Les livres de mars et avril

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La patiente du jeudi

Nathalie Zajde

l’Antilope,  286 pages

La patiente du jeudi, c’est Mona, 33 ans, qui n’en peut plus. Pigiste pour un magazine féminin, sa vie privée est encore plus précaire. De plus en plus dépressive, elle subit l’ assaut de visions invalidantes qui la transportent dans un autre espace/temps. Pourchassée par les nazis, plusieurs voix inconnues hurlent en elles parlant en yiddish, une langue qu elle ne connaît pourtant pas…

Proche de l’ethnopsychiatre Tobie Nathan, l’autrice pense  qu’ il faut prendre en compte l’univers culturel des patients pour soigner certains troubles.

Sur la réparation des morts et des vivants, ce premier roman est tout à fait réussi.

Il est parsemé de proverbes et de termes en yiddish qui feront la joie des lecteurs, qu’ils soient yiddishophones ou pas.

Ouvrage publié en partenariat avec Akadem.

Lire les premières pages

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Mendelssohn est sur le toit   

Jiri Weil

 10/18, 360 pages

Roman témoignage situé dans Prague occupée par les allemands pendant la seconde guerre mondiale où le sarcasme côtoie la tragédie.

En 1941, Reynhard Heydrich, protecteur de Bohême ordonne de déboulonner de l’Opéra la statue de Mendelssohn (compositeur juif). Mais comme il n’y a pas de plaque sous les statues, personne ne peut l’identifier. Ils décident de déboulonner celle qui a le plus gros nez. Or, ironie de l’histoire, ils déboulonnent la statue de Wagner !…

Jiri Weil (1900-1959) est un des auteurs préférés de Philip Roth, qui aimait son tond détaché et sa simplicité. Journaliste communiste, traducteur de Pasternak, Maïakovski, Marina Tsvetaeva, victime des purges staliniennes, il est l’un des premiers auteurs à avoir évoqué le goulag. Pourchassé à la fois en tant que juif et en tant que communiste par les nazis, il échappe à la déportation en faisant croire à son suicide et travaille dans la clandestinité, Les documents sur le génocide juif passés entre ses mains au musée juif de Prague lui ont inspiré cette “Complainte pour 77 297 victimes”, traduite ici pour la première fois.

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Le pape et la matriarche – Histoire secrète des relations entre Israël et le Vatican

Michaël Darmon

Éditions Passés composés, 216 pages

A partir de la première rencontre entre un Pape – Paul VI – et un chef d’Etat israélien – Golda Meir, le 16 janvier 1973,  Michaël Darmon présente de manière synthétique et captivante l’évolution des relations du Vatican avec les Juifs et Israël, de Pie X au Pape François. Comment le Vatican qui n’a jamais reconnu le mouvement sioniste, et qui qualifiait les Juifs de peuple déicide, parvint-il au Concile Vatican II et finit par reconnaître l’Etat d’Israël en 1993 ? On saisit l’importance des rôles de Jean XXIII et de Paul VI, et que c’est bien pour poursuivre leur œuvre de dialogue interreligieux, que le cardinal polonais Karol Wojtyla choisit d’adopter, lors de son élection papale, chacun de leurs noms de pape – Jean-Paul II.

De plus, en révélant des détails sur l’attentat – heureusement déjoué – contre Golda Meir lors de sa venue au Vatican, le journaliste montre combien les collaborations entre le Mossad, les services secrets du Vatican et de l’Etat italien, ainsi que de la CIA contribuèrent aussi à modifier les rapports du Vatican avec le monde juif : le Mossad joua un rôle clé dans l’enquête sur la tentative d’assassinat de Jean-Paul II, en 1981.

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Ce que j’ai vu à Auschwitz – Les cahiers d’Alter

Alter Fajnzylberg

Seuil, 384 pages

C’est le témoignage d’un juif polonais militant communiste.

En 1937, il s’engage dans les Brigades internationales en Espagne. Interné par la suite dans plusieurs camps du sud de la France puis arrêté en 1941 à Paris, il fait partie du premier convoi parti de Drancy pour Auschwitz, le 27 mars 1941.

En 1946 il a consigné en polonais, dans des cahiers ce qu’il avait vu et vécu à Auschwitz de 1942 à 1945 lorsqu’il faisait partie du Sonderkommando.

Après son décès, son fils a retrouvé ces cahiers dans une boîte à chaussures, les a fait traduire et les contextualiser avec l’aide de l’historien Alban Perrin.

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La Marche de Radetzky

Joseph Roth traduction d’Olivier Mannoni (2024),

Flammarion, édition originale 1932

Livre témoin d’une époque, la fin de la double monarchie austro-hongroise, la Marche de Radetzky fut publié en 1932. Stephan Zweig appelait d’ailleurs à le traduire et à le publier en anglais dès 1939, du fait de son importance historique.

C’est l’histoire d’une lignée de militaires et fonctionnaires de l’Etat dont le grand-père fut anobli, car il sauva l’empereur austro-hongrois François-Joseph lors de la bataille de Solférino. On suit la vie, et les vicissitudes de fonctions, du grand-père Joseph Trotta, anobli par son geste, de son fils Franz, puis de son petit-fils Carl. On s’attarde plus particulièrement sur le dernier de la lignée, de ses classes à ses dimanches en compagnie de son père, notamment les déjeuners au cours desquels ils entendaient la marche de Radetzky jouée à leur fenêtres, ce qui donne le titre au roman. Carl va voyager dans l’empire et changer plusieurs fois de garnison, sous la protection bienveillante et rigide de son père. Carl Von Trotta vit avec le sens du devoir militaire, et avec l’injonction morale d’être à la hauteur de l’honneur de ses ancêtres, et notamment de son grand-père, le héros de Solférino.

Carl observe également, avec le lecteur, les signes avant-coureurs du déclin de l’empire austro-hongrois, et de son mode de vie militaire, sous le poids des bouleversements du début du XXème siècle.

Livres recommandés en janv – fév 2025

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Guerrière de la paix : Juifs et Musulmans, quand les femmes engagent le dialogue

Hanna Assouline

Seuil, 144 pages

Jeune documentariste française, militante féministe, Hanna Assouline, juive d’origine sépharade est présidente fondatrice du mouvement des femmes : “Les Guerrières de la Paix”. Réunissant des femmes de toutes origines, cette association mène ce combat : relayer en France mais aussi à travers le monde la voix des femmes qui luttent pour la justice et la paix.

Très concernée par le conflit au Proche-Orient, qui a des conséquences néfastes en France sur les relations entre les Musulmans et les Juifs, l’auteure insiste sur la nécessité de ne pas se battre pour son clan. La vraie solidarité avec les Israéliens et les Palestiniens consiste à soutenir les nombreuses voix pacifistes qui existent dans les sociétés civiles de Palestine et d’ Israël et à se battre pour la justice, l’autodétermination et la sécurité de ces deux peuples.

Écrit au fil de la plume, un ouvrage salutaire et vivifiant en ces temps difficiles.

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Rendez-vous avec la mort

Salomon Ickovic

Flammarion, 320 pages

Salomon Ickovic est né en 1911 dans une province du royaume de Hongrie qui intègrera bientôt la Tchécoslovaquie.

Très jeune, comme tant de jeunes juifs d’origine modeste, il adhère au Parti Communiste Tchèque et s’engage dans une vie de combattant.

En 1937 il intègre dans les Brigades Internationales pendant la guerre d’Espagne.

Dès le début de la guerre de 39/45, il rejoint les FTP-MOÏ et mène des actions risquées en France et en Allemagne.

Ni les arrestations, ni les tentatives de déportation auxquelles il réchappe n’ont jamais pu entamer sa détermination.

Il est très rare de lire des Mémoires de première main de résistants communistes. Ceux-ci sont inédits.

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Deux Filles Nues

Luz

Albin Michel, 196 pages

Raconter l’histoire à travers l’itinéraire d’un tableau – Deux filles nues – peint par le peintre allemand Otto Mueller en 1919, dans une forêt berlinoise : tel a été l’objectif de cette BD du dessinateur Luz.

Comme l’écrit parfaitement Rita Kersting – directrice adjointe du musée Ludwig de Cologne – dans la postface de l’ouvrage, l’histoire de cette toile raconte « ce qu’ont vécu et subi ses propriétaires, les endroits où elle a fait escale bon gré mal fré, et la façon dont elle est devenue in fine le témoin de l’expulsion, de la spoliation et de l’assassinat des Juifs européens par les nazis. ».

En 1925, Ismar Littmann, avocat allemand de confession juive, passionné d’art moderne, achète ce tableau. Exclu de la fonction publique et de l’ordre des avocats par le Reich, criblé de dettes, Littmann se suicide en 1934. Le tableau des Deux filles nues est alors confié à la maison de ventes berlinoise Max Perl, mais il est confisqué par les Nazis avant sa vente, envoyé à la Nationalgalerie de Berlin, et fera partie des toiles de l’exposition nazie sur l’ «Art dégénéré ». En 1940, vendue aux enchères, en Suisse, à un marchand d’art, la toile est rapidement revendue à un riche amateur d’art qui fera don de sa collection à la ville de Cologne. Dès 1961, l’une des filles de Littmann fait une demande de restitution du tableau, mais ce n’est qu’en 1999 qu’elle obtient gain de cause : elle le vendra toutefois au musée Ludwig de Cologne qui souhaitait le conserver.

En annexe du livre, la postface, la chronologie et les biographies des différents protagonistes de la BD apportent un éclairage et des précisions déterminantes : il est intéressant de s’y référer au cours de la lecture.

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La visite au Struthof, camp méconnu

Yaël Hassan et Marc Lizano

Nathan, 96 pages

Struthof fut le seul camp de concentration nazi implanté sur le sol français, en Alsace, sur le mont Louise. Doté d’une chambre à gaz, il fonctionnera de mai 1941 à septembre 1944  date à laquelle ses internés – principalement des résistants et des prisonniers de guerre – furent transférés au camp de Dachau.

Les auteurs de cette bande-dessinée – initialement destinée à de jeunes adolescents-  ont imaginé une histoire permettant de transmettre l’essentiel à savoir sur ce camp. La classe de 3e d’un collège alsacien doit réaliser un travail de recherche sur un réseau de jeunes résistants, avant d’effectuer une visite au Camp de Struthof. Le professeur demande à ses élèves de trouver une personne, parmi leurs proches, pour le seconder lors de la visite. Le jeune Simon fait alors appel à Rose, sa grand-mère, née dans les années 1950, et c’est un pan de l’histoire familiale qui se révèle à lui, à travers un journal intime rédigé pendant la guerre par la mère de Rose : l’exode de 1939, le retour, un an plus tard, dans une Alsace occupée par les Nazis qui interdisaient même l’emploi du français, les autodafés, et les actes de résistance des uns et des autres, notamment du frère de Rose qui périra à Struthof.

Parsemé d’extraits édifiants de témoignages laissés par d’anciens détenus de ce sinistre camp, ce livre – intergénérationnel – constitue une véritable visite de Struthof.

Dès 9 ans.

Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Les livres de novembre et décembre

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Qui-vive

Valérie Zenatti

Éditions de L’Olivier, 176 pages

Dans ce récit, où résonnent constamment des paroles de Léonard Cohen, la célèbre traductrice des romans d’Aaron Appelfeld décrit les réflexions et états d’âme de Mathilde, enseignante d’histoire au lycée et jeune mère de famille. Une succession d’évènements survenus entre 2015 et mi-2023, ont ébranlé ses certitudes, non sans conséquences sur elle : le confinement de 2020 pendant la pandémie de Covid, le retour de la guerre aux portes de l’Europe, et le décès du chanteur et poète Léonard Cohen. Elle en devient insomniaque, et perd également le sens du toucher. À cela s’ajoute une quête liée à un texte que son grand-père a laissé derrière lui à son décès. Mathilde décide alors de renouer avec une partie de sa famille, ainsi qu’avec ses souvenirs d’enfance, en partant en Israël sur un coup de tête.

A travers un road trip entre Tel-Aviv et Jérusalem, Mathilde nous fait découvrir Israël et la très grande diversité de sa population. Comme l’indique le titre du roman, tous les sens de Mathilde sont comme réveillés en Israël, sur le qui-vive. C’est notamment le cas lorsqu’elle se perd aux environs de Capharnaüm, près d’un lieu où la guerre de 1967 a laissé des traces.

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Le Barman du Ritz

Philippe Collin

Albin Michel, 416 pages

Prix Maurice Druon 2024

Juin 1940. Les Allemands entrent dans Paris. Partout, le couvre-feu est de rigueur, sauf au grand hôtel Ritz. Avides de découvrir l’art de vivre à la française, les occupants y côtoient l’élite parisienne, tandis que derrière le bar oeuvre Frank Meier, le plus grand barman du monde (Frank Meier a existé, il est même l’auteur d’un livre, “L’art du cocktail”,  réédité à l’occasion de la sortie du roman de Philippe Collin).

S’adapter est une question de survie. Frank Meier se révèle habile diplomate, gagne la sympathie des officiers allemands, achète sa tranquillité, mais aussi celle de Luciano, son apprenti, et de la troublante et énigmatique Blanche Auzello. Pendant quatre ans, les hommes de la Gestapo vont trinquer avec Coco Chanel, la terrible veuve Ritz, ou encore Sacha Guitry. Ces hommes et ces femmes, collabos ou résistants, héros ou profiteurs de guerre, vont s’aimer, se trahir, lutter aussi pour une certaine idée de la civilisation.

La plupart d’entre eux ignorent que Meier, émigré autrichien, ancien combattant de 1914, chef d’orchestre de cet étrange ballet cache un lourd secret. Le barman du Ritz est juif.

“Ce roman est, pour ainsi dire, le journal intime d’un homme qui affronte journellement, des démons et passe sous silence sa véritable histoire pour ne pas tomber entre les mains de l’ennemi. Le Ritz était, pour ainsi dire, la prison dorée du barman. Une prison dont il ne peut s’échapper. On découvre la vie de la haute société parisienne de l’époque, qui semblait coupée du monde extérieur”.

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Le  juif rouge

Stéphane Giusti

Seghers, 336 pages

Le premier roman de Stéphane Giusti décrit les tragédies antisémites du siècle dernier à travers la figure d’un soldat roumain dont la mission est de sauver tous les Juifs

En 1916, dans les Carpates, Aaron Tamerlan Munteanu garde la frontière du royaume de Roumanie. Recroquevillé dans une tranchée putride il attend l’envahisseur, prêt à mourir pour une guerre absurde.

Grâce à la malédiction d’un « dybbouk » il est devenu un juif rouge condamné à endurer le destin des siens.

Dans ce XXè siècle dévoré par l’antisémitisme, le juif rouge sillonne la Mitteleuropa dans l’espoir insencé d’enrayer la folie des hommes. De Bucarest à Odessa, de Vienne à Berlin, de Liepaja à Auschwitz et Treblinka, l’errance de Munteanu le conduira jusqu’en Terre promise.

Le roman s’achève à Tel Aviv, au début du siècle suivant, par ces mots tragiques : « Nous vivons derrière un mur comme nous y vécûmes ailleurs, mais ce mur-là, nous l’avons élevé nous-mêmes. »

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Les enfants du Lutécia

Rachel Corenblit

Editions du Mercredi, 134 pages

A l’été 1945, André, Léopold et Marie-Antoinette se retrouvent tous les matins à l’hôtel Lutécia, là où arrivent les rescapés des camps de concentration. Ils espèrent le retour de leurs parents.

Entre larmes, silences et fous-rires, ils vont partager leurs histoires, leurs espoirs et leur désespoir mais par dessus tout, leur envie de vivre.

(Dès 12 ans)

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Le cinéma était leur pays

Serge Siritzky

Vérone éditions, 242 pages

C’est l’histoire réelle d’une famille juive, les Siritzky, qui trois fois de suite pour sauver leur vie, ont dû fuir le pays dans lequel ils étaient établis pour se réfugier dans un pays dont ils ne connaissaient pas la langue.

A chaque fois, ils ont réussi dans le cinéma, en révolutionnant le métier.

La quatrième fois, à la Libération, ils sont revenus en France pour récupérer leur bien tombé aux mains des nazis. Mais accusé de collaboration avec les nazis, le chef de famille a été condamné à la prison et spolié.

Néanmoins, repartant de zéro en France, ses fils ont de nouveau réussi. 68 ans plus tard, ses petits-enfants viennent de découvrir les preuves que cette spoliation était le fruit d’un sidérant complot.

Récit passionnant qui se lit très vite avec une présentation originale.

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Entre amis

Amos Oz

Gallimard, 160 pages

Ce recueil de huit nouvelles prend place en Israël, dans le kibboutz Yikhat, à l’époque où Ben Gourion était Premier ministre. D’une nouvelle à l’autre on retrouve plusieurs personnages, notamment dans l’élaboration des décisions collectives. Ce sont autant de destins décrits de façon tragi-comique, où la part de solitude existe malgré la vie en communauté.

On y suit notamment l’amitié naissante d’Ariella pour l’ex-femme de son concubin. Dans la nouvelle donnant le titre au recueil, on se demande comment Nahum, père de la jeune Edna, va tolérer la relation qu’elle entretient avec David, son ancien professeur, et fondateur du kibboutz. Ou comment Nina, femme indépendante qui partage un logement avec son mari, va pouvoir sortir, sans esclandre, de son sentiment d’étouffement.

Au kibboutz, un règlement strict régit la vie de ses membres et les demandes d’exceptions personnelles doivent être examinées par un comité. Ainsi, comment le comité éducatif statuera-t-il sur la demande de la mère de Yotam de faire partir celui-ci du kibboutz, sans qu’il ait accompli les deux années obligatoires de travail pour le kibboutz, pour rejoindre son riche oncle en Italie et y étudier ?

Livres recommandés en sept – oct 2024

LES FANTÔMES

Eve Buchwald

Cerf, 161 pages

L’auteur se remémore son enfance de petite fille ashkénaze, née d’un couple d’âge avancé, au début des années 1950. Bercée par des souvenirs de pogroms et de guerre dans des pays qu’elle ne connaît pas, la petite Khava –Khavele- ne comprend pas comment ses parents – Fryda et Leyb- ont pu survivre à la guerre et comment elle a pu naître « de ces reliques d’un monde disparu ». L’auteure insiste sur la différence d’âge entre la petite fille qu’elle était et « les adultes âgés et en souffrance » qui l’entouraient, ces « survivants d’un autre monde ».

Or, c’est sur cet « autre monde », sur « leur passé maintes fois évoqué » que portaient la plupart des conversations autour d’elle: « Poursuivis par les visages des membres de leurs familles disparues, Fryda et Leyb reconstruisent des chaînes interminables à partir d’un seul nom magique prononcé, celui du shtetl ou de la ville d’origine ».

