Quand un témoin disparaît

Cette année, il m’est encore plus difficile de prendre la parole ici, devant ce monument dédié à tous les Bundistes dont les cendres ont été avalées par la terre, l’air, les eaux du gigantesque territoire où avaient été érigées les sinistres cheminées des fours crématoires des camps d’extermination.

Cette année, il m’est encore plus difficile de prendre la parole, car cette année nous avons perdu l’un des nôtres, l’un des nôtres un peu particulier, je veux parler ici de Mendl FELDMAN.

C’est la première année où nous nous réunissons sans que Mendl ne soit présent parmi nous ou non loin de nous.

C’est la première année où nous nous réunissons devant le monument où « reposent » ceux qui pour beaucoup d’entre nous ont toujours été des absents et ceci hors la présence si vivante de Mendl FELDMAN qui incarnait pour nous « le témoin » par excellence, celui qui avait promis sur la rampe d’accès à Auschwitz à « ses absents » à lui et par voie de conséquence à « nos absents » à nous, de témoigner encore et toujours.

Il ne nous dira plus, il ne nous répètera plus ce qu’il a vu, vécu à Auschwitz
Il ne nous répètera plus ce qu’il avait promis à ses parents, à ses amis à l’intérieur du camp.
Il ne nous dira plus, ne répètera plus comment en n’entendant plus les Tsiganes chanter, il a compris qu’ils avaient été gazés.

Nous ne l’entendrons plus intervenir au Centre Medem-Arbeter Ring comme lors du débat à propos des « Bienveillantes » durant lequel il fit preuve d’une ouverture d’esprit bien plus grande que certains d’entre nous qui n’avons pas vécu les atrocités de la Shoah.
Nous ne l’entendrons plus raconter son émotion, ses espoirs en écoutant les paroles des lycéens allemands décidés à tout apprendre des responsabilités allemandes.

Nous ne reverrons plus son beau sourire charmeur ni au Cercle Amical ni sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris où son portrait figura pour son plus grand plaisir ainsi que pour le notre : image de la reconnaissance d’autrui.

C’est la première année où nous allons faire acte de mémoire, hors le regard, l’écoute attentive et bienveillante de Mendl –Michel Feldman.
Comment allons nous dire, qu’allons nous dire en mémoire de nos proches si lointains, en mémoire de nos familles décimées, assassinées dans les ghettos, dans les camps d’extermination ou encore déportées en U.R.S.S dans le Goulag sibérien ?

Mendl ne nous dira plus rien. C’est une voix, ce sont des mots que nous n’entendrons plus.

Il est parti suivre son dernier chemin, pas celui que les nazis ont voulu lui imposer mais en empruntant celui d’une vie reconstruite, rebâtie avec courage et bravoure.

Un seul témoin disparaît et c’est notre mémoire qui est dépeuplée, notre mémoire personnelle et celle de notre groupe.
Mendl a su témoigner et c’est une tâche bien plus rude qu’il n’y paraît, il a su être à la fois de là-bas avec eux et ici avec nous. Il nous laisse dans une amère solitude.

Mendl aura été un témoin pour toujours, un témoin pour l’avenir, un témoin à jamais.

Sa présence est devenue absence.
Sa parole est devenue écho lointain.
Le souvenir de lui s’ancre dans notre mémoire.

Son témoignage disparaîtra-t-il dans les limbes de notre esprit ?
Que ferons-nous dans l’après-coup de sa mort, de sa disparition ?

Qu’est-ce qui se passe quand un témoin disparaît ?

Il est une chanson qui nous dit ce qui se passe quand un soldat s’en va.
Mais quand un témoin s’en va, quand un témoin disparaît, nulle chanson à l’horizon.

Avant de tenter de répondre à cette question, je tiens à te dire, à toi, Mendl qui vient de partir, que j’ai été contente de te connaître.
Mendl, tu as été pour moi le porte-parole, le nom de ceux qu’on a contraint à partir dans la violence, sans laisser d’adresse à quiconque.
Tu as été pour moi, la voix de ceux qui sont partis, sans me dire qu’ils étaient mes grands-parents, mes oncles, mes tantes, mes cousins, mes cousines, ma petite-grande sœur.

