec les siens qu’elle ne reverra plus, elle est envoyée avec sa soeur de camp en camp, Birkenau, Dachau, Bergen-Belsen, jusqu’à la libération par l’armée américaine. 

Le retour à la vie pour la jeune fille de 14 ans se fera très difficilement : l’adaptation impossible en Israël, le besoin immodéré de liberté, l’accueil peu chaleureux de membres de sa famille, l’impossibilité de raconter hors l’écriture, les mariages et divorces. Tour à tour chanteuse, danseuse, elle trouve enfin sa terre d’accueil, l’Italie, dont elle adopte pleinement la langue. 

Ce témoin inlassable, amie de Primo Levi, manifeste une vitalité et un désir de vivre extraordinaires. Poétesse, scénariste, journaliste, traductrice, son écriture est claire et directe, dénuée de tout pathos. Les mots sont depuis l’enfance son refuge. « Il faudrait des mots nouveaux, y compris pour raconter Auschwitz, une langue nouvelle, qui blesse moins que la maternelle. »

Lauréate de nombreux prix et distinctions, Edith Bruck reçut, comme en réponse à sa bouleversante LETTRE A DIEU la visite chez elle à Rome du Pape François.

LA FILIERE

Philippe Sand

Editions de Poche

Oto Von Wächter adhère en 1923 au parti nazi.

Durant la guerre, il devient gouverneur de Cracovie puis du district de Galicie.

Dès 1945, après la défaite du Reich, il se cache à Rome. Il meurt en Italie en 1949 dans des circonstances suspectes.

Mais comment a-t-il pu échapper à la justice et de quelles complicités a-t-il bénéficié ?

Sa mort est-elle naturelle ?

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LA TRESSE DE MA GRAND-MÈRE

Anna Bronski

Actes sud, 208 pages

Au début des années 1990, un couple de Russes émigre en Allemagne avec leur petit fils, Max, âgé de 5 ans.

Ils sont accueillis dans un foyer de réfugiés juifs.

Malgré l’amour étouffant de sa grand mère, Max arrive à découvrir une culture étrangère et ce faisant grandit en cheminant pas à pas vers l’indépendance.

Divertissant, burlesque, *La Tresse de Grand-mère* joue avec la tradition du roman satirique russe.

Alina Bronsky a grandi du côté asiatique des monts Oural. À treize ans, elle quitte la Russie avec sa famille pour s’installer en Allemagne.

Acclamée par la critique allemande et américaine, elle est la lauréate de plusieurs prix littéraires;

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LE SILENCE EST D’OR

Yonatan Sagiv

L’Antilope,  430 pages

Après « Secrets de Polichinelle », voici la deuxième aventure policière de Oded Hefer, le détective privé de Tel-Aviv. Il est dépeint avec tous les codes de la modernité occidentale : homosexuel se sentant femme, il parle de lui-même en tant que telle ; il navigue dans un milieu qui lui ressemble ; sa vie est un échec à tout point de vue, sentimental, sociétal, familial.

Parti à la recherche du chat de sa grand-mère, laquelle vit en Ehpad, Oded découvre le cadavre d’un autre pensionnaire. Ecarté de l’enquête par la police, il ne peut s’empêcher de mener sa propre investigation…

C’est ainsi que nous entreprenons un voyage à travers tous les maux de la société israélienne de Tel-Aviv, ni pire ni meilleure qu’une autre ; le tout dans une langue crue et décapante, souvent pleine de drôlerie. Tableau à la fois saisissant et ironique, brut de décoffrage !

Excellent roman

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