Les amis des parents, souvent très proches – véritable famille de substitution,  faisaient de même, et Khava fit ainsi la connaissance des nombreux fantômes d’une époque et d’un passé révolus, à jamais disparus. Elle prit vite conscience de la présence des fantômes à travers les allers-retours des prénoms d’une génération à l’autre : « Les prénoms sont choisis par les parents en fonction des fantômes de leur famille à la présence entêtante, ils choisissent de les réincarner ou de les laisser s’en aller. »

Tant et si bien qu’au chapitre IV, Eve Buchwald se hasarde même à reconstituer – avec moult détails- le jour de la naissance de sa mère : les réactions, les visites, les rencontres, les échanges entre les uns et les autres.

Un accomplissement significatif pour Khavèlè qui est devenue psychologue et psychanalyste.

DEUXIÈME GÉNÉRATION

Michel Kichka

Dargaud, 112 pages

L’auteur et caricaturiste israélien Michel Kichka est le deuxième d’une fratrie de quatre enfants. Son enfance belge a été marquée par ce qu’on n’appelait pas encore la Shoah : son père, Henri Kichka, rescapé d’Auschwitz et de Buchenwald, fut le seul survivant de sa famille juive de Belgique.

La bibliothèque familiale n’était constituée que de livres sur la Shoah et le nazisme, et enfant, Michel Kichka les consultait derrière le dos de ses parents. Marqué donc très jeune par ce douloureux passé qu’il n’avait pas vécu, il retranscrit dans sa BD ses interrogations d’enfants, comme : « Pourquoi un soldat inconnu avait-il une stèle en pierre de taille alors que mon grand-père n’avait même pas une pierre tombale ? ».

Il écrit très justement : « Ma famille était partie en cendres, emportée par le vent mauvais de l’histoire ». Pourtant, longtemps, son père ne racontera rien de son vécu à Auschwitz. C’est le suicide du benjamin de la fratrie qui met soudainement fin au mutisme du père : il va devenir une personnalité belge incontournable pour témoigner et organiser des visites guidées à Auschwitz. Mais c’est également le suicide de son frère cadet qui va faire réfléchir Kichka sur son enfance, sur ses parents et les non-dits.

Cette BD est l’aboutissement de cette réflexion de plusieurs années. Que ce soit à travers les textes et à travers les dessins, l’humour est très présent, et les passages mordants ne manquent pas.

Un récit vivant et très agréable à lire.

RÉVEILLER LES LIONS

Ayelet Gundar-Goshen

Presses de la Cité, 432 pages

Une nuit, en sortant de sa garde à l’hôpital de Beer-Sheva, la ville la plus méridionale d’Israël, le Dr Ethan Green, chirurgien neurologue percute un homme dans le désert israélien.

Quand il sort du véhicule, il constate qu’il n’y a plus rien à faire pour lui et prend la fuite en laissant Assoun, migrant érythréen, agoniser sur le bord de la route.

Le lendemain, la femme de la victime se présente chez lui et lui rapporte son porte-feuille qu’il a laissé tomber en sortant du véhicule. Elle a tout vu et en échange de son silence elle exige quelque chose qui n’est pas quantifiable en argent.

Commence alors, pour Ethan, une longue descente aux enfers….

Roman à lire pendant les vacances.

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LES FEMMES D’AUSCHWITZ-BIRKENAU

Chochana Boukhobza

Flammarion, 574 pages

Écrivaine et réalisatrice de documentaires sur la Shoah, Chochana Boukhobza a enquêté pendant sept ans auprès de survivantes pour expliquer à travers l’expérience de toutes ces femmes ce qu’elles ont vécu et ce qu’était Auschwitz et plus particulièrement Birkenau.

Pour l’essentiel juives, elles sont aussi catholiques, protestantes, agnostiques ou encore tziganes ; certaines d’entre elles ont été arrêtées pour des faits de Résistance, mais la plupart ne savaient pas ce qui les attendait. Toutes celles qui ont échappé à l’extermination seront soumises à un travail forcé implacable…

Mais aussi, comment elles se sont organisées individuellement et collectivement pour survivre…

Dans l’adversité, les femmes d’Auschwitz furent sans défense, mais elles se montrèrent courageuses, audacieuses, héroïques.

Ce récit dédié à leur mémoire est un hymne à la solidarité et à la liberté, qui s’exprimèrent envers et contre tout.

Isidore et Simone, Juifs en résistance 

Simon Louvet et Remedium

OUEST FRANCE, 192 pages

Grâce au témoignage de sa grand-mère et à de nombreuses archives personnelles qui lui ont permis de faire des recherches, le journaliste Simon Louvet raconte l’histoire de ses arrière-grands-parents, Isidore et Simone.

En introduction, il précise que « ce récit historique est aussi né du négationnisme qui progresse, au nom d’objectifs politiques rétrogrades ».

Les parents d’Isidore arrivèrent à Marseille, en 1910, après avoir fui le nationalisme antisémite de l’Empire Ottoman, tandis que les parents de Simone étaient des Juifs alsaciens. La Seconde Guerre mondiale et ses persécutions antisémites vont frapper avec la même et fatale violence ces Juifs de cultures si différentes mais partageant le même attachement pour la France. Contrôleur des impôts à Metz depuis 1936, Isidore est mobilisé lors de la déclaration de guerre. En 1940, il est affecté dans un bataillon à Toulouse où il retrouve sa femme et ses filles qui s’y sont installées. Après l’Armistice, Isidore devient agent des impôts à Toulouse jusqu’aux lois vichystes de 1941, puis trouve un emploi de comptable, tandis que Simone est secrétaire. En 1943, Isidore et Simone doivent quitter Toulouse et  confier leurs deux petites filles dans un couvent catholique aveyronnais pendant un certain temps. Isidore est alors résistant dans le maquis de Vabre (lui et ses camarades libèrent Castres), puis il s’engage dans la Première armée de libération : il devra combattre vaillamment face aux Allemands dans les Vosges et en Alsace. La guerre terminée, il faudra parfois des années pour connaître précisément le sort des disparus de la famille.

Si le texte est rigoureux, il n’en est pas moins pédagogique, et pourrait également constituer une excellente lecture pour adolescents.

Remedium, le co-auteur et dessinateur de cette BD, est professeur des écoles, et auteur de livres pour enfants : son très bon coup de crayon donne aux pages un aspect aéré qui rend la lecture très agréable.

De plus, la fin du livre est constituée d’une sorte de dossier pédagogique comprenant les biographies des principaux personnages après la guerre, des questions posées à Olivier Lalieu (historien spécialiste de la Shoah), pour chacun des sept chapitres composant le livre, ainsi que des photographies et des documents personnels dont il est fait référence dans la BD.

 

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Les livres de janvier et février

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Guerrière de la paix : Juifs et Musulmans, quand les femmes engagent le dialogue

Hanna Assouline

Seuil, 144 pages

Jeune documentariste française, militante féministe, Hanna Assouline, juive d’origine sépharade est présidente fondatrice du mouvement des femmes : “Les Guerrières de la Paix”. Réunissant des femmes de toutes origines, cette association mène ce combat : relayer en France mais aussi à travers le monde la voix des femmes qui luttent pour la justice et la paix.

Très concernée par le conflit au Proche-Orient, qui a des conséquences néfastes en France sur les relations entre les Musulmans et les Juifs, l’auteure insiste sur la nécessité de ne pas se battre pour son clan. La vraie solidarité avec les Israéliens et les Palestiniens consiste à soutenir les nombreuses voix pacifistes qui existent dans les sociétés civiles de Palestine et d’ Israël et à se battre pour la justice, l’autodétermination et la sécurité de ces deux peuples.

Écrit au fil de la plume, un ouvrage salutaire et vivifiant en ces temps difficiles.

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Deux Filles Nues

Luz

Albin Michel, 196 pages

Raconter l’histoire à travers l’itinéraire d’un tableau – Deux filles nues – peint par le peintre allemand Otto Mueller en 1919, dans une forêt berlinoise : tel a été l’objectif de cette BD du dessinateur Luz.

Comme l’écrit parfaitement Rita Kersting – directrice adjointe du musée Ludwig de Cologne – dans la postface de l’ouvrage, l’histoire de cette toile raconte « ce qu’ont vécu et subi ses propriétaires, les endroits où elle a fait escale bon gré mal fré, et la façon dont elle est devenue in fine le témoin de l’expulsion, de la spoliation et de l’assassinat des Juifs européens par les nazis. ».

En 1925, Ismar Littmann, avocat allemand de confession juive, passionné d’art moderne, achète ce tableau. Exclu de la fonction publique et de l’ordre des avocats par le Reich, criblé de dettes, Littmann se suicide en 1934. Le tableau des Deux filles nues est alors confié à la maison de ventes berlinoise Max Perl, mais il est confisqué par les Nazis avant sa vente, envoyé à la Nationalgalerie de Berlin, et fera partie des toiles de l’exposition nazie sur l’ «Art dégénéré ». En 1940, vendue aux enchères, en Suisse, à un marchand d’art, la toile est rapidement revendue à un riche amateur d’art qui fera don de sa collection à la ville de Cologne. Dès 1961, l’une des filles de Littmann fait une demande de restitution du tableau, mais ce n’est qu’en 1999 qu’elle obtient gain de cause : elle le vendra toutefois au musée Ludwig de Cologne qui souhaitait le conserver.

En annexe du livre, la postface, la chronologie et les biographies des différents protagonistes de la BD apportent un éclairage et des précisions déterminantes : il est intéressant de s’y référer au cours de la lecture.

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La visite au Struthof, camp méconnu

Yaël Hassan et Marc Lizano

Nathan, 96 pages

Struthof fut le seul camp de concentration nazi implanté sur le sol français, en Alsace, sur le mont Louise. Doté d’une chambre à gaz, il fonctionnera de mai 1941 à septembre 1944  date à laquelle ses internés – principalement des résistants et des prisonniers de guerre – furent transférés au camp de Dachau.

Les auteurs de cette bande-dessinée – initialement destinée à de jeunes adolescents-  ont imaginé une histoire permettant de transmettre l’essentiel à savoir sur ce camp. La classe de 3e d’un collège alsacien doit réaliser un travail de recherche sur un réseau de jeunes résistants, avant d’effectuer une visite au Camp de Struthof. Le professeur demande à ses élèves de trouver une personne, parmi leurs proches, pour le seconder lors de la visite. Le jeune Simon fait alors appel à Rose, sa grand-mère, née dans les années 1950, et c’est un pan de l’histoire familiale qui se révèle à lui, à travers un journal intime rédigé pendant la guerre par la mère de Rose : l’exode de 1939, le retour, un an plus tard, dans une Alsace occupée par les Nazis qui interdisaient même l’emploi du français, les autodafés, et les actes de résistance des uns et des autres, notamment du frère de Rose qui périra à Struthof.

Parsemé d’extraits édifiants de témoignages laissés par d’anciens détenus de ce sinistre camp, ce livre – intergénérationnel – constitue une véritable visite de Struthof.

Dès 9 ans.

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Rendez-vous avec la mort

Salomon Ickovic

Flammarion, 320 pages

Salomon Ickovic est né en 1911 dans une province du royaume de Hongrie qui intègrera bientôt la Tchécoslovaquie.

Très jeune, comme tant de jeunes juifs d’origine modeste, il adhère au Parti Communiste Tchèque et s’engage dans une vie de combattant.

En 1937 il intègre dans les Brigades Internationales pendant la guerre d’Espagne.

Dès le début de la guerre de 39/45, il rejoint les FTP-MOÏ et mène des actions risquées en France et en Allemagne.

Ni les arrestations, ni les tentatives de déportation auxquelles il réchappe n’ont jamais pu entamer sa détermination.

Il est très rare de lire des Mémoires de première main de résistants communistes. Ceux-ci sont inédits.

Livres recommandés en nov – déc 2024

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Qui-vive

Valérie Zenatti

Éditions de L’Olivier, 176 pages

 Dans ce récit, où résonnent constamment des paroles de Léonard Cohen, la célèbre traductrice des romans d’Aaron Appelfeld décrit les réflexions et états d’âme de Mathilde, enseignante d’histoire au lycée et jeune mère de famille. Une succession d’évènements survenus entre 2015 et mi-2023, ont ébranlé ses certitudes, non sans conséquences sur elle : le confinement de 2020 pendant la pandémie de Covid, le retour de la guerre aux portes de l’Europe, et le décès du chanteur et poète Léonard Cohen. Elle en devient insomniaque, et perd également le sens du toucher. À cela s’ajoute une quête liée à un texte que son grand-père a laissé derrière lui à son décès. Mathilde décide alors de renouer avec une partie de sa famille, ainsi qu’avec ses souvenirs d’enfance, en partant en Israël sur un coup de tête.

A travers un road trip entre Tel-Aviv et Jérusalem, Mathilde nous fait découvrir Israël et la très grande diversité de sa population. Comme l’indique le titre du roman, tous les sens de Mathilde sont comme réveillés en Israël, sur le qui-vive. C’est notamment le cas lorsqu’elle se perd aux environs de Capharnaüm, près d’un lieu où la guerre de 1967 a laissé des traces.

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Le Barman du Ritz

Philippe Collin

Albin Michel, 416 pages

Prix Maurice Druon 2024

Juin 1940. Les Allemands entrent dans Paris. Partout, le couvre-feu est de rigueur, sauf au grand hôtel Ritz. Avides de découvrir l’art de vivre à la française, les occupants y côtoient l’élite parisienne, tandis que derrière le bar oeuvre Frank Meier, le plus grand barman du monde (Frank Meier a existé, il est même l’auteur d’un livre, “L’art du cocktail”,  réédité à l’occasion de la sortie du roman de Philippe Collin).

S’adapter est une question de survie. Frank Meier se révèle habile diplomate, gagne la sympathie des officiers allemands, achète sa tranquillité, mais aussi celle de Luciano, son apprenti, et de la troublante et énigmatique Blanche Auzello. Pendant quatre ans, les hommes de la Gestapo vont trinquer avec Coco Chanel, la terrible veuve Ritz, ou encore Sacha Guitry. Ces hommes et ces femmes, collabos ou résistants, héros ou profiteurs de guerre, vont s’aimer, se trahir, lutter aussi pour une certaine idée de la civilisation.

La plupart d’entre eux ignorent que Meier, émigré autrichien, ancien combattant de 1914, chef d’orchestre de cet étrange ballet cache un lourd secret. Le barman du Ritz est juif.

“Ce roman est, pour ainsi dire, le journal intime d’un homme qui affronte journellement, des démons et passe sous silence sa véritable histoire pour ne pas tomber entre les mains de l’ennemi. Le Ritz était, pour ainsi dire, la prison dorée du barman. Une prison dont il ne peut s’échapper. On découvre la vie de la haute société parisienne de l’époque, qui semblait coupée du monde extérieur”.

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Entre amis

Amos Oz

Gallimard, 160 pages

Ce recueil de huit nouvelles prend place en Israël, dans le kibboutz Yikhat, à l’époque où Ben Gourion était Premier ministre. D’une nouvelle à l’autre on retrouve plusieurs personnages, notamment dans l’élaboration des décisions collectives. Ce sont autant de destins décrits de façon tragi-comique, où la part de solitude existe malgré la vie en communauté.

On y suit notamment l’amitié naissante d’Ariella pour l’ex-femme de son concubin. Dans la nouvelle donnant le titre au recueil, on se demande comment Nahum, père de la jeune Edna, va tolérer la relation qu’elle entretient avec David, son ancien professeur, et fondateur du kibboutz. Ou comment Nina, femme indépendante qui partage un logement avec son mari, va pouvoir sortir, sans esclandre, de son sentiment d’étouffement.

Au kibboutz, un règlement strict régit la vie de ses membres et les demandes d’exceptions personnelles doivent être examinées par un comité. Ainsi, comment le comité éducatif statuera-t-il sur la demande de la mère de Yotam de faire partir celui-ci du kibboutz, sans qu’il ait accompli les deux années obligatoires de travail pour le kibboutz, pour rejoindre son riche oncle en Italie et y étudier ?

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Le  juif rouge

Stéphane Giusti

Seghers, 336 pages

Le premier roman de Stéphane Giusti décrit les tragédies antisémites du siècle dernier à travers la figure d’un soldat roumain dont la mission est de sauver tous les Juifs

En 1916, dans les Carpates, Aaron Tamerlan Munteanu garde la frontière du royaume de Roumanie. Recroquevillé dans une tranchée putride il attend l’envahisseur, prêt à mourir pour une guerre absurde.

Grâce à la malédiction d’un « dybbouk » il est devenu un juif rouge condamné à endurer le destin des siens.

Dans ce XXè siècle dévoré par l’antisémitisme, le juif rouge sillonne la Mitteleuropa dans l’espoir insencé d’enrayer la folie des hommes. De Bucarest à Odessa, de Vienne à Berlin, de Liepaja à Auschwitz et Treblinka, l’errance de Munteanu le conduira jusqu’en Terre promise.

Le roman s’achève à Tel Aviv, au début du siècle suivant, par ces mots tragiques : « Nous vivons derrière un mur comme nous y vécûmes ailleurs, mais ce mur-là, nous l’avons élevé nous-mêmes. »

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Le cinéma était leur pays

Serge Siritzky

Vérone éditions, 242 pages

C’est l’histoire réelle d’une famille juive, les Siritzky, qui trois fois de suite pour sauver leur vie, ont dû fuir le pays dans lequel ils étaient établis pour se réfugier dans un pays dont ils ne connaissaient pas la langue.

A chaque fois, ils ont réussi dans le cinéma, en révolutionnant le métier.

La quatrième fois, à la Libération, ils sont revenus en France pour récupérer leur bien tombé aux mains des nazis. Mais accusé de collaboration avec les nazis, le chef de famille a été condamné à la prison et spolié.

Néanmoins, repartant de zéro en France, ses fils ont de nouveau réussi. 68 ans plus tard, ses petits-enfants viennent de découvrir les preuves que cette spoliation était le fruit d’un sidérant complot.

Récit passionnant qui se lit très vite avec une présentation originale.

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Les enfants du Lutécia

Rachel Corenblit

Editions du Mercredi, 134 pages

A l’été 1945, André, Léopold et Marie-Antoinette se retrouvent tous les matins à l’hôtel Lutécia, là où arrivent les rescapés des camps de concentration. Ils espèrent le retour de leurs parents.

Entre larmes, silences et fous-rires, ils vont partager leurs histoires, leurs espoirs et leur désespoir mais par dessus tout, leur envie de vivre.