Ce dont nous pourrons témoigner c’est que tu as tenu ta promesse, c’est que tu as été le témoin que tu leur avais promis d’être. Inlassablement, aussi bien auprès des Juifs que des Français que des Allemands, tu as dis, répété, proclamé, témoigné dans des écoles, des lycées, des collèges, sur des lieux de commémoration, à la radio, dans des films ; de ce que tu avais vu, vécu dans le ghetto et à Auschwitz.
De cela, nous pourrons témoigner.
Mais nous ne serons pas nous-mêmes des témoins.
Nous n’avons pas vécu ces temps d’atrocité barbare.
Nous ne témoignerons pas d’un passé qui ne fut pas le nôtre, tout en faisant partie de notre histoire.

Ce que nous ferons, c’est dire, faire le récit de ce que tu nous as transmis, c’est veiller toujours, travailler à ce que la société reste toujours éveillée, vigilante, militante dans son rapport aux politiques menées dans le présent.
Cela oui nous pouvons te le promettre. Nous pouvons le jurer comme dans l’hymne du Bund que nous avons entonné au-dessus de ton cercueil, en novembre dernier : « Mir schweyrn, mir schweyrn. »

Pour terminer, j’évoquerai les mots qu’André Schwarz Bart a laissés en héritage à son épouse Simone : « Mange pour moi, chante pour moi, vis pour moi ; après moi. »
Cela nous ne le ferons pas car on oublie souvent que ce sont aussi des enfants qui portent le deuil de leurs parents. Et cela bien des membres de ma génération ont eu à le vivre passivement : vivre, manger, chanter, à la place de leurs morts, inconnus d’eux, dans un deuil incertain.

Nous ne témoignerons pas, nous raconterons.
Nous ne vivrons-revivrons pas un passé qui ne fut pas un présent pour nous.
Mais nous nous battrons pour qu’il ne se répète nulle part sur cette terre.
Nous nous battrons pour que ta trace, leurs traces ne s’effacent pas dans l’oubli, dans l’anonyme et nous dirons vos noms à l’infini. Là est notre responsabilité.

Mendl, je crois qu’en fait c’est en écrivant ces lignes, en les lisant aujourd’hui que je te dis effectivement adieu, en n’oubliant pas que l’an dernier tu m’avais laissé le message suivant : « Je veux te dire que je sais maintenant qu’il y a quelqu’un qui saura dire avec émotion les mots qui nous touchent tous pour parler de ce que nous avons vécu. »

Merci à tous de porter avec moi l’héritage laissé par Mendl, héritage explicitement transmis et qui sera peut-être plus facile à porter que celui implicitement transmis, dans la douleur, par nos parents.

Un dernier mot, un dernier souvenir de Mendl. En septembre 2005, à Malzieu : village où Suzy, son épouse, fut cachée pendant la seconde guerre mondiale, alors que Yaël , notre fille le filmait parmi les Justes du village, que nous honorions ; il s’approcha de la caméra et susurra du bout des lèvres :

« Je vous aime, tous ! »

Les Litvaks

L’héritage
universel
d’un monde juif disparu
de
New York
à Melbourne,
de
Paris au Cap
via
Tel Aviv.

Henri MINCZELES, Yves PLASSERAUD, Suzanne POURCHIER

Editions La Découverte

Sur le territoire de l’ancien grand-duché de Lituanie, à l’intérieur du vaste yiddishland, en Litvakie s’est développée durant des siècles une civilisation originale, dont se réclamaient plus d’un million et demi de Juifs.

Baltes, polonais et biélorusses, ces Litvaks ou « Juifs lituaniens » affirmaient leur singularité dans un univers à la fois ouvert sur le monde et intimement attaché aux traditions. Religieux ou laïques, très souvent engagés sur les plans politiques et culturels, ils ont compté d’éminentes personnalités, dont certaines ont acquis une stature internationale : Sergueï Eisenstein, Mark Chagall, Golda Meir, Jacques Lipschitz, Chaïm Soutine, Emmanuel Levinas, etc.

A Vilnius comme à Minsk, à Bialystok ou dans les shtetleh, les Litvaks ont fortement imprégné le judaïsme dans son ensemble grâce à leurs talents et à leur humanisme.