(Dès 12 ans)

Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Les livres de mai – juin 2024

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LES TUEUSES – CES FEMMES COMPLICES DE LA CRUAUTÉ NAZIE

Minou Azoulai – Véronique Timsit

Privat, 234 pages

Nombre de femmes, à l’instar d’Ilse, Erika, Pauline, Margarete, Lina, Irma…. et tant d’autres, adhérèrent au ” parti de l’horreur et de la cruauté “.

Toutes ont été volontairement complices du régime nazi entre 1939 et 1945. Certaines, particulièrement sadiques ont tué et torturé de leurs propres mains.

Oui, les femmes aussi peuvent être des tueuses sadiques, des ” meurtrières de bureau “, sous couvert de leurs fonctions de mères idéales, infirmières zélées, surveillantes soumises, épouses parfaites…

D ’autres ont veillé au bon fonctionnement du processus d’extermination des populations.

Après la guerre, elles sont restées fidèles à leur idéologie sans jamais renier aucun de leurs actes.

Sans oublier les derniers chapitres concernant les exactions commises par les ” tueuses ” en Serbie et au Rwanda.

 

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RETROUVER ESTELLE MOUFFLARGE

récit-enquête de Bastien FRANÇOIS

Gallimard, 427 pages

Un peu par hasard, parce qu’il habite dans la même rue du 18e à Paris, l’auteur part sur les traces de cette fille d’émigrés juifs pauvres, précocement orpheline, morte à Auschwitz à 15 ans. Du peu d’éléments qu’il recueille – quelques lettres, une photo, des notes administratives, archives scolaires, registres de commerce, “fichiers juifs” de la police, bribes de récits familiaux -, il reconstitue l’itinéraire de la jeune déportée.

On songe d’emblée au magnifique Dora Bruder de Patrick Modiano (1997), mais la recherche d’Estelle Moufflarge s’avère différente, poignante et passionnante elle aussi.

A partir d’un destin individuel, l’auteur dans son enquête minutieuse, menée pendant 10 ans, retrace avec rigueur et sensibilité le sort des Juifs traqués, privés de ressources, soumis aux décrets changeants, arbitraires, des Allemands et de Vichy.

Bastien François situe sa recherche dans la perspective de la “micro-histoire globale”, développée il y a quelques dizaines d’années, qui mêle histoire et sociologie, à l’échelle des individus, des groupes humains, et étudie les interactions économiques, politiques, culturelles.

 

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16 ANS, RÉSISTANT

Robert Birenbaum

Stock, 175 pages

Le 17 juillet, le lendemain de la rafle du Vel d’Hiv, à 16 ans, Robert rejoint les rangs de la résistance par l’intermédiaire de sa tante Dora.

De 1942 à 1944, son son rôle était de recruter les résistants FTP le la MOI (Main d’Oeuvre Emigrée). Mélina et Missak Manouchian ainsi que les combattants de l’Affiche Rouge en firent partie. Triste ironie de l’Histoire, il devait intégrer ces FTP lorsque les membres de l’Affiche rouge furent pris.

Il relate toutes ces années durant lesquelles, avec d’autres jeunes, français, étrangers, juifs, communistes…., ils firent des « coups de main » contre les nazis et les collabos dans Paris et la région parisienne.

Récit émouvant, digne, que livre sans fard  cet homme de plus de 97 ans et d’une mémoire époustouflante, celui d’un homme juste, généreux et humble.

Raconter. Encore et encore.

Pour que personne n’oublie jamais…

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COMMENT ÇA VA PAS ? – Conversations après le 7 octobre

Delphine HORVILLEUR

Grasset 150 pages

Depuis le massacre perpétré par le Hamas en Israël, l’auteur est en état de sidération et de douleur. Elle tente de trouver des mots au travers de dix conversations réelles ou imaginaires – avec ses grands-parents (Oy a brokh, Papi ! Quelle malédiction !), la paranoïa juive, les antiracistes, ses enfants, ceux qui font du bien, Israël, le Messie…

Avec acuité, force et subtilité, dans une langue imagée, entrelaçant l’intime et l’universel, le sacré et le prosaïque, la gravité et l’humour, elle en appelle à l’humanisme ; elle alerte contre ceux qui menacent de mettre le monde à feu et à sang, au nom de leurs croyances : les fanatiques des trois religions monothéistes. Et elle chante avec Anne Sylvestre : « J’aime les gens qui doutent » …

Seul bémol dans ce beau traité de douleur et d’espoir, sa définition du yiddish – « pas un langage structuré, mais une sorte de patois protéiforme … » On pourrait citer des dizaines d’écrivains yiddish qui n’ont pas « jargonné » : Cholem Aleikhem, I. L. Peretz, Avrom Sutzkever, H. D. Nomberg, Myriam Ulinover, Debora Vogel, B. Schlevin, les frères Singer…

Réflexion douloureuse et profonde.

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INDIGNE

Cécile CHABAUD

ECRITURE, 231 pages

Indigne, de Cécile Chabaud, est un roman inspiré de faits réels. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, un béarnais ayant réellement existé – Georges Despaux – est membre de l’antisémite Parti Populaire Français de Doriot, et rédige des « torchons fielleux et discriminatoires » dans le journal du parti, L’Assaut. Soupçonné d’avoir voulu causer la perte d’un autre membre du PPF, il est livré aux Allemands, interné dans un camp près de Compiègne en avril 1944, puis déporté à Auschwitz et à Buchenwald. A Buchenwald, il dessine les autres internés, et sauve la vie d’un de ses camarades de misère, un Juif dans le roman, Samuel Vanmolen. Le camp est libéré en avril 1945, et Despaux revient en France quelques jours plus tard. En décembre 1945, il est jugé, devant le Palais de Justice de Pau, pour intelligence avec l’ennemi, pendant la guerre, c’est-à-dire pour la période précédant l’année passée dans les camps. Dans les années 2000, le fils de celui que Despaux a sauvé – David Vanmolen- devient le dépositaire des dessins de Despaux, véritables témoignages de la vie au Camp de Buchenwald : il organise une exposition des dessins qu’il publie ensuite dans un livre.

Ce qui doit inciter à la lecture de ce livre, c’est d’abord la qualité d’écriture et la pertinence de certaines formulations bien trouvées. Ensuite, le récit est d’autant plus captivant que les brefs chapitres portent alternativement sur trois périodes distinctes: l’internement de Despaux dans les camps, son procès d’avril 1945, et les différentes démarches du galeriste David Vanmolen. Enfin, à travers ce livre, Cécile Chabaud soulève finalement des questions essentielles : parmi les collaborateurs et les collaborationnistes, lesquels jouaient un double jeu et opéraient, simultanément, pour la Résistance ? Parmi les accusateurs de l’après-guerre, combien n’avaient-ils eux-mêmes rien à se reprocher ? Des personnes qui ont peut-être changé d’avis par pur opportunisme sont-elles légitimes à juger un homme dont les convictions auraient changé au contact de la réalité des camps ? C’est ce sur quoi semble insister Cécile Chabaud en parlant de la guerre, « avec son nombre officiel de victimes et son nombre officieux de salauds », ou en qualifiant la foule, présente au Palais de Justice, de « grégaire (…) capable de lapider comme de pardonner », ainsi qu’à travers cette question posée par l’avocat de Despaux au Président du  tribunal : « Et vous, cher Président, où étiez-vous en 1943 ? Pourquoi êtes-vous toujours là ? Qui avez-vous servi pendant la Guerre ? Pourquoi avez-vous toujours votre place ? ».

Autant de questions qui poussent à la réflexion.

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LA MAISON AU BORD DU CANAL – L’histoire de la maison d’Anne Frank

Thomas Harding  (auteur) et Britta Teckentrup (illustratrice)

La Partie, 56 pages

Initialement publié en Allemagne, ce livre superbement illustré et destiné aux enfants, raconte chronologiquement, en quelques pages,  près de 400 ans d’histoire d’une maison d’Amsterdam et de ses différents habitants, parmi lesquels Anne Frank pendant la guerre. Cette précision figure dans le sous-titre du livre, puis dans un court préambule, et à la fin, dans les deux dernières pages qui révèlent les identités de tous les habitants de cette maison (ce qui atteste ainsi de la véracité  des histoires relatées).

En revanche, pour que tout enfant s’identifie à Anne Frank, nulle part, dans le corps du texte, ne sont mentionnés ni le nom d’Anne Frank, ni les mots « Juifs » ou « Nazis » : « En un jour d’été caniculaire, des policiers accompagnés d’un soldat pénétrèrent dans la maison et montèrent d’un pas lourd l’escalier dissimulé.  Les hommes découvrirent la jeune fille, sa famille et leurs amis. Ils les arrêtèrent et les embarquèrent ».

Ce livre relève ainsi le défi de permettre à des enfants d’aborder, en douceur, l’histoire d’Anne Frank.

Livres recommandés en mars – avril 2024

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STUPEUR

Zeruya SHALEV

Traduit de l’hébreu par Laurence SENDROWICZ,

Gallimard, 363 pages

Au chevet de son père mourant, Atara recueille les propos confus de cet homme sévère, qui l’appelle tendrement Rachel, du nom de sa mystérieuse première épouse.

Atara retrouve la trace de cette femme de 90 ans qui vit seule dans le désert de Judée. Elle force presque sa porte et réveille chez elle un douloureux passé : la lutte armée clandestine dans le groupe sioniste le « Lehi » et la résistance contre les Anglais en 1947- 48, avant la fondation de l’Etat d’Israël. La rencontre de ces deux femmes bouleversera leur existence.

En 18 chapitres, passant en alternance d’une femme à l’autre, l’écrivaine – une des voix majeures de la littérature israélienne, qui fut grièvement blessée en 2004 dans un attentat – sonde l’âme humaine, montre combien l’histoire collective bouscule les liens privés.   

Ce roman dense et puissant interroge le couple, la parentalité, la culpabilité, la religion, les silences des familles qui régissent les vies, et met en exergue les tensions et violences au coeur de la société israélienne.

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TURBULENCES 

Eshkol NEVO

Traduit de l’hébreu par Jean-Luc ALLOUCHE

GALLIMARD, 336 pages

Trois histoires d’amour s’entrecroisent pour fouiller les relations humaines dans une société Israélienne mise à nue.

L’auteur a conçu son roman comme un thriller qui vous tient en haleine et vous empêche d’interrompre votre lecture.

Un couple de jeunes mariés sont en Bolivie pour leur voyage de noces et rencontre un Israélien récemment divorcé et en vacances pour quelques jours.

L’histoire pourrait s’arrêter là mais ….un coup de foudre entre la jeune mariée et le touriste va éclater et  le mari va mourir sur la route de la mort .

S’est il suicidé ? l’a t on poussé ? et qui bien sûr ?

Un médecin – chef d’un hôpital de Tel Aviv veuf se sent étrangement proche d’une jeune interne de son service jusqu’à  à éprouver le besoin de la protéger mais la réaction de la jeune femme sera ….a vous de la découvrir.

Un couple apparemment uni à l’habitude de se promener le samedi dans un verger mais quand l’homme entre dans le jardin pour un instant il disparaît sans laisser de traces . Nevo en profite pour disséquer le couple dans sa vie la plus intime et leurs relations complexes.

N’hésitez plus plongez vous dans ce livre écrit par un conteur exceptionnel qui offre un portrait de la société israélienne.

C’est vraisemblablement un roman parfait.

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LE MIME MARCEAU, SA COUSINE ROSE, LE YIDDISH ET MOI.

Carol MANN

L’Originel, 187 pages

Carol Mann reconstitue l’histoire familiale et les périples des uns et des autres, de la ville polonaise de Bedzin à Strasbourg, en passant par Karlsruhe. Elle décrit la diversité de la communauté juive strasbourgeoise d’avant-guerre, où « fusaient comme autant de feux d’artifice », une multitude de langues avec le yiddish en tête et en dénominateur commun. Et le cousin germain de sa mère Rose, le mime Marceau, est le fruit de tout cela : on le découvre sous un autre jour et l’on comprend mieux son personnage de « Bip ».  On apprend comment, à huit ans, il fonde sa première troupe d’enfants,  et comment adolescent, en pleine guerre, il s’occupe de l’animation théâtrale dans un château où l’OSE héberge des enfants juifs de parents déportés:  chargé de convoyer une trentaine d’enfants vers la Suisse, le futur mime exercera alors, « pour la première fois, ses talents de comédien silencieux, en vérité mime sans le savoir, pour distraire les enfants sans émettre le moindre bruit qui eut pu éveiller des attentions malveillantes.».

La guerre disséminera, à travers la France la famille qui n’en sortira pas indemne : arrêté, en plein hiver, dans sa boucherie de Villeurbanne, le père de Marcel Marceau sera déporté à Auschwitz.

Le silence du mime fut peut-être aussi celui de la sidération.

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FIGURES DU JOUR

1930

&

MANNEQUINS

1934

Debora VOGEL (auteur), Batia BAUM  (traductrice)

Edition bilingue Français-Yiddish

La Barque, 266 pages

« Je comprends mes poèmes comme une tentative de nouveau style en poésie, je trouve en eux une analogie avec la peinture moderne », écrivit Debora Vogel, dans sa préface à Figures du jour. Ses poèmes sont effectivement  des tableaux, mais peints mais avec des mots, non avec des pinceaux : couleurs et formes géométriques allégorisent ses pensées. Grande figure de l’Avant-Garde  polonaise et yiddish –littéraire et artistique-, c’est âgée d’une vingtaine d’années que cette poétesse apprit le yiddish, la langue originale des poèmes contenus dans ce recueil bilingue et issus de ses deux premières publications. Son regard réaliste percevait tant les vains artifices que la monotonie froide et intemporelle du monde urbain dont elle n’était pas dupe. Paris, à laquelle elle consacra plusieurs poèmes, n’était ainsi qu’une « ville de pacotille bariolée » (« shtot fun bunt-farbikn shund »). Et elle considérait les tristesses comme « un élément décoratif de la vie ».

Au-delà de la fidélité de la traduction, Batia Baum, avec toute sa sensibilité, a parfaitement respecté la musicalité des poèmes dont l’élégante fluidité se retrouve dans les deux versions, yiddish et française.

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Les livres de septembre et octobre

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LES FANTÔMES

Eve Buchwald

Cerf, 161 pages

L’auteur se remémore son enfance de petite fille ashkénaze, née d’un couple d’âge avancé, au début des années 1950. Bercée par des souvenirs de pogroms et de guerre dans des pays qu’elle ne connaît pas, la petite Khava –Khavele- ne comprend pas comment ses parents – Fryda et Leyb- ont pu survivre à la guerre et comment elle a pu naître « de ces reliques d’un monde disparu ». L’auteure insiste sur la différence d’âge entre la petite fille qu’elle était et « les adultes âgés et en souffrance » qui l’entouraient, ces « survivants d’un autre monde ».

Or, c’est sur cet « autre monde », sur « leur passé maintes fois évoqué » que portaient la plupart des conversations autour d’elle: « Poursuivis par les visages des membres de leurs familles disparues, Fryda et Leyb reconstruisent des chaînes interminables à partir d’un seul nom magique prononcé, celui du shtetl ou de la ville d’origine ».

Les amis des parents, souvent très proches – véritable famille de substitution,  faisaient de même, et Khava fit ainsi la connaissance des nombreux fantômes d’une époque et d’un passé révolus, à jamais disparus. Elle prit vite conscience de la présence des fantômes à travers les allers-retours des prénoms d’une génération à l’autre : « Les prénoms sont choisis par les parents en fonction des fantômes de leur famille à la présence entêtante, ils choisissent de les réincarner ou de les laisser s’en aller. »

Tant et si bien qu’au chapitre IV, Eve Buchwald se hasarde même à reconstituer – avec moult détails- le jour de la naissance de sa mère : les réactions, les visites, les rencontres, les échanges entre les uns et les autres.

Un accomplissement significatif pour Khavèlè qui est devenue psychologue et psychanalyste.

Le Centre Medem reçoit Eve Buchwald le samedi 21 septembre à 15h.

 

 

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DEUXIÈME GÉNÉRATION

Michel Kichka

Dargaud, 112 pages

L’auteur et caricaturiste israélien Michel Kichka est le deuxième d’une fratrie de quatre enfants. Son enfance belge a été marquée par ce qu’on n’appelait pas encore la Shoah : son père, Henri Kichka, rescapé d’Auschwitz et de Buchenwald, fut le seul survivant de sa famille juive de Belgique.

La bibliothèque familiale n’était constituée que de livres sur la Shoah et le nazisme, et enfant, Michel Kichka les consultait derrière le dos de ses parents. Marqué donc très jeune par ce douloureux passé qu’il n’avait pas vécu, il retranscrit dans sa BD ses interrogations d’enfants, comme : « Pourquoi un soldat inconnu avait-il une stèle en pierre de taille alors que mon grand-père n’avait même pas une pierre tombale ? ».

Il écrit très justement : « Ma famille était partie en cendres, emportée par le vent mauvais de l’histoire ». Pourtant, longtemps, son père ne racontera rien de son vécu à Auschwitz. C’est le suicide du benjamin de la fratrie qui met soudainement fin au mutisme du père : il va devenir une personnalité belge incontournable pour témoigner et organiser des visites guidées à Auschwitz. Mais c’est également le suicide de son frère cadet qui va faire réfléchir Kichka sur son enfance, sur ses parents et les non-dits.

Cette BD est l’aboutissement de cette réflexion de plusieurs années. Que ce soit à travers les textes et à travers les dessins, l’humour est très présent, et les passages mordants ne manquent pas.

Un récit vivant et très agréable à lire.

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RÉVEILLER LES LIONS

Ayelet Gundar-Goshen

Presses de la Cité, 432 pages

Une nuit, en sortant de sa garde à l’hôpital de Beer-Sheva, la ville la plus méridionale d’Israël, le Dr Ethan Green, chirurgien neurologue percute un homme dans le désert israélien.

Quand il sort du véhicule, il constate qu’il n’y a plus rien à faire pour lui et prend la fuite en laissant Assoun, migrant érythréen, agoniser sur le bord de la route.

Le lendemain, la femme de la victime se présente chez lui et lui rapporte son porte-feuille qu’il a laissé tomber en sortant du véhicule. Elle a tout vu et en échange de son silence elle exige quelque chose qui n’est pas quantifiable en argent.

Commence alors, pour Ethan, une longue descente aux enfers….

Roman à lire pendant les vacances.

 

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Isidore et Simone, Juifs en résistance 

Simon Louvet et Remedium

OUEST FRANCE, 192 pages

Grâce au témoignage de sa grand-mère et à de nombreuses archives personnelles qui lui ont permis de faire des recherches, le journaliste Simon Louvet raconte l’histoire de ses arrière-grands-parents, Isidore et Simone.

En introduction, il précise que « ce récit historique est aussi né du négationnisme qui progresse, au nom d’objectifs politiques rétrogrades ».

Les parents d’Isidore arrivèrent à Marseille, en 1910, après avoir fui le nationalisme antisémite de l’Empire Ottoman, tandis que les parents de Simone étaient des Juifs alsaciens. La Seconde Guerre mondiale et ses persécutions antisémites vont frapper avec la même et fatale violence ces Juifs de cultures si différentes mais partageant le même attachement pour la France. Contrôleur des impôts à Metz depuis 1936, Isidore est mobilisé lors de la déclaration de guerre. En 1940, il est affecté dans un bataillon à Toulouse où il retrouve sa femme et ses filles qui s’y sont installées. Après l’Armistice, Isidore devient agent des impôts à Toulouse jusqu’aux lois vichystes de 1941, puis trouve un emploi de comptable, tandis que Simone est secrétaire. En 1943, Isidore et Simone doivent quitter Toulouse et  confier leurs deux petites filles dans un couvent catholique aveyronnais pendant un certain temps. Isidore est alors résistant dans le maquis de Vabre (lui et ses camarades libèrent Castres), puis il s’engage dans la Première armée de libération : il devra combattre vaillamment face aux Allemands dans les Vosges et en Alsace. La guerre terminée, il faudra parfois des années pour connaître précisément le sort des disparus de la famille.

Si le texte est rigoureux, il n’en est pas moins pédagogique, et pourrait également constituer une excellente lecture pour adolescents.

Remedium, le co-auteur et dessinateur de cette BD, est professeur des écoles, et auteur de livres pour enfants : son très bon coup de crayon donne aux pages un aspect aéré qui rend la lecture très agréable.

De plus, la fin du livre est constituée d’une sorte de dossier pédagogique comprenant les biographies des principaux personnages après la guerre, des questions posées à Olivier Lalieu (historien spécialiste de la Shoah), pour chacun des sept chapitres composant le livre, ainsi que des photographies et des documents personnels dont il est fait référence dans la BD.

 

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LES FEMMES D’AUSCHWITZ-BIRKENAU

Chochana Boukhobza

Flammarion, 574 pages

Écrivaine et réalisatrice de documentaires sur la Shoah, Chochana Boukhobza a enquêté pendant sept ans auprès de survivantes pour expliquer à travers l’expérience de toutes ces femmes ce qu’elles ont vécu et ce qu’était Auschwitz et plus particulièrement Birkenau.

Pour l’essentiel juives, elles sont aussi catholiques, protestantes, agnostiques ou encore tziganes ; certaines d’entre elles ont été arrêtées pour des faits de Résistance, mais la plupart ne savaient pas ce qui les attendait. Toutes celles qui ont échappé à l’extermination seront soumises à un travail forcé implacable…

Mais aussi, comment elles se sont organisées individuellement et collectivement pour survivre…

Dans l’adversité, les femmes d’Auschwitz furent sans défense, mais elles se montrèrent courageuses, audacieuses, héroïques.

Ce récit dédié à leur mémoire est un hymne à la solidarité et à la liberté, qui s’exprimèrent envers et contre tout.

 

Livres recommandés en mai – juin 2024

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LES TUEUSES – CES FEMMES COMPLICES DE LA CRUAUTÉ NAZIE

Minou Azoulai – Véronique Timsit

Privat, 234 pages

Nombre de femmes, à l’instar d’Ilse, Erika, Pauline, Margarete, Lina, Irma…. et tant d’autres, adhérèrent au ” parti de l’horreur et de la cruauté “.

Toutes ont été volontairement complices du régime nazi entre 1939 et 1945. Certaines, particulièrement sadiques ont tué et torturé de leurs propres mains.

Oui, les femmes aussi peuvent être des tueuses sadiques, des ” meurtrières de bureau “, sous couvert de leurs fonctions de mères idéales, infirmières zélées, surveillantes soumises, épouses parfaites…

D ’autres ont veillé au bon fonctionnement du processus d’extermination des populations.

Après la guerre, elles sont restées fidèles à leur idéologie sans jamais renier aucun de leurs actes.

Sans oublier les derniers chapitres concernant les exactions commises par les ” tueuses ” en Serbie et au Rwanda.

 

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RETROUVER ESTELLE MOUFFLARGE

récit-enquête de Bastien FRANÇOIS

Gallimard, 427 pages

Un peu par hasard, parce qu’il habite dans la même rue du 18e à Paris, l’auteur part sur les traces de cette fille d’émigrés juifs pauvres, précocement orpheline, morte à Auschwitz à 15 ans. Du peu d’éléments qu’il recueille – quelques lettres, une photo, des notes administratives, archives scolaires, registres de commerce, “fichiers juifs” de la police, bribes de récits familiaux -, il reconstitue l’itinéraire de la jeune déportée.

On songe d’emblée au magnifique Dora Bruder de Patrick Modiano (1997), mais la recherche d’Estelle Moufflarge s’avère différente, poignante et passionnante elle aussi.

A partir d’un destin individuel, l’auteur dans son enquête minutieuse, menée pendant 10 ans, retrace avec rigueur et sensibilité le sort des Juifs traqués, privés de ressources, soumis aux décrets changeants, arbitraires, des Allemands et de Vichy.

Bastien François situe sa recherche dans la perspective de la “micro-histoire globale”, développée il y a quelques dizaines d’années, qui mêle histoire et sociologie, à l’échelle des individus, des groupes humains, et étudie les interactions économiques, politiques, culturelles.

 

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COMMENT ÇA VA PAS ? – Conversations après le 7 octobre

Delphine HORVILLEUR

Grasset 150 pages

Depuis le massacre perpétré par le Hamas en Israël, l’auteur est en état de sidération et de douleur. Elle tente de trouver des mots au travers de dix conversations réelles ou imaginaires – avec ses grands-parents (Oy a brokh, Papi ! Quelle malédiction !), la paranoïa juive, les antiracistes, ses enfants, ceux qui font du bien, Israël, le Messie…

Avec acuité, force et subtilité, dans une langue imagée, entrelaçant l’intime et l’universel, le sacré et le prosaïque, la gravité et l’humour, elle en appelle à l’humanisme ; elle alerte contre ceux qui menacent de mettre le monde à feu et à sang, au nom de leurs croyances : les fanatiques des trois religions monothéistes. Et elle chante avec Anne Sylvestre : « J’aime les gens qui doutent » …

Seul bémol dans ce beau traité de douleur et d’espoir, sa définition du yiddish – « pas un langage structuré, mais une sorte de patois protéiforme … » On pourrait citer des dizaines d’écrivains yiddish qui n’ont pas « jargonné » : Cholem Aleikhem, I. L. Peretz, Avrom Sutzkever, H. D. Nomberg, Myriam Ulinover, Debora Vogel, B. Schlevin, les frères Singer…

Réflexion douloureuse et profonde.

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16 ANS, RÉSISTANT

Robert Birenbaum

Stock, 175 pages

Le 17 juillet, le lendemain de la rafle du Vel d’Hiv, à 16 ans, Robert rejoint les rangs de la résistance par l’intermédiaire de sa tante Dora.

De 1942 à 1944, son son rôle était de recruter les résistants FTP le la MOI (Main d’Oeuvre Emigrée). Mélina et Missak Manouchian ainsi que les combattants de l’Affiche Rouge en firent partie. Triste ironie de l’Histoire, il devait intégrer ces FTP lorsque les membres de l’Affiche rouge furent pris.

Il relate toutes ces années durant lesquelles, avec d’autres jeunes, français, étrangers, juifs, communistes…., ils firent des « coups de main » contre les nazis et les collabos dans Paris et la région parisienne.

Récit émouvant, digne, que livre sans fard  cet homme de plus de 97 ans et d’une mémoire époustouflante, celui d’un homme juste, généreux et humble.

Raconter. Encore et encore.

Pour que personne n’oublie jamais…

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INDIGNE

Cécile CHABAUD

ECRITURE, 231 pages

Indigne, de Cécile Chabaud, est un roman inspiré de faits réels. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, un béarnais ayant réellement existé – Georges Despaux – est membre de l’antisémite Parti Populaire Français de Doriot, et rédige des « torchons fielleux et discriminatoires » dans le journal du parti, L’Assaut. Soupçonné d’avoir voulu causer la perte d’un autre membre du PPF, il est livré aux Allemands, interné dans un camp près de Compiègne en avril 1944, puis déporté à Auschwitz et à Buchenwald. A Buchenwald, il dessine les autres internés, et sauve la vie d’un de ses camarades de misère, un Juif dans le roman, Samuel Vanmolen. Le camp est libéré en avril 1945, et Despaux revient en France quelques jours plus tard. En décembre 1945, il est jugé, devant le Palais de Justice de Pau, pour intelligence avec l’ennemi, pendant la guerre, c’est-à-dire pour la période précédant l’année passée dans les camps. Dans les années 2000, le fils de celui que Despaux a sauvé – David Vanmolen- devient le dépositaire des dessins de Despaux, véritables témoignages de la vie au Camp de Buchenwald : il organise une exposition des dessins qu’il publie ensuite dans un livre.

Ce qui doit inciter à la lecture de ce livre, c’est d’abord la qualité d’écriture et la pertinence de certaines formulations bien trouvées. Ensuite, le récit est d’autant plus captivant que les brefs chapitres portent alternativement sur trois périodes distinctes: l’internement de Despaux dans les camps, son procès d’avril 1945, et les différentes démarches du galeriste David Vanmolen. Enfin, à travers ce livre, Cécile Chabaud soulève finalement des questions essentielles : parmi les collaborateurs et les collaborationnistes, lesquels jouaient un double jeu et opéraient, simultanément, pour la Résistance ? Parmi les accusateurs de l’après-guerre, combien n’avaient-ils eux-mêmes rien à se reprocher ? Des personnes qui ont peut-être changé d’avis par pur opportunisme sont-elles légitimes à juger un homme dont les convictions auraient changé au contact de la réalité des camps ? C’est ce sur quoi semble insister Cécile Chabaud en parlant de la guerre, « avec son nombre officiel de victimes et son nombre officieux de salauds », ou en qualifiant la foule, présente au Palais de Justice, de « grégaire (…) capable de lapider comme de pardonner », ainsi qu’à travers cette question posée par l’avocat de Despaux au Président du  tribunal : « Et vous, cher Président, où étiez-vous en 1943 ? Pourquoi êtes-vous toujours là ? Qui avez-vous servi pendant la Guerre ? Pourquoi avez-vous toujours votre place ? ».

Autant de questions qui poussent à la réflexion.

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LA MAISON AU BORD DU CANAL – L’histoire de la maison d’Anne Frank

Thomas Harding  (auteur) et Britta Teckentrup (illustratrice)

La Partie, 56 pages

Initialement publié en Allemagne, ce livre superbement illustré et destiné aux enfants, raconte chronologiquement, en quelques pages,  près de 400 ans d’histoire d’une maison d’Amsterdam et de ses différents habitants, parmi lesquels Anne Frank pendant la guerre. Cette précision figure dans le sous-titre du livre, puis dans un court préambule, et à la fin, dans les deux dernières pages qui révèlent les identités de tous les habitants de cette maison (ce qui atteste ainsi de la véracité  des histoires relatées).

En revanche, pour que tout enfant s’identifie à Anne Frank, nulle part, dans le corps du texte, ne sont mentionnés ni le nom d’Anne Frank, ni les mots « Juifs » ou « Nazis » : « En un jour d’été caniculaire, des policiers accompagnés d’un soldat pénétrèrent dans la maison et montèrent d’un pas lourd l’escalier dissimulé.  Les hommes découvrirent la jeune fille, sa famille et leurs amis. Ils les arrêtèrent et les embarquèrent ».

Ce livre relève ainsi le défi de permettre à des enfants d’aborder, en douceur, l’histoire d’Anne Frank.

Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Livres de mars – avril 2024

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STUPEUR

Zeruya SHALEV

Traduit de l’hébreu par Laurence SENDROWICZ,

Gallimard, 363 pages

Au chevet de son père mourant, Atara recueille les propos confus de cet homme sévère, qui l’appelle tendrement Rachel, du nom de sa mystérieuse première épouse.

Atara retrouve la trace de cette femme de 90 ans qui vit seule dans le désert de Judée. Elle force presque sa porte et réveille chez elle un douloureux passé : la lutte armée clandestine dans le groupe sioniste le « Lehi » et la résistance contre les Anglais en 1947- 48, avant la fondation de l’Etat d’Israël. La rencontre de ces deux femmes bouleversera leur existence.

En 18 chapitres, passant en alternance d’une femme à l’autre, l’écrivaine – une des voix majeures de la littérature israélienne, qui fut grièvement blessée en 2004 dans un attentat – sonde l’âme humaine, montre combien l’histoire collective bouscule les liens privés.   

Ce roman dense et puissant interroge le couple, la parentalité, la culpabilité, la religion, les silences des familles qui régissent les vies, et met en exergue les tensions et violences au coeur de la société israélienne.

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TURBULENCES 

Eshkol NEVO

Traduit de l’hébreu par Jean-Luc ALLOUCHE

GALLIMARD, 336 pages

Trois histoires d’amour s’entrecroisent pour fouiller les relations humaines dans une société Israélienne mise à nue.

L’auteur a conçu son roman comme un thriller qui vous tient en haleine et vous empêche d’interrompre votre lecture.

Un couple de jeunes mariés sont en Bolivie pour leur voyage de noces et rencontre un Israélien récemment divorcé et en vacances pour quelques jours.

L’histoire pourrait s’arrêter là mais ….un coup de foudre entre la jeune mariée et le touriste va éclater et  le mari va mourir sur la route de la mort .

S’est il suicidé ? l’a t on poussé ? et qui bien sûr ?

Un médecin – chef d’un hôpital de Tel Aviv veuf se sent étrangement proche d’une jeune interne de son service jusqu’à  à éprouver le besoin de la protéger mais la réaction de la jeune femme sera ….a vous de la découvrir.

Un couple apparemment uni à l’habitude de se promener le samedi dans un verger mais quand l’homme entre dans le jardin pour un instant il disparaît sans laisser de traces . Nevo en profite pour disséquer le couple dans sa vie la plus intime et leurs relations complexes.

N’hésitez plus plongez vous dans ce livre écrit par un conteur exceptionnel qui offre un portrait de la société israélienne.

C’est vraisemblablement un roman parfait.

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LE MIME MARCEAU, SA COUSINE ROSE, LE YIDDISH ET MOI.

Carol MANN

L’Originel, 187 pages

Carol Mann reconstitue l’histoire familiale et les périples des uns et des autres, de la ville polonaise de Bedzin à Strasbourg, en passant par Karlsruhe. Elle décrit la diversité de la communauté juive strasbourgeoise d’avant-guerre, où « fusaient comme autant de feux d’artifice », une multitude de langues avec le yiddish en tête et en dénominateur commun. Et le cousin germain de sa mère Rose, le mime Marceau, est le fruit de tout cela : on le découvre sous un autre jour et l’on comprend mieux son personnage de « Bip ».  On apprend comment, à huit ans, il fonde sa première troupe d’enfants,  et comment adolescent, en pleine guerre, il s’occupe de l’animation théâtrale dans un château où l’OSE héberge des enfants juifs de parents déportés:  chargé de convoyer une trentaine d’enfants vers la Suisse, le futur mime exercera alors, « pour la première fois, ses talents de comédien silencieux, en vérité mime sans le savoir, pour distraire les enfants sans émettre le moindre bruit qui eut pu éveiller des attentions malveillantes.».

La guerre disséminera, à travers la France la famille qui n’en sortira pas indemne : arrêté, en plein hiver, dans sa boucherie de Villeurbanne, le père de Marcel Marceau sera déporté à Auschwitz.

Le silence du mime fut peut-être aussi celui de la sidération.

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FIGURES DU JOUR

1930

&

MANNEQUINS

1934

Debora VOGEL (auteur), Batia BAUM  (traductrice)

Edition bilingue Français-Yiddish

La Barque, 266 pages

« Je comprends mes poèmes comme une tentative de nouveau style en poésie, je trouve en eux une analogie avec la peinture moderne », écrivit Debora Vogel, dans sa préface à Figures du jour. Ses poèmes sont effectivement  des tableaux, mais peints mais avec des mots, non avec des pinceaux : couleurs et formes géométriques allégorisent ses pensées. Grande figure de l’Avant-Garde  polonaise et yiddish –littéraire et artistique-, c’est âgée d’une vingtaine d’années que cette poétesse apprit le yiddish, la langue originale des poèmes contenus dans ce recueil bilingue et issus de ses deux premières publications. Son regard réaliste percevait tant les vains artifices que la monotonie froide et intemporelle du monde urbain dont elle n’était pas dupe. Paris, à laquelle elle consacra plusieurs poèmes, n’était ainsi qu’une « ville de pacotille bariolée » (« shtot fun bunt-farbikn shund »). Et elle considérait les tristesses comme « un élément décoratif de la vie ».

Au-delà de la fidélité de la traduction, Batia Baum, avec toute sa sensibilité, a parfaitement respecté la musicalité des poèmes dont l’élégante fluidité se retrouve dans les deux versions, yiddish et française.

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LA MAISON AU BORD DU CANAL – L’histoire de la maison d’Anne Frank

Thomas Harding  (auteur) et Britta Teckentrup (illustratrice)

La Partie, 56 pages

Initialement publié en Allemagne, ce livre superbement illustré et destiné aux enfants, raconte chronologiquement, en quelques pages,  près de 400 ans d’histoire d’une maison d’Amsterdam et de ses différents habitants, parmi lesquels Anne Frank pendant la guerre. Cette précision figure dans le sous-titre du livre, puis dans un court préambule, et à la fin, dans les deux dernières pages qui révèlent les identités de tous les habitants de cette maison (ce qui atteste ainsi de la véracité  des histoires relatées).

En revanche, pour que tout enfant s’identifie à Anne Frank, nulle part, dans le corps du texte, ne sont mentionnés ni le nom d’Anne Frank, ni les mots « Juifs » ou « Nazis » : « En un jour d’été caniculaire, des policiers accompagnés d’un soldat pénétrèrent dans la maison et montèrent d’un pas lourd l’escalier dissimulé.  Les hommes découvrirent la jeune fille, sa famille et leurs amis. Ils les arrêtèrent et les embarquèrent ».

Ce livre relève ainsi le défi de permettre à des enfants d’aborder, en douceur, l’histoire d’Anne Frank.