Moins de 70 000 Litvaks ont survécu aux souffrances et à l’horreur de la Shoah. Mais plus d’un million d’entre eux avaient quitté le « vieux pays » pour perpétuer, sur les cinq continents, une certaine manière de vivre, une éthique exigeante qui les rendait à la fois semblables et différents des autres Juifs.

Henri MINCZELES journaliste et historien, auteur de Vilna, Wilno, Vilnius. La Jérusalem de Lituanie (La Découverte, rééd. 2000) et d’Une histoire des Juifs de Pologne. Religion, culture, politique (La Découverte, 2006). Il a dirigé Lituanie juive 1918-1940. Message d’un monde englouti (Autrement, 1996) avec Yves PLASSERAUD, spécialiste en droit des minorités et du multiculturalisme, auteur de Les États baltes (Montchrestien, 1996), Les États baltiques, des sociétés gigognes (Armeline, 2006) et, avec Suzanne POURCHIER, doctorante en histoire, spécialiste des arts visuels baltes, de Capitales baltes. Riga, Tallinn, Vilnius (Autrement, 1998).

Ciné Club

Après La petite Jérusalem de Karin Albou, Le jardin des Finzi Contini de Vittorio de Sica, l’AJHL, le CLEJ et le Centre MEDEM présente :

Rouge Baiser,

de Véra Belmont, film de 1985, qui a reçu l’Ours d’argent de la meilleure actrice, pour la performance de Charlotte Valandrey, qui y tient le rôle principal.jpg_rachewski.jpg

Nadia, l’héroïne, est une jeune militante communiste juive tombant amoureuse d’un reporter (Lambert Wilson), le parfait « ennemi de classe ».

A travers la description de la vie quotidienne de la jeune fille, Véra Belmont montre les premiers doutes qui s’instaurent sur l’ « avenir radieux » , les premiers témoignages sur l’antisémitisme stalinien ainsi que la générosité, la sincérité, l’engagement des militants, dont la prise de conscience tardive n’en sera que plus douloureuse.

La Shoah par balles

Conférence du Père DESBOIS

présentation Emile RAFOWICZ

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« La Fondation pour la Mémoire de la Shoah a soutenu dès la première heure le travail du Père Desbois dans sa recherche des lieux de mémoire liés à l’extermination des Juifs par les Einsatzgruppen. En collectant des témoignages, en retrouvant en Ukraine les emplacements exacts des fosses communes, en dévoilant les conditions dans lesquelles se sont déroulés les massacres, l’équipe du Père Desbois accomplit une œuvre de premier ordre.
Il faut noter que cette recherche de la vérité historique, premier acte du travail de la transmission de la mémoire, s’accomplit dans le respect et le dialogue fraternel entre Juifs et Chrétiens.
L’équipe franco-ukrainienne du Père Desbois s’illustre par son professionnalisme et sa responsabilité vis-à-vis de l’Histoire. Le travail archivistique, dont l’exposition n’est que la première illustration, se poursuit. Il est la première étape d’un processus qui devra conduire, d’une part à la sanctuarisation des tombes et d’autre part à une appropriation de ce passé par les Ukrainiens eux-mêmes. Sans omettre le lourd passé de la période soviétique, cette prise de conscience est une des conditions pour que s’incarne le projet européen, notamment en Ukraine. »
Anne-Marie Revcolevschi, Directrice Générale de la FMS

P.A.F

Journée Culture Européenne


Concert inaugural du groupe ZAMRI

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Prenez votre billet pour un aller-simple sur les traces des musiciens ambulants, les klezmorim, à travers les fêtes de village, en Pologne, Roumanie, Russie, pour célébrer avec eux, en yiddish l’amour de la vie, l’amour tout court, l’espoir et l’ivresse musicale…

Voix au timbre émouvant, arabesques mélodiques, cordes pincées, frottées mêlées aux peaux percutées et caressées, ZAMRI est un groupe franc-comtois, né en 2005 de la rencontre d’une chanteuse du Trio Les Têtes en l’Air, avec un guitariste, un contrebassiste de jazz et un percussionniste inspirés.