Livres recommandés en janv – fév 2024

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LA VENGEANCE DE FANNY

Yaniv Iczkovits

Gallimard, 509 pages  

Traduit de l’hébreu par Jérémie ALLOUCH

Lauréat du prix AGNON

Dans un shtetl de l’Empire russe, à la fin du 19e siècle, Mendé, épouse et mère de famille, est désespérée par le départ de son mari pour la grande ville de Minsk. Sa sœur Fanny – dite di wilde khayeh (la bête sauvage), car fille de boucher elle manie divinement le couteau – entreprend de retrouver son coquin de beau-frère : elle laisse mari et enfants au milieu de la nuit, passe le fleuve sur la barque de Zizek le taiseux, qui l’accompagnera dans son périple.

Commence une aventure menée à un rythme endiablé, où se croisent malfrats, marginaux, aubergistes, prostituées, soldats ; les fuyards seront poursuivis par la police secrète du tsar.

L’auteur construit une épopée haletante aux personnages drôles et touchants. Avec humour, ce récit parsemé de mots yiddish dépeint une héroïne intrépide, maligne, bravant tous les dangers, tout en restant sensible et humaine.

Au passage injustices et situations absurdes sont dénoncées : misère, violences antisémites, despotisme, procès tronqués, garçons juifs enlevés pour être enrôlés dans l’armée, épouses abandonnées sans le get – l’acte de divorce religieux sans lequel elles ne peuvent se remarier…

L’éclatant talent de conteur d’Iczkovits, né en 1975, rappelle de grands romans de la littérature : les héros picaresques de Rabelais et de Cervantes, ceux pleins de verve de Mark Twain, de Sholem Aleykhem ou I. B. Singer. Mais changement d’époque avec une héroïne au centre de cette odyssée !

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JUIFS EN POLOGNE – Quand la Pologne a cessé d’être une terre d’accueil 

Alexandra Subrémon

Le Bord de l’Eau, 210 pages

Préface Audrey Kichelewski; Postface Konstanty Gebert

Dans ce récit se croisent deux histoires : celle des parents de l’auteure – un jeune couple qui parvient à s’échapper du ghetto de Varsovie, est déporté dans un camp de travail en Allemagne, et en 1945 revient à Varsovie, croyant à un avenir meilleur dans la Pologne communiste – , et l’histoire propre de l’auteure, née en 1947 à Strasbourg où sa mère est quelque temps employée au consulat de Pologne, à qui on n’a rien dit de ses origines juives. 

Lorsqu’Alexandra a 20 ans, la famille est confrontée en Pologne à la brutalité de l’antisémitisme d’État : interrogatoires, parents licenciés. Les Juifs quittent massivement le pays. L’auteure est envoyée en France pour poursuivre ses études de droit. 

Cinquante ans après avoir quitté la Pologne, elle y retourne en quête de documents archivés. Elle s’attache également à comprendre les Mémoires de son père. 

Un témoignage d’une grande force et une réflexion nourrie de recherches historiques et de faits actuels. Une autobiographie dans un contexte plus global de la présence juive en Pologne depuis des siècles.

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TU LA RETROUVERAS

Jean Hatzfeld

Gallimard, 208 pages

Pendant l’hiver 1944-1945, deux fillettes : Scheindel, juive et Izeta, tzigane, se sont réfugiées dans le zoo de Budapest en ruine où les animaux, affamés sont laissés à l’abandon.

Débrouillardes et vives, toujours en alerte, elles se donnent pour mission d’organiser la fuite des girafes, zèbres et autres résidents du zoo, hors de la ville tenue par les nazis et encerclée par l’Armée rouge.

Des années après la guerre, Scheindel retourne à Budapest à la recherche de son amie Izeta…En 1995, à Sarajevo, elle poursuit toujours l’ombre d’Izeta…

Malgré cette triste période de guerre, ce roman reste émouvant et plein de vie.

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TOUT LE MONDE N’A PAS LA CHANCE D’AIMER LA CARPE FARCIE

Élise Goldberg

Verdier, 160 pages

Élise Goldberg nous offre un premier roman qui explore ses origines familiales à travers la cuisine ashkénaze.

Un grand-père meurt. Une petite-fille récupère son frigo et l’installe dans sa cuisine. La porte à peine ouverte, nous franchissons la frontière de la Pologne juive, et c’est un monde qui se découvre, un monde de foies de volaille, d’”ognonnes”, de gefilte fish, de carpe farcie, de tsibèlès mit eyer, gehakte leybèr, a stykèlè keyz kikhn, knaydlekh, fiss ou galekh, kreplekh ou kroupnik, klops, lokshn kouguel, kashè, shmalts herring, hallah, tshoulnt…

Un vrai régal de saveurs culinaires ashkénazes.

Mais ne vous y trompez pas, ce livre n’est pas énième livre de recettes traditionnelles. C’est une boussole, une horloge à remonter le temps, des souvenirs d’enfance, le yiddish de nos parents, celui qu’on ne peut oublier : shmattè, shayn maydalè, shlémil, shlimazl, shlèpper, schnorrèr, shmattè, khoutspè, pilpoul

Ce livre parle de yiddish, de nourriture, de souvenirs et de transmission ! Super moment avec ce livre.

Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Livres de janv – fév 2024

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JUIFS EN POLOGNE – Quand la Pologne a cessé d’être une terre d’accueil 

Alexandra Subrémon

Le Bord de l’Eau, 210 pages

Préface Audrey Kichelewski; Postface Konstanty Gebert

Dans ce récit se croisent deux histoires : celle des parents de l’auteure – un jeune couple qui parvient à s’échapper du ghetto de Varsovie, est déporté dans un camp de travail en Allemagne, et en 1945 revient à Varsovie, croyant à un avenir meilleur dans la Pologne communiste – , et l’histoire propre de l’auteure, née en 1947 à Strasbourg où sa mère est quelque temps employée au consulat de Pologne, à qui on n’a rien dit de ses origines juives. 

Lorsqu’Alexandra a 20 ans, la famille est confrontée en Pologne à la brutalité de l’antisémitisme d’État : interrogatoires, parents licenciés. Les Juifs quittent massivement le pays. L’auteure est envoyée en France pour poursuivre ses études de droit. 

Cinquante ans après avoir quitté la Pologne, elle y retourne en quête de documents archivés. Elle s’attache également à comprendre les Mémoires de son père. 

Un témoignage d’une grande force et une réflexion nourrie de recherches historiques et de faits actuels. Une autobiographie dans un contexte plus global de la présence juive en Pologne depuis des siècles.

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LA VENGEANCE DE FANNY

Yaniv Iczkovits

Gallimard, 509 pages  

Traduit de l’hébreu par Jérémie ALLOUCH

Lauréat du prix AGNON

Dans un shtetl de l’Empire russe, à la fin du 19e siècle, Mendé, épouse et mère de famille, est désespérée par le départ de son mari pour la grande ville de Minsk. Sa sœur Fanny – dite di wilde khayeh (la bête sauvage), car fille de boucher elle manie divinement le couteau – entreprend de retrouver son coquin de beau-frère : elle laisse mari et enfants au milieu de la nuit, passe le fleuve sur la barque de Zizek le taiseux, qui l’accompagnera dans son périple.

Commence une aventure menée à un rythme endiablé, où se croisent malfrats, marginaux, aubergistes, prostituées, soldats ; les fuyards seront poursuivis par la police secrète du tsar.

L’auteur construit une épopée haletante aux personnages drôles et touchants. Avec humour, ce récit parsemé de mots yiddish dépeint une héroïne intrépide, maligne, bravant tous les dangers, tout en restant sensible et humaine.

Au passage injustices et situations absurdes sont dénoncées : misère, violences antisémites, despotisme, procès tronqués, garçons juifs enlevés pour être enrôlés dans l’armée, épouses abandonnées sans le get – l’acte de divorce religieux sans lequel elles ne peuvent se remarier…

L’éclatant talent de conteur d’Iczkovits, né en 1975, rappelle de grands romans de la littérature : les héros picaresques de Rabelais et de Cervantes, ceux pleins de verve de Mark Twain, de Sholem Aleykhem ou I. B. Singer. Mais changement d’époque avec une héroïne au centre de cette odyssée !

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TOUT LE MONDE N’A PAS LA CHANCE D’AIMER LA CARPE FARCIE

Élise Goldberg

Verdier, 160 pages

Élise Goldberg nous offre un premier roman qui explore ses origines familiales à travers la cuisine ashkénaze.

Un grand-père meurt. Une petite-fille récupère son frigo et l’installe dans sa cuisine. La porte à peine ouverte, nous franchissons la frontière de la Pologne juive, et c’est un monde qui se découvre, un monde de foies de volaille, d’”ognonnes”, de gefilte fish, de carpe farcie, de tsibèlès mit eyer, gehakte leybèr, a stykèlè keyz kikhn, knaydlekh, fiss ou galekh, kreplekh ou kroupnik, klops, lokshn kouguel, kashè, shmalts herring, hallah, tshoulnt…

Un vrai régal de saveurs culinaires ashkénazes.

Mais ne vous y trompez pas, ce livre n’est pas énième livre de recettes traditionnelles. C’est une boussole, une horloge à remonter le temps, des souvenirs d’enfance, le yiddish de nos parents, celui qu’on ne peut oublier : shmattè, shayn maydalè, shlémil, shlimazl, shlèpper, schnorrèr, shmattè, khoutspè, pilpoul

Ce livre parle de yiddish, de nourriture, de souvenirs et de transmission ! Super moment avec ce livre.

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TU LA RETROUVERAS

Jean Hatzfeld

Gallimard, 208 pages

Pendant l’hiver 1944-1945, deux fillettes : Scheindel, juive et Izeta, tzigane, se sont réfugiées dans le zoo de Budapest en ruine où les animaux, affamés sont laissés à l’abandon.

Débrouillardes et vives, toujours en alerte, elles se donnent pour mission d’organiser la fuite des girafes, zèbres et autres résidents du zoo, hors de la ville tenue par les nazis et encerclée par l’Armée rouge.

Des années après la guerre, Scheindel retourne à Budapest à la recherche de son amie Izeta…En 1995, à Sarajevo, elle poursuit toujours l’ombre d’Izeta…

Malgré cette triste période de guerre, ce roman reste émouvant et plein de vie.

Livres recommandés en nov – déc

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LA FAUTE

Alessandro Piperno

Liana Levi, 462 pages

Les précédents romans de l’auteur faisaient un portrait décapant de la bonne société juive italienne. Dans ce nouveau roman, il s’agit de tout autre chose :  le narrateur, parvenu à la cinquantaine, auteur de plusieurs livres, revient sur cette faute qu’il traîne comme un boulet. Comme une faute originelle qui l’a entraîné dans une vie faite de mensonges et d’imposture :

Fils unique né chez un couple désassorti, il est élevé dans l’ignorance totale de la vie antérieure de ses parents qui ne s’entendent plus. Son père est une sorte de raté dépensier mais aimant et gai ; sa mère, professeure de lycée, silencieuse, soucieuse de la bonne éducation de son fils. A court d’argent en permanence, ils survivent très difficilement, jusqu’au jour où ils reçoivent une invitation inattendue. Ils sont invités au seder par la famille de sa mère, les Sacerdoti. C’est une famille patricienne juive menant un grand train de vie, dans la Rome des beaux quartiers, sous la houlette d’un oncle Gianni patriarche très grand seigneur. Le narrateur, introverti, réservé et mal à l’aise découvre ainsi tout un pan de la vie de sa mère : elle a épousé un « goy » impécunieux, se faisant ainsi rejeter par sa famille.

Cet épisode marque l’entrée dans une autre vie pour le narrateur : en effet, la mort subite de sa mère (crime ou suicide), l’emprisonnement de son père déclaré coupable, font de lui un orphelin. Recueilli par l’Oncle Gianni, sa vie bascule. Commencent alors des années de jeunesse insouciantes ; il parvient à évacuer de son esprit sa vie antérieure, se faisant passer pour un autre, profitant de la générosité de son oncle.

Le narrateur a entrepris là une mise à nu difficile : « là où l’on juge, il n’y a pas de justice ». Cette citation de Tolstoï précède le premier chapitre. Le narrateur nous demande-t-il de ne pas juger l’enfant qu’il était ? Mais on ne juge pas un enfant. Difficile pourtant de comprendre pourquoi ce jeune adulte n’a pas eu le courage de rendre visite à son père, emprisonné durant trois ans avant d’être réhabilité ! L’on comprend mieux le dialogue imaginaire qu’il entretient avec sa mère défunte. Les dernières pages au cours desquelles il retrouve son seul et vrai amour montrent à quel point il s’est enfermé dans un monde intérieur très éloigné de la réalité.

Excellent roman.

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DUEL A BEYROUTH

Mishka Ben David

Nouveau monde, 354 pages

Ecrit par un ancien du Mossad, ce roman d’espionnage nous donne une vision nuancée de tous ces acteurs de terrain : leur courage, leur abnégation, mais aussi leurs échecs et leurs doutes. Le rôle de chacun des agents est formaté selon leurs capacités physique et mentale.

Lors d’une attaque contre un chef du Hezbollah vivant à Beyrouth, Ronen, chargé de le tuer, retient son geste. L’expédition finit donc par un échec ; au retour, des interrogatoires serrés finissent par faire porter l’entière responsabilité sur Ronnen. Celui-ci tombe dans un état de rage et désir de revanche : sans la moindre autorisation, il repart à Beyrouth pour « finir le travail ». Son supérieur et ami, Gadi, part à sa recherche.

Dans ce roman, l’espionnage et la vie de famille ne font pas bon ménage, mais les deux femmes impliquées sont remarquables de sang-froid, de finesse et d’une aide sans faille à l’égard de leurs maris.

Haletant, truffé de détails sur la vie de terrain et très intéressant.

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LA BALLADE DU ROCHER DE PETRA

Mendel Mann

52 pages, ill. à l’encre, 1965

Mendel Mann est un classique de la littérature yiddish, oublié de nos jours. Nous avons reçu en don ce bel album qui contient une nouvelle illustrée par Georges Goldkorn (quel beau nom !).

Au cours d’un voyage en Israël, Mendel ne peut s’empêcher de porter un regard mélancolique sur lui-même, comme si ce vieux pays qu’il arpente faisait peser sur lui le poids de son histoire. Il voit des arbres en souffrance et souffre avec eux : ont-ils un futur ? Il erre sans répit et sans but dans le Néguev. La chance lui sourit en lui faisant rencontrer deux chercheurs jeunes et pleins d’assurance. Leur présence le revigore et, pendant qu’ils font des explorations, il va, dans une profonde rêverie, partir à la découverte du Rocher de Pétra.

Les illustrations à l’encre sont en parfaite adéquation avec sa nostalgie et sa mélancolie. C’est un texte émouvant derrière lequel nous devinons des douleurs cachées ; seule, une biographie détaillée pourrait nous en fournir la clé.

Très beau texte et ill.

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Le CHÂTEAU DES RENTIERS

Agnès Desarthe

L’Olivier, 216 pages

Si on devait résumer ce livre, ce serait un livre autobiographique sur la vieillesse… et ce serait rébarbatif. En fait, on pourrait comparer ce livre avec une poupée Russe que l’on ouvrirait comme le temps qui passe.

L’auteur relate l’acquisition par ses grands-parents d’un appartement rue du Château des Rentiers où ils vivent entourés par leurs amis Bessarabiens comme eux dans des appartements voisins. Donc à l’aube des ses 60 ans Agnès Desarthe décide de créer un phalanstère pour recréer avec des amis un endroit pour leur vieillesse.

Mais c’est l’occasion pour elle d’ouvrir une autre boîte : ces péripéties avec son Alter Ego, sa visite à la banque pour avoir un prêt et réaliser son projet. Ne vous y trompez pas les chapitres vont vous paraître décousus, mais vous allez y trouver l’histoire de sa famille maternelle, l’accent du yiddish (pas de “u” en yiddish soit “i”, soit “ou” et ça devient : un peï, l’hile, la kisine…) la table en formica jaune, la recette du gâteau aux noix de sa grand-mère, ses souvenirs de jeunesse, la chanson si familière “les yeux noirs”, le temps qui passe et bien d’autres choses encore.

L’auteur aborde avec une intelligence et une délicatesse qui n’appartiennent qu’à elle le thème du temps qui passe.

YIDDISH Paris : staging nation and community in interwar France

Nick Underwood

Indiana University Press, 254 pages, index.

C’est avec beaucoup de curiosité et d’intérêt que nous avons lu ce livre très bien documenté : en effet, il dresse un tableau des défenseurs du yiddish à Paris, durant l’entre-deux guerres. Il montre l’activisme (dans le bon sens du terme) des organisations juives de Paris, très nombreuses à cette époque. Ce sont surtout les militants de la gauche qui se sont illustrés avec constance, au milieu de la montée des périls ; les querelles politiques au sein de la gauche, comme par exemple la prise en main de la Kultur Lige par le parti communiste, ont fait réagir vigoureusement le Bund : il s’est rapproché des instances opposées au communisme, y gagnant une place plus importante.

Pour nous, c’est bien entendu cette partie du livre qui est la plus importante. Elle nous rappelle d’où nous venons, donnant ainsi encore plus de sens à notre engagement.

Assez facile à lire en anglais.

Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Livres de nov – dec 2023

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LA FAUTE

Alessandro Piperno

Liana Levi, 462 pages

Les précédents romans de l’auteur faisaient un portrait décapant de la bonne société juive italienne. Dans ce nouveau roman, il s’agit de tout autre chose :  le narrateur, parvenu à la cinquantaine, auteur de plusieurs livres, revient sur cette faute qu’il traîne comme un boulet. Comme une faute originelle qui l’a entraîné dans une vie faite de mensonges et d’imposture :

Fils unique né chez un couple désassorti, il est élevé dans l’ignorance totale de la vie antérieure de ses parents qui ne s’entendent plus. Son père est une sorte de raté dépensier mais aimant et gai ; sa mère, professeure de lycée, silencieuse, soucieuse de la bonne éducation de son fils. A court d’argent en permanence, ils survivent très difficilement, jusqu’au jour où ils reçoivent une invitation inattendue. Ils sont invités au seder par la famille de sa mère, les Sacerdoti. C’est une famille patricienne juive menant un grand train de vie, dans la Rome des beaux quartiers, sous la houlette d’un oncle Gianni patriarche très grand seigneur. Le narrateur, introverti, réservé et mal à l’aise découvre ainsi tout un pan de la vie de sa mère : elle a épousé un « goy » impécunieux, se faisant ainsi rejeter par sa famille.

Cet épisode marque l’entrée dans une autre vie pour le narrateur : en effet, la mort subite de sa mère (crime ou suicide), l’emprisonnement de son père déclaré coupable, font de lui un orphelin. Recueilli par l’Oncle Gianni, sa vie bascule. Commencent alors des années de jeunesse insouciantes ; il parvient à évacuer de son esprit sa vie antérieure, se faisant passer pour un autre, profitant de la générosité de son oncle.

Le narrateur a entrepris là une mise à nu difficile : « là où l’on juge, il n’y a pas de justice ». Cette citation de Tolstoï précède le premier chapitre. Le narrateur nous demande-t-il de ne pas juger l’enfant qu’il était ? Mais on ne juge pas un enfant. Difficile pourtant de comprendre pourquoi ce jeune adulte n’a pas eu le courage de rendre visite à son père, emprisonné durant trois ans avant d’être réhabilité ! L’on comprend mieux le dialogue imaginaire qu’il entretient avec sa mère défunte. Les dernières pages au cours desquelles il retrouve son seul et vrai amour montrent à quel point il s’est enfermé dans un monde intérieur très éloigné de la réalité.

Excellent roman.

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LA BALLADE DU ROCHER DE PETRA

Mendel Mann

52 pages, ill. à l’encre, 1965

Mendel Mann est un classique de la littérature yiddish, oublié de nos jours. Nous avons reçu en don ce bel album qui contient une nouvelle illustrée par Georges Goldkorn (quel beau nom !).

Au cours d’un voyage en Israël, Mendel ne peut s’empêcher de porter un regard mélancolique sur lui-même, comme si ce vieux pays qu’il arpente faisait peser sur lui le poids de son histoire. Il voit des arbres en souffrance et souffre avec eux : ont-ils un futur ? Il erre sans répit et sans but dans le Néguev. La chance lui sourit en lui faisant rencontrer deux chercheurs jeunes et pleins d’assurance. Leur présence le revigore et, pendant qu’ils font des explorations, il va, dans une profonde rêverie, partir à la découverte du Rocher de Pétra.

Les illustrations à l’encre sont en parfaite adéquation avec sa nostalgie et sa mélancolie. C’est un texte émouvant derrière lequel nous devinons des douleurs cachées ; seule, une biographie détaillée pourrait nous en fournir la clé.

Très beau texte et ill.

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DUEL A BEYROUTH

Mishka Ben David

Nouveau monde, 354 pages

Ecrit par un ancien du Mossad, ce roman d’espionnage nous donne une vision nuancée de tous ces acteurs de terrain : leur courage, leur abnégation, mais aussi leurs échecs et leurs doutes. Le rôle de chacun des agents est formaté selon leurs capacités physique et mentale.

Lors d’une attaque contre un chef du Hezbollah vivant à Beyrouth, Ronen, chargé de le tuer, retient son geste. L’expédition finit donc par un échec ; au retour, des interrogatoires serrés finissent par faire porter l’entière responsabilité sur Ronnen. Celui-ci tombe dans un état de rage et désir de revanche : sans la moindre autorisation, il repart à Beyrouth pour « finir le travail ». Son supérieur et ami, Gadi, part à sa recherche.

Dans ce roman, l’espionnage et la vie de famille ne font pas bon ménage, mais les deux femmes impliquées sont remarquables de sang-froid, de finesse et d’une aide sans faille à l’égard de leurs maris.

Haletant, truffé de détails sur la vie de terrain et très intéressant.

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Le CHÂTEAU DES RENTIERS

Agnès Desarthe

L’Olivier, 216 pages

Si on devait résumer ce livre, ce serait un livre autobiographique sur la vieillesse… et ce serait rébarbatif. En fait, on pourrait comparer ce livre avec une poupée Russe que l’on ouvrirait comme le temps qui passe.

L’auteur relate l’acquisition par ses grands-parents d’un appartement rue du Château des Rentiers où ils vivent entourés par leurs amis Bessarabiens comme eux dans des appartements voisins. Donc à l’aube des ses 60 ans Agnès Desarthe décide de créer un phalanstère pour recréer avec des amis un endroit pour leur vieillesse.

Mais c’est l’occasion pour elle d’ouvrir une autre boîte : ces péripéties avec son Alter Ego, sa visite à la banque pour avoir un prêt et réaliser son projet. Ne vous y trompez pas les chapitres vont vous paraître décousus, mais vous allez y trouver l’histoire de sa famille maternelle, l’accent du yiddish (pas de “u” en yiddish soit “i”, soit “ou” et ça devient : un peï, l’hile, la kisine…) la table en formica jaune, la recette du gâteau aux noix de sa grand-mère, ses souvenirs de jeunesse, la chanson si familière “les yeux noirs”, le temps qui passe et bien d’autres choses encore.

L’auteur aborde avec une intelligence et une délicatesse qui n’appartiennent qu’à elle le thème du temps qui passe.

YIDDISH Paris : staging nation and community in interwar France

Nick Underwood

Indiana University Press, 254 pages, index.

C’est avec beaucoup de curiosité et d’intérêt que nous avons lu ce livre très bien documenté : en effet, il dresse un tableau des défenseurs du yiddish à Paris, durant l’entre-deux guerres. Il montre l’activisme (dans le bon sens du terme) des organisations juives de Paris, très nombreuses à cette époque. Ce sont surtout les militants de la gauche qui se sont illustrés avec constance, au milieu de la montée des périls ; les querelles politiques au sein de la gauche, comme par exemple la prise en main de la Kultur Lige par le parti communiste, ont fait réagir vigoureusement le Bund : il s’est rapproché des instances opposées au communisme, y gagnant une place plus importante.

Pour nous, c’est bien entendu cette partie du livre qui est la plus importante. Elle nous rappelle d’où nous venons, donnant ainsi encore plus de sens à notre engagement.

Assez facile à lire en anglais.

Livres recommandés en sept – oct

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LES PARTISANS – Kessel et Druon, une histoire de famille

Dominique Bona

Gallimard, 528 pages

Le livre débute avant la seconde guerre mondiale pour se prolonger tout au long du vingtième siècle et balaye l’ensemble de la vie politique de cette époque troublée : la Résistance, la guerre d’Algérie, la naissance d’Israël, De Gaulle, mai 68 …

Cette triple biographie se lit comme un roman policier. Dans cette “enquête”, l’auteure nous dévoile tout sur Joseph Kessel, son neveu Maurice Druon et Germaine Sablon, tous trois défenseurs acharnés de la France, résistants de la première heure.

Les deux premiers tiers de l’ouvrage sont consacrés à la description de leur vie: enfance, jeunesse, guerres, résistance, amours, amitiés, inimitiés…

À Londres, Joseph Kessel et Maurice Druon écrivent ensemble en 1943 – à partir d’une chanson russe d’Anna Marly – les paroles françaises de l’hymne de la Résistance, Le Chant des partisans.

On découvre aussi la vie de Germaine Sablon (soeur de Jean Sablon et maîtresse de Kessel), femme au parcours incroyable : chanteuse et combattante, figure indissociable de leurs destins entrecroisés, conductrice d’ambulance et aide infirmière sur les champs de bataille. Après la libération  elle décorée de la médaille de la Résistance, de la croix de guerre et de la Légion d’honneur.

Le dernier tiers analyse les œuvres de Joseph Kessel et Maurice Druon et leurs liens familiaux marqués par la tendresse, la fidélité et la même passion : écrire. Kessel est déjà un écrivain connu quand Druon débute avec quelques grand succès littéraires. Ils ont vingt ans d’écart, et seront tous les deux élus à l’Académie française, aucun n’aura d’enfant.

Livre passionnant pour un retour au pays des grands hommes, sans oublier la femme qui va les accompagner un bout de chemin.

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LE NAGEUR

Pierre Assouline

Gallimard, 256 pages

Pierre Assouline retrace dans son livre, Le Nageur, l’histoire bouleversante et le destin hors du commun d’Alfred Nakache, (surnommé Artem, poisson en hébreu).

Né à Constantine en 1915 dans un famille juive, Alfred Nakache va devenir un nageur d’exception, recordman du monde du 200 mètres brasse, quintuple champion de France et l’un des représentants/créateurs de la nage papillon, encore peu pratiquée et non homologuée à l’époque.

En 1936, il participe avec l’équipe de France aux jeux olympiques de Berlin et termine quatrième du relais 4 x 100 mètres nage libre, devant l’équipe allemande. Sur le podium, et pour signifier son opposition à Hitler, il baisse la tête pendant que les autres sportifs font le salut nazi. En 1942, il refuse de porter l’étoile jaune.

Réfugié en zone libre à Toulouse, il devient professeur d’éducation physique et continue à s’entraîner avec le club sportif “Les Dauphins”, grand pourvoyeur de champions français de natation. Alors que l’activité est interdite aux israélites, il enchaîne les compétitions et, la nuit, entraîne les résistants juifs. 

Arrêté en 1943, sur dénonciation de son rival et collaborateur Jacques Cartonnet (si je le revois je le tue...phrase qui revient comme un fil conducteur dans le livre), il est déporté à Auschwitz, matricule 172763, avec sa femme et sa petite fille qui seront assassinées dès leur arrivée.

Transféré en janvier 1945 à Buchenwald, il survit mais revient terriblement diminué, ne pesant plus que 40 kg à sa libération. Après une période de profonde dépression, il réussit, grâce au soutien de sa famille et de son ancien entraîneur, Alban Minville, à renouer avec la natation et même à participer aux JO de Londres en 1948, douze ans après avoir concouru à ceux de Berlin…

Il meurt à 67 ans, à la suite d’un malaise alors qu’il nageait au large de Cerbère.

Le livre foisonne de détails passionnants : sur l’entraînement des nageurs, sur Pierre Mendès-France et les jeux de Berlin, sur la France de l’Occupation et le rôle du ministre des sports pétainiste, Jean Borotra, qui sera malgré tout l’un des protecteurs d’Artem, sur la Résistance juive dans la région toulousaine. Sur Auschwitz où sont décrits les combats de boxe qui y étaient organisés, (déportés contre kapos, voire soldats de la Wehrmacht, combats auxquels participa le champion du monde Young Perez).

Le Nageur n’est pas une biographie classique, c’est le récit d’une histoire singulière et passionnante dans l’ “Histoire”.

Une leçon de vie et de résilience.

De nombreuses piscines portent aujourd’hui le nom d’Alfred Nakache et d’Alban Minville, son entraîneur et ami.

DE PITCHIK A PITCHOUK – Un Conte pour vieux enfants

Jean-Claude GRUMBERG

Seuil, 160 pages

Après le joyau de La plus précieuse des marchandises, on se demande dans quelle aventure nous embarque l’auteur, quel est ce Pitchik-Pitchok qui sonne à la fois comme Pitchoun et Pitchipoï (destination inconnue des convois de déportés), situé près de Brody, la ville de la famille maternelle de Grumberg. Quelle est cette histoire farfelue de vieille dame veuve devant sa cheminée Napoléon III d’où descend un Père Noël grognon, lui aussi esseulé, ayant perdu sa Mère Noël ?

Elle l’invite à un thé citron et le dialogue s’installe, loufoque, bourru : « Qu’est-ce que vous foutez là, nom de Dieu de nom de Diou ?! » – « J’ai un paquet à fourrer dans une godasse. »

Et la magie opère, entre humour et émotion, rêve et réalité. La trame du temps est bousculée, les lieux se télescopent…

Un patron de l’apprenti Grumberg avait raison : tu ne seras pas tailleur, mais plonge-toi dans les livres. Par le pouvoir des mots – cailloux contre l’oubli – , on vole en toute liberté, on se métamorphose telles des figures de Chagall, et les chers disparus sont ressuscités. On croise Charlot, des nazis, un colporteur (peut-être Mendele le marchand de livres de l’écrivain yiddish Sforim) assassiné par des cosaques, l’infirmière de l’Ehpad, le petit Jean-Claude caché et les enfants « étoilés » ; on assiste à la rencontre si poétique des grands-parents Baruch et Zina au square d’Anvers ; on devine Jacqueline, l’épouse décédée de l’auteur inconsolable. On parcourt les noms au cimetière de Bagneux. Une photo d’après la guerre expose des monceaux de cheveux, lunettes, chaussures (« Petit papa Noël, n’oublie pas leurs souliers. »)

La transmission est là encore au cœur du récit de J-C Grumberg, la révolte contre la haine, contre la barbarie (la guerre en Ukraine), avec l’injonction aux jeunes d’aimer et d’être heureux.

Vers la fin une jeune lectrice s’insurge : Vous êtes l’auteur ? Elle pointe les incohérences, l’épilogue ne lui plaît guère, et l’auteur s’exécute, revoit sa copie ! Sholem Aleichem lui aussi aimait malicieusement s’inviter dans ses romans et son théâtre…

LE BUREAU D’ÉCLAIRCISSEMENT DES DESTINS

Gaëlle Nohant

Grasset, 440 pages

Irène est embauchée à l’I.T.S. (International tracing Service), un centre de documentation sur les persécutions nazies.

En 2016, on lui confie une mission inédite : retrouver les héritiers des milliers d’objets dont le centre est dépositaire depuis la libération des camps. Chaque objet, même modeste, renferme ses secrets.

Elle se met à la recherche des descendants des déportés, propriétaires de ces objets. Au fil de ses enquêtes, Irène se heurte aux mystères du Centre et à son propre passé.

Sa quête va la conduire de Varsovie à Paris et Berlin, en passant par Thessalonique ou l’Argentine.

Le bureau d’éclaircissement des destins, c’est le fil qui unit ces trajectoires individuelles à la mémoire collective de l’Europe.

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VOYAGE À REBOURS

Jacob Gladstein

L’Antilope, 345 pages.

Traduit du yiddish par Rachel ERTEL

1934. L’auteur, grand poète yiddish (1896-1971), embarque à New York sur un paquebot pour retourner vers sa ville natale de Lublin, au chevet de sa mère. Il prend le train au Havre, passe par Paris et retrouve des artistes à Montparnasse. En train, il traverse l’Allemagne, devenue nazie, avant d’arriver en Pologne où il n’est pas revenu depuis vingt ans.

Si le voyage en bateau constitue une « parenthèse enchantée » où, passager en classe de luxe, il s’amuse des conversations, jouit du spectacle de la comédie humaine cosmopolite dans un récit distancié, des échos de la catastrophe en marche l’alertent. Dans ce voyage vers l’enfance également, des souvenirs remontent – heureux (les séjours à Varsovie avec son grand-père) ou douloureux (« J’ai fui ma ville comme on fuit la peur. Un enfant juif est élevé dans la peur. » ; la cruauté des examinateurs avec le collégien juif ; le départ et l’arrachement à dix-huit ans…)

Le sentiment de solitude et l’angoisse s’accentuent à mesure qu’il traverse le pays et s’approche de sa maison : « Des masures à moitié effondrées. Des paysannes, pieds nus, tiennent des enfants dans leurs bras pour mendier. Du pain ! ». Le récit se fait plus sombre, plus profond, oscillant entre réalisme et onirisme.

La belle traduction de R. Ertel retranscrit bien le style vif et ironique de l’auteur, qui fut aussi journaliste – les brillants dialogues et descriptions, la vision lucide de la menace antisémite, les échanges entre Juifs et non-Juifs, la réflexion sur l’identité, la plongée dans les plis de la mémoire et du temps…

FRANK KAFKA NE VEUT PAS MOURIR

Laurent Seksik

Gallimard, 352 pages

Le roman débute le 4 juin 1924 par un certificat constatant le décès le 3 juin 1924 du patient, Franz Kafka né le 3 juillet 1883 à Prague, travaillant au siège de l’office d’assurances contre les accidents du travail pour le royaume de Bohème. Le décès est lié aux suites d’une laryngite tuberculeuse fulminante ayant entraîné dénutrition et déshydratation.

« Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin » : telles sont les dernières paroles de Frank Kafka qui implore une autre dose de morphine à Robert Klopstock, son ami étudiant en médecine. A son chevet, sa compagne Dora Diamant veille sur lui. Tandis que Ottla sa sœur chérie attend des nouvelles à Prague.

Le livre se termine en 1972 et nous permet de suivre les destins entrecroisés de Robert, Dora, et Ottla.

Un des intérêts du livre, c’est l’étude minutieuse de ses trois personnages qui sont marqués au-delà de l’inimaginable par l’écrivain et par son œuvre.

Robert, jeune étudiant en médecine va rencontrer l’écrivain au sanatorium et va vite apprécier les textes que lui fait lire Franz, et qui le marquera sa vie durant.
Voilà l’opinion de Robert sur son grand ami : “Le petit agent d’assurances, fils soumis, fiancé asservi devenait un bâtisseur de mondes, un conquérant d’empires plus forts, plus puissants et plus immémoriaux que ceux d’Alexandre le grand, des empires du savoir et de la connaissance humaine qui avaient pour nom Le Procès, Le Château,L’Amérique.”

Robert deviendra, à News York, un éminent chirurgien de la tuberculose. Dora survivra à la persécution nazie, puis stalinienne et portera jusqu’à nous la mémoire de Franz Kafka. Ottla, accompagnera dans les chambres à gaz un groupe d’enfants juifs après avoir célébré, au camp de Theresienstadt, le soixantième anniversaire de la naissance de son frère.

L’auteur explore de manière inédite avec émotion et érudition l’œuvre de Kafka, en nous entraînant dans l’histoire tragique des juifs d’Europe Centrale.

Ce livre vous permettra de vous souvenir de tous les livres que vous avez lu de Kafka… ou dès le livre refermé vous plonger dans l’œuvre de ce grand écrivain.

Très belle lecture de ce livre qui ne vous laissera pas indifférent.

Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Livres de sept – oct 2023

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LES PARTISANS – Kessel et Druon, une histoire de famille

Dominique Bona

Gallimard, 528 pages

Le livre débute avant la seconde guerre mondiale pour se prolonger tout au long du vingtième siècle et balaye l’ensemble de la vie politique de cette époque troublée : la Résistance, la guerre d’Algérie, la naissance d’Israël, De Gaulle, mai 68 …

Cette triple biographie se lit comme un roman policier. Dans cette “enquête”, l’auteure nous dévoile tout sur Joseph Kessel, son neveu Maurice Druon et Germaine Sablon, tous trois défenseurs acharnés de la France, résistants de la première heure.

Les deux premiers tiers de l’ouvrage sont consacrés à la description de leur vie: enfance, jeunesse, guerres, résistance, amours, amitiés, inimitiés…

À Londres, Joseph Kessel et Maurice Druon écrivent ensemble en 1943 – à partir d’une chanson russe d’Anna Marly – les paroles françaises de l’hymne de la Résistance, Le Chant des partisans.

On découvre aussi la vie de Germaine Sablon (soeur de Jean Sablon et maîtresse de Kessel), femme au parcours incroyable : chanteuse et combattante, figure indissociable de leurs destins entrecroisés, conductrice d’ambulance et aide infirmière sur les champs de bataille. Après la libération  elle décorée de la médaille de la Résistance, de la croix de guerre et de la Légion d’honneur.