P.A.F

Atelier yiddish Enfants

ATELIER THEATRE YIDDISH ENFANTS

און פֿאר די קינדער

 

S’adresse à des enfants de 7 à 12 ans
(minimum 10 enfants)              

Initiation au yiddish, improvisations,
théâtre, chants, contes, jeux.

Chaque séance s’articule autour d’un
thème de la yiddishkeit.

(programme
détaillé à la rentrée)

L’animation est assurée en alternance
par :

Olivia Kryger,
Comédienne et Lise Gutmann
Enseignante
.  

           
Un dimanche par mois de 14h à 18h30
   
      P.A.F.

Mexique

Mexique – Traversée des Pays Mayas

pdf_au_pays_des_Mayas.pdf

du 10 au 24 octobre 2008

Prix : 2500 €

PARIS / MEXICO sur vol direct |

COMPLET

Un voyage très riche qui dévoile les trésors du Mexique éternel : les villes indiennes et historiques, les
grands sites archéologiques et les merveilleux paysages de montagnes et forêts tropicales

Le prix et le parcours sont provisoires

L’idéal sioniste à l’épreuve du temps

Table ronde

réunissant


Théo KLEIN

Joav TOKER

Meir WAINTRATER

(Pressentis)


Habitués depuis 2000 ans d’exil
en diaspora, à vivre repliés sur
leur communauté, à se défendre
des agressions extérieures, les juifs, puis
les Israéliens, ont développé « le
syndrome du ghetto ».

Ce syndrome les
empêche de considérer leurs voisins en
toute sérénité et le moindre écart fait
ressurgir le spectre de l’antisémitisme.
Sur la défensive, ils remettent constamment en
cause les liens indispensables à une saine
cohabitation et une dialectique infernale rejet-repli
s’instaure.

Pour résoudre la « question » il est donc
temps d’abattre les murs, qu’ils soient matériels ou
immatériels. Théo Klein, dans son rôle reconnu de
médiateur, invite Israël à sortir de l’enfermement et
à tendre la main aux pays du Proche-Orient, dans
l’intérêt de chacun. Il invite aussi les juifs de la
diaspora à se débarrasser de la hantise de la
persécution et d’une attitude de repli. Trop
longtemps exclus d’un rôle actif dans l’histoire, ils
doivent s’intégrer aux jeux de la politique comme
acteurs responsables. (Théo Klein)

Présentation : Henri SZTANKE

Sortir des dictatures dans le monde arabe

jpg_kodmani.jpgdes dictatures dans le monde arabe

Ce qu’a révélé le 11 septembre, c’est à quel degré de violence et de frustration le monde arabe en est arrivé, au cours des vingt dernières années.

En l’absence de tout exutoire, ces sentiments se sont transformés en un phénomène monstrueux. Devant la montée de l’islamisme et la persistance des pouvoirs autoritaires, les élites intellectuelles du monde arabe ont perçu l’urgence à rebâtir ses fondations.

Les ouvriers, les paysans, les classes moyennes appauvries s’interrogent. Sans parler des femmes.

Dès lors se dessine dans l’ensemble de ces sociétés une prise de conscience qui aboutit partout au même constat :

il est impossible de continuer ainsi.

Les auteures :

Bassma KODMANI

a quitté la Syrie en 1968 avec ses parents, contraints de partir pour des raisons politiques. Chercheuse associée au CERI (Sciences-Po), elle est directrice de l’Initiative Arabe de Réforme, un consortium d’instituts de recherche issus de pays arabes travaillant
sur la transition démocratique dans le monde arabe. Auteure de nombreuses publications sur le Moyen-Orient, elle vit aujourd’hui à Paris.

Nadine VASSEUR

est écrivaine et journaliste. Elle a été productrice du Panorama de France Culture de 1982 à 1997. Elle est l’auteure de livres d’enquêtes et de reportages dont Le Poids et la voix (Le temps qu’il fait, 1996), Il était une fois le Sentier (Liana Levi, 2000), Je ne lui ai pas dit que j’écrivais ce livre (Liana Levi,2006) et de livres d’art dont le dernier est Les incertitudes du corps (Seuil, 2004). –

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