Le dernier tiers analyse les œuvres de Joseph Kessel et Maurice Druon et leurs liens familiaux marqués par la tendresse, la fidélité et la même passion : écrire. Kessel est déjà un écrivain connu quand Druon débute avec quelques grand succès littéraires. Ils ont vingt ans d’écart, et seront tous les deux élus à l’Académie française, aucun n’aura d’enfant.

Livre passionnant pour un retour au pays des grands hommes, sans oublier la femme qui va les accompagner un bout de chemin.

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VOYAGE À REBOURS

Jacob Gladstein

L’Antilope, 345 pages.

Traduit du yiddish par Rachel ERTEL

1934. L’auteur, grand poète yiddish (1896-1971), embarque à New York sur un paquebot pour retourner vers sa ville natale de Lublin, au chevet de sa mère. Il prend le train au Havre, passe par Paris et retrouve des artistes à Montparnasse. En train, il traverse l’Allemagne, devenue nazie, avant d’arriver en Pologne où il n’est pas revenu depuis vingt ans.

Si le voyage en bateau constitue une « parenthèse enchantée » où, passager en classe de luxe, il s’amuse des conversations, jouit du spectacle de la comédie humaine cosmopolite dans un récit distancié, des échos de la catastrophe en marche l’alertent. Dans ce voyage vers l’enfance également, des souvenirs remontent – heureux (les séjours à Varsovie avec son grand-père) ou douloureux (« J’ai fui ma ville comme on fuit la peur. Un enfant juif est élevé dans la peur. » ; la cruauté des examinateurs avec le collégien juif ; le départ et l’arrachement à dix-huit ans…)

Le sentiment de solitude et l’angoisse s’accentuent à mesure qu’il traverse le pays et s’approche de sa maison : « Des masures à moitié effondrées. Des paysannes, pieds nus, tiennent des enfants dans leurs bras pour mendier. Du pain ! ». Le récit se fait plus sombre, plus profond, oscillant entre réalisme et onirisme.

La belle traduction de R. Ertel retranscrit bien le style vif et ironique de l’auteur, qui fut aussi journaliste – les brillants dialogues et descriptions, la vision lucide de la menace antisémite, les échanges entre Juifs et non-Juifs, la réflexion sur l’identité, la plongée dans les plis de la mémoire et du temps…

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LE NAGEUR

Pierre Assouline

Gallimard, 256 pages

Pierre Assouline retrace dans son livre, Le Nageur, l’histoire bouleversante et le destin hors du commun d’Alfred Nakache, (surnommé Artem, poisson en hébreu).

Né à Constantine en 1915 dans un famille juive, Alfred Nakache va devenir un nageur d’exception, recordman du monde du 200 mètres brasse, quintuple champion de France et l’un des représentants/créateurs de la nage papillon, encore peu pratiquée et non homologuée à l’époque.

En 1936, il participe avec l’équipe de France aux jeux olympiques de Berlin et termine quatrième du relais 4 x 100 mètres nage libre, devant l’équipe allemande. Sur le podium, et pour signifier son opposition à Hitler, il baisse la tête pendant que les autres sportifs font le salut nazi. En 1942, il refuse de porter l’étoile jaune.

Réfugié en zone libre à Toulouse, il devient professeur d’éducation physique et continue à s’entraîner avec le club sportif “Les Dauphins”, grand pourvoyeur de champions français de natation. Alors que l’activité est interdite aux israélites, il enchaîne les compétitions et, la nuit, entraîne les résistants juifs. 

Arrêté en 1943, sur dénonciation de son rival et collaborateur Jacques Cartonnet (si je le revois je le tue...phrase qui revient comme un fil conducteur dans le livre), il est déporté à Auschwitz, matricule 172763, avec sa femme et sa petite fille qui seront assassinées dès leur arrivée.

Transféré en janvier 1945 à Buchenwald, il survit mais revient terriblement diminué, ne pesant plus que 40 kg à sa libération. Après une période de profonde dépression, il réussit, grâce au soutien de sa famille et de son ancien entraîneur, Alban Minville, à renouer avec la natation et même à participer aux JO de Londres en 1948, douze ans après avoir concouru à ceux de Berlin…

Il meurt à 67 ans, à la suite d’un malaise alors qu’il nageait au large de Cerbère.

Le livre foisonne de détails passionnants : sur l’entraînement des nageurs, sur Pierre Mendès-France et les jeux de Berlin, sur la France de l’Occupation et le rôle du ministre des sports pétainiste, Jean Borotra, qui sera malgré tout l’un des protecteurs d’Artem, sur la Résistance juive dans la région toulousaine. Sur Auschwitz où sont décrits les combats de boxe qui y étaient organisés, (déportés contre kapos, voire soldats de la Wehrmacht, combats auxquels participa le champion du monde Young Perez).

Le Nageur n’est pas une biographie classique, c’est le récit d’une histoire singulière et passionnante dans l’ “Histoire”.

Une leçon de vie et de résilience.

De nombreuses piscines portent aujourd’hui le nom d’Alfred Nakache et d’Alban Minville, son entraîneur et ami.

LE BUREAU D’ÉCLAIRCISSEMENT DES DESTINS

Gaëlle Nohant

Grasset, 440 pages

Irène est embauchée à l’I.T.S. (International tracing Service), un centre de documentation sur les persécutions nazies.

En 2016, on lui confie une mission inédite : retrouver les héritiers des milliers d’objets dont le centre est dépositaire depuis la libération des camps. Chaque objet, même modeste, renferme ses secrets.

Elle se met à la recherche des descendants des déportés, propriétaires de ces objets. Au fil de ses enquêtes, Irène se heurte aux mystères du Centre et à son propre passé.

Sa quête va la conduire de Varsovie à Paris et Berlin, en passant par Thessalonique ou l’Argentine.

Le bureau d’éclaircissement des destins, c’est le fil qui unit ces trajectoires individuelles à la mémoire collective de l’Europe.

DE PITCHIK A PITCHOUK – Un Conte pour vieux enfants

Jean-Claude GRUMBERG

Seuil, 160 pages

Après le joyau de La plus précieuse des marchandises, on se demande dans quelle aventure nous embarque l’auteur, quel est ce Pitchik-Pitchok qui sonne à la fois comme Pitchoun et Pitchipoï (destination inconnue des convois de déportés), situé près de Brody, la ville de la famille maternelle de Grumberg. Quelle est cette histoire farfelue de vieille dame veuve devant sa cheminée Napoléon III d’où descend un Père Noël grognon, lui aussi esseulé, ayant perdu sa Mère Noël ?

Elle l’invite à un thé citron et le dialogue s’installe, loufoque, bourru : « Qu’est-ce que vous foutez là, nom de Dieu de nom de Diou ?! » – « J’ai un paquet à fourrer dans une godasse. »

Et la magie opère, entre humour et émotion, rêve et réalité. La trame du temps est bousculée, les lieux se télescopent…

Un patron de l’apprenti Grumberg avait raison : tu ne seras pas tailleur, mais plonge-toi dans les livres. Par le pouvoir des mots – cailloux contre l’oubli – , on vole en toute liberté, on se métamorphose telles des figures de Chagall, et les chers disparus sont ressuscités. On croise Charlot, des nazis, un colporteur (peut-être Mendele le marchand de livres de l’écrivain yiddish Sforim) assassiné par des cosaques, l’infirmière de l’Ehpad, le petit Jean-Claude caché et les enfants « étoilés » ; on assiste à la rencontre si poétique des grands-parents Baruch et Zina au square d’Anvers ; on devine Jacqueline, l’épouse décédée de l’auteur inconsolable. On parcourt les noms au cimetière de Bagneux. Une photo d’après la guerre expose des monceaux de cheveux, lunettes, chaussures (« Petit papa Noël, n’oublie pas leurs souliers. »)

La transmission est là encore au cœur du récit de J-C Grumberg, la révolte contre la haine, contre la barbarie (la guerre en Ukraine), avec l’injonction aux jeunes d’aimer et d’être heureux.

Vers la fin une jeune lectrice s’insurge : Vous êtes l’auteur ? Elle pointe les incohérences, l’épilogue ne lui plaît guère, et l’auteur s’exécute, revoit sa copie ! Sholem Aleichem lui aussi aimait malicieusement s’inviter dans ses romans et son théâtre…

FRANK KAFKA NE VEUT PAS MOURIR

Laurent Seksik

Gallimard, 352 pages

Le roman débute le 4 juin 1924 par un certificat constatant le décès le 3 juin 1924 du patient, Franz Kafka né le 3 juillet 1883 à Prague, travaillant au siège de l’office d’assurances contre les accidents du travail pour le royaume de Bohème. Le décès est lié aux suites d’une laryngite tuberculeuse fulminante ayant entraîné dénutrition et déshydratation.

« Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin » : telles sont les dernières paroles de Frank Kafka qui implore une autre dose de morphine à Robert Klopstock, son ami étudiant en médecine. A son chevet, sa compagne Dora Diamant veille sur lui. Tandis que Ottla sa sœur chérie attend des nouvelles à Prague.

Le livre se termine en 1972 et nous permet de suivre les destins entrecroisés de Robert, Dora, et Ottla.

Un des intérêts du livre, c’est l’étude minutieuse de ses trois personnages qui sont marqués au-delà de l’inimaginable par l’écrivain et par son œuvre.

Robert, jeune étudiant en médecine va rencontrer l’écrivain au sanatorium et va vite apprécier les textes que lui fait lire Franz, et qui le marquera sa vie durant.
Voilà l’opinion de Robert sur son grand ami : “Le petit agent d’assurances, fils soumis, fiancé asservi devenait un bâtisseur de mondes, un conquérant d’empires plus forts, plus puissants et plus immémoriaux que ceux d’Alexandre le grand, des empires du savoir et de la connaissance humaine qui avaient pour nom Le Procès, Le Château,L’Amérique.”

Robert deviendra, à News York, un éminent chirurgien de la tuberculose. Dora survivra à la persécution nazie, puis stalinienne et portera jusqu’à nous la mémoire de Franz Kafka. Ottla, accompagnera dans les chambres à gaz un groupe d’enfants juifs après avoir célébré, au camp de Theresienstadt, le soixantième anniversaire de la naissance de son frère.

L’auteur explore de manière inédite avec émotion et érudition l’œuvre de Kafka, en nous entraînant dans l’histoire tragique des juifs d’Europe Centrale.

Ce livre vous permettra de vous souvenir de tous les livres que vous avez lu de Kafka… ou dès le livre refermé vous plonger dans l’œuvre de ce grand écrivain.

Très belle lecture de ce livre qui ne vous laissera pas indifférent.

Livres recommandés en mai – juin

L’ ALLEMAND DE MA MERE 

Catherine CLÉMENT

Seuil ,205 pages

Qui est le docteur Schütz, juif allemand réfugié à Paris, à qui la mère de la narratrice, jeune pharmacienne, vient en aide ? Quelle est la véritable identité de ce médecin qui se portera au secours de la famille de l’auteure durant toute la guerre ?

L’armée d’Hitler occupe la moitié du pays et les lois anti-juives se durcissent. La jeune mère et les siens doivent se cacher ; ils se réfugient dans le Maine-et-Loire, vers Saumur.

A l’heure de la Libération, tous n’auront pas la vie sauve. L’attente commence boulevard Raspail devant le Lutetia pour la jeune femme enceinte, accompagnée de sa fille.

Catherine Clément nous livre un récit intime, dépeignant ses parents qui « excepté leur âge et leurs études, n’avaient rien en commun », elle juive et lui issu d’une famille catholique. En contrepoint des souvenirs de sa petite enfance, la chronique historique se déroule, implacable – les décrets des nazis, la collaboration de Vichy, la traque des Juifs et le zèle de certains préfets, la délation au village, les assassinats de masse ; mais aussi la protection par des voisins, des sœurs au couvent…

Une œuvre de mémoire, sensible et précise, et d’histoire pour un rappel brut des faits.

LE DEPISTEUR

Antoine Ozanam (Scénario) – Marco Venanzi (Dessin)

GLÉNAT, 56 pages

La France dans les années 50 , la guerre est terminée mais la mission de Samuel ne fait que commencer.

C’est un dépisteur qui sillonne inlassablement la campagne français, c’est un ancien scout juif qui recherche les enfants cachés pendant la guerre dans des familles d’accueil

On le retrouve dans le Lot sur les traces d’une fillette qui avait un an en 1942, la famille qu’il recherche a été dénoncée pendant l’occupation.Aux dires d’un paysan tout le monde a été exécuté, mais personne ne se souvient de l’enfant caché.

Ce sont des rencontres fortuites qui guident les pas de Samuel et son propre passé mais tout le monde semble avoir quelque chose à cacher…

Dans ce premier tome qui nous laisse …. sur l’envie de connaître très vite la suite on se rend compte que tous les secrets ne sont pas bons à déterrer.

Bonne lecture.

ALORS VINT LA LUMIERE

Lea GOLDBERG

H et O, 254pages

(première édition en 1946)

Lea Goldberg est très populaire en Israël ; elle fait partie des auteurs de poésie et de livres pour la jeunesse. Ce roman réédité fut le premier roman écrit par une femme, édité en Israël. Suivi d’une courte biographie écrite par Olivier Bosseau, on y sent  l’influence de la littérature russe, de Tchékov en particulier. Le personnage principal en est Nora, reflet de l’auteure.

Nora est en vacances dans la petite ville de son enfance, après un an d’études d’archéologie à l’université de Berlin. Elle y retrouve sa famille, ses relations, mais aussi l’atmosphère étouffante qu’elle avait fuie. Un personnage mystérieux, arrivé d’Amérique, ami de son père, fait son apparition ; Nora croit trouver en lui l’amour.

C’est en quelque sorte une vision romanesque de sa propre vie qui est mise en scène, bien que Lea Goldberg ait toujours refusé de parler d’autobiographie. Ce roman porte la marque de son temps, l’écriture est un peu datée, mais Nora, ses doutes, sa naïveté, sa fraîcheur, son goût pour la vie nous touchent par leur intemporalité.

RUSSES ET UKRAINIENS, LES FRERES INEGAUX du Moyen Age à nos jours

Andreas KAPPELER

CNRS éditions, 317 pages

Soirée au Centre Medem le 9 mai avec Denis Eckert (traducteur du livre)

Il est bien difficile de résumer le contenu de cet ouvrage historique, en raison des relations souvent équivoques entretenues par « les frères inégaux ». L’origine ambivalente de ces relations tenait à des problèmes ethniques, religieux, culturels, économiques qui remontent fort loin dans le temps.

Si l’on s’en tient à la période moderne, ce livre nous permet de comprendre que l’Occident a très longtemps ignoré cette partie de l’Europe orientale. Pour une raison simple : l’Ukraine était considérée comme une partie de l’Union soviétique, au même titre que les autres pays satellites, exception faite de la Pologne. Andreas Kappeler rappelle fort justement que les puissances occidentales craignaient le démantèlement de l’URSS (Kohl, Mitterrand et Bush).

De leur côté, les dirigeants russes (Gorbatchev, Eltsine) n’ont jamais envisagé une séparation de fait, même après avoir accordé l’indépendance en 1991 (Gorbatchev était même opposé à l’octroi de l’indépendance à l’Ukraine). Ils ont cru que l’Ukraine resterait dans le giron de la mère Russie. Or, les dirigeants ukrainiens (contrairement à la population) ont d’emblée établi une séparation véritable, un état de droit, une administration…

La population russe n’a jamais compris, encore moins admis cette fracture. En outre, si Poutine a repris le concept d’« empire russe » à son profit ce n’est pas seulement en raison de son passage au KGB : c’est aussi en raison de l’adhésion de la majeure partie de la population russe, unie à l’Ukraine de l’Est par une religion orthodoxe partagée. Les Ukrainiens étaient nommés « les petits Russes ». 2004 marque un tournant dans les relations entre les deux pays : c’est la révolution orange, place Maîdan. 2014 représente la première phase de l’envahissement de l’Ukraine : Poutine met la main sur la Crimée. L’Occident proteste verbalement, sans plus, laissant ainsi croire que l’Ukraine devrait se battre seule… On connaît la suite.

Dans sa conclusion, Kappeler rappelle que l’Ukraine n’a jamais renoncé à sa culture ruthène originelle, c’est-à-dire « la cosaquerie libre et égalitaire », page 278 ; que de son côté, la Russie post-soviétique n’a jamais accepté la perte de sa zone d’influence. Pour la première fois depuis longtemps, l’Ukraine est indépendante et se tourne vers l’Ouest. Il est temps pour les Occidentaux de l’aider à trouver sa place parmi les nations démocratiques. Il est temps pour la Russie de l’accepter.

HISTOIRE, MEMOIRES ET REPRESENTATIONS DES JUIFS D’ODESSA : un vieux rêve intime

Isabelle NÉMIROVSKI

Honoré Champion, 439 pages

Cet ouvrage, dense et exhaustif, retrace la vie de la population odessite, depuis la victoire de Catherine II de Russie sur les Turcs jusqu’à la fin du siècle dernier.

C’est en 1794 que la tsarine fonde la ville, sur les restes d’un village turc : Khadjibeï et de son fortin. Idéalement situé d’un point de vue russe, Odessa représente à la fois le « SUD » si attractif, et l’ouverture sur la mer. Dès l’origine, son éloignement de la capitale a attiré non seulement des Russes, mais aussi des immigrants très divers, lesquels en ont fait une ville cosmopolite. On peut souscrire à l’affirmation de l’auteur en faisant une ville quasi indépendante, voire rétive, dans laquelle règne une tolérance inconnue du monde russe.

Les juifs trouvent là un lieu propice à leurs aspirations de liberté et d’activité, si bien que la population juive grandit régulièrement et monte dans l’échelle sociale. L’apogée de cette réussite se situe à la fin du 19e siècle : les juifs se distinguent dans les banques, dans les arts et la culture : dans l’index figurent des noms très célèbres qui firent la gloire d’Odessa. Tant et si bien que cette ville acquiert progressivement le statut d’un mythe, surtout aux yeux de ceux qui en sont partis !

Ce livre très riche est captivant, même pour les lecteurs qui ne sont pas originaires de la ville : en effet, il retrace le parcours de tous ces juifs qui ont œuvré pour la gloire de leur ville, sans savoir qu’un jour, ils devraient la quitter, pourchassés à la fois par la Russie et par l’Allemagne nazie.

Odessa saura-t-elle se souvenir d’eux ?

SPIROU – L’ESPOIR MALGRÉ TOUT

Quatrième partie : UNE FIN ET UN NOUVEAU DÉPART

ÉMILE BRAVO  (Textes et dessins)

DUPUIS, 48 pages

Été 1944, la guerre est entrée dans sa phase finale avec la bataille de Normandie. Fantasio et Spirou assistent à l’explosion du train de soldats allemands (c’est l’écureuil Spip qui a appuyé sur le détonateur !) mais ne peuvent empêcher le départ du dernier convoi de déportés vers l’Est.

Dans Bruxelles en liesse avec l’arrivée des Anglais, c’est aussi l’heure des règlements de comptes : collaborateurs, certains policiers et prêtres délateurs, responsables scouts de la VNV (ligue nationaliste flamande), vrais résistants et résistants de la dernière heure…

Quelques mois plus tard, des déportés reviennent, méconnaissables, comme le directeur de l’hôtel maintenant en ruines. Kassandra, la fiancée de Spirou rescapée des camps, part finalement en Palestine où sera fondé un Etat juif. Felix et Felka ne sont pas revenus d’Auschwitz. (La page de fin reproduit l’impressionnant dernier tableau de Felix Nussman – Le Triomphe de la mort.)

Dans l’épilogue, la vie recommence. Les deux amis repartent à bicyclette vers l’aventure, Fantasio optimiste et blagueur, heureux d’être embauché au sein de nouvelle rédaction du journal et fier d’être proposé pour la Croix de guerre, Spirou plus soucieux quant à l’avenir : « La bête n’est pas morte ».

Ainsi se clôt la série consacrée à la Shoah. La fantaisie est toujours là sous la gravité et le tragique.

Le lecteur pourra se documenter sur des thèmes abordés au fil des volumes : les trois jeunes gens qui ont arrêté le convoi 20 du 19 avril 1943 et permis à des déportés de s’échapper ; le gouvernement en exil et l’attitude controversée de Léopold III ; la question de la colonisation du Congo belge…

SPIROU – L’ESPOIR MALGRÉ TOUT

Troisième partie : UN DÉPART VERS LA FIN

ÉMILE BRAVO  (Textes et dessins)

DUPUIS, 112 pages

Belgique, été 1942. Du train en partance vers la Pologne, Spirou parvient à sauter avec ses jeunes protégés, Suzanne et P’tit Louis, qu’il va cacher dans une ferme près de Namur.

Entre Bruxelles et la campagne, allers-retours à moto, vélo, camion de lait, automobile à gazogène, Spirou et Fantasio se dépensent pour aider des enfants juifs, ravitailler dans leur planque leurs amis Felix et Felka, trouver des faux-papiers, passer des armes… Ils poursuivent leurs spectacles de marionnettes (telles les tournées de Jean Doisy, directeur du Journal de Spirou, interdit par les Allemands, qui permettait à des résistants de voyager en Belgique occupée).

Les événements se succèdent au fil des mois : débarquement des Alliés en Afrique du Nord, défaite du Reich à Stalingrad, attentat contre Hitler, gouvernement belge en exil à Londres, débarquement en Normandie…

A la face sombre – tortures en prison, morts, lourds cas de conscience (tuer des collaborateurs, des soldats nazis) – répondent l’espoir toujours présent, les valeurs de fraternité du « code d’honneur », et l’humour, la loufoquerie de Fantasio, les clins d’œil (le peintre René Magritte croisé au marché). Les deux héros, bien incarnés, ressentent empathie, peine, émois amoureux, jalousie.

Le volume laisse le lecteur en plein suspense : Fantasio fera-t-il sauter le train « prioritaire » de déportés juifs vers l’est, qu’il pense être un convoi militaire allemand ?

* Le podcast très éclairant du commissaire de l’exposition Spirou dans la tourmente de la Shoah au Mémorial, D. Pasamonik, 2023, nous en apprend plus sur l’action des grands résistants belges Jean Doisy et Suzanne Moons (qui ont sauvé des centaines d’enfants juifs), sur les peintres Felix Nussbaum et Felka Platek assassinés à Auschwitz. « Toute la vertu d’É. Bravo est d’allier la fiction et la réalité, le tragique et le léger. Cette œuvre de transmission, qui décrit le processus génocidaire de manière non angoissante, est un support de dialogue pour expliquer la Shoah aux plus jeunes. »

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Livres de mai – juin 2023

L’ ALLEMAND DE MA MERE 

Catherine CLÉMENT

Seuil ,205 pages

Qui est le docteur Schütz, juif allemand réfugié à Paris, à qui la mère de la narratrice, jeune pharmacienne, vient en aide ? Quelle est la véritable identité de ce médecin qui se portera au secours de la famille de l’auteure durant toute la guerre ?

L’armée d’Hitler occupe la moitié du pays et les lois anti-juives se durcissent. La jeune mère et les siens doivent se cacher ; ils se réfugient dans le Maine-et-Loire, vers Saumur.

A l’heure de la Libération, tous n’auront pas la vie sauve. L’attente commence boulevard Raspail devant le Lutetia pour la jeune femme enceinte, accompagnée de sa fille.

Catherine Clément nous livre un récit intime, dépeignant ses parents qui « excepté leur âge et leurs études, n’avaient rien en commun », elle juive et lui issu d’une famille catholique. En contrepoint des souvenirs de sa petite enfance, la chronique historique se déroule, implacable – les décrets des nazis, la collaboration de Vichy, la traque des Juifs et le zèle de certains préfets, la délation au village, les assassinats de masse ; mais aussi la protection par des voisins, des sœurs au couvent…

Une œuvre de mémoire, sensible et précise, et d’histoire pour un rappel brut des faits.

LE DEPISTEUR

Antoine Ozanam (Scénario) – Marco Venanzi (Dessin)

GLÉNAT, 56 pages

La France dans les années 50 , la guerre est terminée mais la mission de Samuel ne fait que commencer.

C’est un dépisteur qui sillonne inlassablement la campagne français, c’est un ancien scout juif qui recherche les enfants cachés pendant la guerre dans des familles d’accueil

On le retrouve dans le Lot sur les traces d’une fillette qui avait un an en 1942, la famille qu’il recherche a été dénoncée pendant l’occupation.Aux dires d’un paysan tout le monde a été exécuté, mais personne ne se souvient de l’enfant caché.

Ce sont des rencontres fortuites qui guident les pas de Samuel et son propre passé mais tout le monde semble avoir quelque chose à cacher…

Dans ce premier tome qui nous laisse …. sur l’envie de connaître très vite la suite on se rend compte que tous les secrets ne sont pas bons à déterrer.

Bonne lecture.

ALORS VINT LA LUMIERE

Lea GOLDBERG

H et O, 254pages

(première édition en 1946)

Lea Goldberg est très populaire en Israël ; elle fait partie des auteurs de poésie et de livres pour la jeunesse. Ce roman réédité fut le premier roman écrit par une femme, édité en Israël. Suivi d’une courte biographie écrite par Olivier Bosseau, on y sent  l’influence de la littérature russe, de Tchékov en particulier. Le personnage principal en est Nora, reflet de l’auteure.

Nora est en vacances dans la petite ville de son enfance, après un an d’études d’archéologie à l’université de Berlin. Elle y retrouve sa famille, ses relations, mais aussi l’atmosphère étouffante qu’elle avait fuie. Un personnage mystérieux, arrivé d’Amérique, ami de son père, fait son apparition ; Nora croit trouver en lui l’amour.

C’est en quelque sorte une vision romanesque de sa propre vie qui est mise en scène, bien que Lea Goldberg ait toujours refusé de parler d’autobiographie. Ce roman porte la marque de son temps, l’écriture est un peu datée, mais Nora, ses doutes, sa naïveté, sa fraîcheur, son goût pour la vie nous touchent par leur intemporalité.

RUSSES ET UKRAINIENS, LES FRERES INEGAUX du Moyen Age à nos jours

Andreas KAPPELER

CNRS éditions, 317 pages

Soirée au Centre Medem le 9 mai avec Denis Eckert (traducteur du livre)

Il est bien difficile de résumer le contenu de cet ouvrage historique, en raison des relations souvent équivoques entretenues par « les frères inégaux ». L’origine ambivalente de ces relations tenait à des problèmes ethniques, religieux, culturels, économiques qui remontent fort loin dans le temps.

Si l’on s’en tient à la période moderne, ce livre nous permet de comprendre que l’Occident a très longtemps ignoré cette partie de l’Europe orientale. Pour une raison simple : l’Ukraine était considérée comme une partie de l’Union soviétique, au même titre que les autres pays satellites, exception faite de la Pologne. Andreas Kappeler rappelle fort justement que les puissances occidentales craignaient le démantèlement de l’URSS (Kohl, Mitterrand et Bush).

De leur côté, les dirigeants russes (Gorbatchev, Eltsine) n’ont jamais envisagé une séparation de fait, même après avoir accordé l’indépendance en 1991 (Gorbatchev était même opposé à l’octroi de l’indépendance à l’Ukraine). Ils ont cru que l’Ukraine resterait dans le giron de la mère Russie. Or, les dirigeants ukrainiens (contrairement à la population) ont d’emblée établi une séparation véritable, un état de droit, une administration…

La population russe n’a jamais compris, encore moins admis cette fracture. En outre, si Poutine a repris le concept d’« empire russe » à son profit ce n’est pas seulement en raison de son passage au KGB : c’est aussi en raison de l’adhésion de la majeure partie de la population russe, unie à l’Ukraine de l’Est par une religion orthodoxe partagée. Les Ukrainiens étaient nommés « les petits Russes ». 2004 marque un tournant dans les relations entre les deux pays : c’est la révolution orange, place Maîdan. 2014 représente la première phase de l’envahissement de l’Ukraine : Poutine met la main sur la Crimée. L’Occident proteste verbalement, sans plus, laissant ainsi croire que l’Ukraine devrait se battre seule… On connaît la suite.

Dans sa conclusion, Kappeler rappelle que l’Ukraine n’a jamais renoncé à sa culture ruthène originelle, c’est-à-dire « la cosaquerie libre et égalitaire », page 278 ; que de son côté, la Russie post-soviétique n’a jamais accepté la perte de sa zone d’influence. Pour la première fois depuis longtemps, l’Ukraine est indépendante et se tourne vers l’Ouest. Il est temps pour les Occidentaux de l’aider à trouver sa place parmi les nations démocratiques. Il est temps pour la Russie de l’accepter.

HISTOIRE, MEMOIRES ET REPRESENTATIONS DES JUIFS D’ODESSA : un vieux rêve intime

Isabelle NÉMIROVSKI

Honoré Champion, 439 pages

Cet ouvrage, dense et exhaustif, retrace la vie de la population odessite, depuis la victoire de Catherine II de Russie sur les Turcs jusqu’à la fin du siècle dernier.

C’est en 1794 que la tsarine fonde la ville, sur les restes d’un village turc : Khadjibeï et de son fortin. Idéalement situé d’un point de vue russe, Odessa représente à la fois le « SUD » si attractif, et l’ouverture sur la mer. Dès l’origine, son éloignement de la capitale a attiré non seulement des Russes, mais aussi des immigrants très divers, lesquels en ont fait une ville cosmopolite. On peut souscrire à l’affirmation de l’auteur en faisant une ville quasi indépendante, voire rétive, dans laquelle règne une tolérance inconnue du monde russe.

Les juifs trouvent là un lieu propice à leurs aspirations de liberté et d’activité, si bien que la population juive grandit régulièrement et monte dans l’échelle sociale. L’apogée de cette réussite se situe à la fin du 19e siècle : les juifs se distinguent dans les banques, dans les arts et la culture : dans l’index figurent des noms très célèbres qui firent la gloire d’Odessa. Tant et si bien que cette ville acquiert progressivement le statut d’un mythe, surtout aux yeux de ceux qui en sont partis !

Ce livre très riche est captivant, même pour les lecteurs qui ne sont pas originaires de la ville : en effet, il retrace le parcours de tous ces juifs qui ont œuvré pour la gloire de leur ville, sans savoir qu’un jour, ils devraient la quitter, pourchassés à la fois par la Russie et par l’Allemagne nazie.

Odessa saura-t-elle se souvenir d’eux ?

SPIROU – L’ESPOIR MALGRÉ TOUT

Quatrième partie : UNE FIN ET UN NOUVEAU DÉPART

ÉMILE BRAVO  (Textes et dessins)

DUPUIS, 48 pages

Été 1944, la guerre est entrée dans sa phase finale avec la bataille de Normandie. Fantasio et Spirou assistent à l’explosion du train de soldats allemands (c’est l’écureuil Spip qui a appuyé sur le détonateur !) mais ne peuvent empêcher le départ du dernier convoi de déportés vers l’Est.

Dans Bruxelles en liesse avec l’arrivée des Anglais, c’est aussi l’heure des règlements de comptes : collaborateurs, certains policiers et prêtres délateurs, responsables scouts de la VNV (ligue nationaliste flamande), vrais résistants et résistants de la dernière heure…

Quelques mois plus tard, des déportés reviennent, méconnaissables, comme le directeur de l’hôtel maintenant en ruines. Kassandra, la fiancée de Spirou rescapée des camps, part finalement en Palestine où sera fondé un Etat juif. Felix et Felka ne sont pas revenus d’Auschwitz. (La page de fin reproduit l’impressionnant dernier tableau de Felix Nussman – Le Triomphe de la mort.)

Dans l’épilogue, la vie recommence. Les deux amis repartent à bicyclette vers l’aventure, Fantasio optimiste et blagueur, heureux d’être embauché au sein de nouvelle rédaction du journal et fier d’être proposé pour la Croix de guerre, Spirou plus soucieux quant à l’avenir : « La bête n’est pas morte ».

Ainsi se clôt la série consacrée à la Shoah. La fantaisie est toujours là sous la gravité et le tragique.

Le lecteur pourra se documenter sur des thèmes abordés au fil des volumes : les trois jeunes gens qui ont arrêté le convoi 20 du 19 avril 1943 et permis à des déportés de s’échapper ; le gouvernement en exil et l’attitude controversée de Léopold III ; la question de la colonisation du Congo belge…

SPIROU – L’ESPOIR MALGRÉ TOUT

Troisième partie : UN DÉPART VERS LA FIN

ÉMILE BRAVO  (Textes et dessins)

DUPUIS, 112 pages

Belgique, été 1942. Du train en partance vers la Pologne, Spirou parvient à sauter avec ses jeunes protégés, Suzanne et P’tit Louis, qu’il va cacher dans une ferme près de Namur.

Entre Bruxelles et la campagne, allers-retours à moto, vélo, camion de lait, automobile à gazogène, Spirou et Fantasio se dépensent pour aider des enfants juifs, ravitailler dans leur planque leurs amis Felix et Felka, trouver des faux-papiers, passer des armes… Ils poursuivent leurs spectacles de marionnettes (telles les tournées de Jean Doisy, directeur du Journal de Spirou, interdit par les Allemands, qui permettait à des résistants de voyager en Belgique occupée).

Les événements se succèdent au fil des mois : débarquement des Alliés en Afrique du Nord, défaite du Reich à Stalingrad, attentat contre Hitler, gouvernement belge en exil à Londres, débarquement en Normandie…

A la face sombre – tortures en prison, morts, lourds cas de conscience (tuer des collaborateurs, des soldats nazis) – répondent l’espoir toujours présent, les valeurs de fraternité du « code d’honneur », et l’humour, la loufoquerie de Fantasio, les clins d’œil (le peintre René Magritte croisé au marché). Les deux héros, bien incarnés, ressentent empathie, peine, émois amoureux, jalousie.

Le volume laisse le lecteur en plein suspense : Fantasio fera-t-il sauter le train « prioritaire » de déportés juifs vers l’est, qu’il pense être un convoi militaire allemand ?

* Le podcast très éclairant du commissaire de l’exposition Spirou dans la tourmente de la Shoah au Mémorial, D. Pasamonik, 2023, nous en apprend plus sur l’action des grands résistants belges Jean Doisy et Suzanne Moons (qui ont sauvé des centaines d’enfants juifs), sur les peintres Felix Nussbaum et Felka Platek assassinés à Auschwitz. « Toute la vertu d’É. Bravo est d’allier la fiction et la réalité, le tragique et le léger. Cette œuvre de transmission, qui décrit le processus génocidaire de manière non angoissante, est un support de dialogue pour expliquer la Shoah aux plus jeunes. »

Livres recommandés en mars – avril

UN SIMPLE ENQUÊTEUR

Dror MISHANI

Edition Gallimard

Prix des lecteurs de « ELLE »

Le commissaire Avraham Avraham bien connu des lecteurs (c’est le cinquième de la série) âgé de 44 ans jeune marié de surcroît est las d’enquêter sur des crimes domestiques dont la résolution ne rend service à personne.

Il informe son supérieur de son désir de quitter le commissariat de Holon afin d’être affecté dans une autre unité où il aura des missions plus importantes , ce dernier essaie de l’en dissuader en vantant ses grandes qualités d’enquêteurs mais Avraham reste inflexible

De retour à son bureau deux nouvelles affaires arrivent : il délègue celle qui lui semble la plus banale à une collaboratrice la découverte d’un bébé dans un sac à proximité de l’hôpital

C’est la disparition d’un touriste signalée par le directeur d’un hôtel du front de mer qui va retenir son attention

L’homme détenteur d’un passeport suisse est aussi détenteur d’un passeport israélien mais aussi d’autres identités.

On le retrouve noyé sur la plage, l’implication du Mossad commence à se profiler.

Tout porte à croire que Avraham tient sa grande enquête.

C’est là que se situe le talent de l’auteur et qui nous tient en haleine jusqu’à la fin du roman.

CE PAYS QU’ON APPELLE VIVRE

Ariane BOIS

Plon, 287 pages

Ariane Bois est grand reporter et aussi écrivaine. Dans ce roman, dont l’intrigue est secondaire, elle dresse le tableau de ce que fut la vie quotidienne des juifs apatrides et surtout étrangers enfermés dans le « CAMP DES MILLES » situé non loin d’Aix-en-Provence.

Réservé au départ aux hommes, ce camp « accueillera » aussi des femmes et leurs enfants de tous âges. Les conditions de vie y sont déplorables : administration rigoureuse, servile et sans scrupule, souvent inhumaine ; usine désaffectée à l’hygiène inexistante ; nourriture insuffisante ; inactivité démoralisante, etc…

Environ un millier d’hommes étrangers y survivent de 1939 jusqu’à 1942. Ils tentent d’y mener une vie communautaire basée sur leurs anciennes occupations : les acteurs présentent de courtes pièces de théâtre, les écrivains donnent des conférences très suivies ; les peintres tels Max Ernst sont aussi de la partie. Parmi ces derniers, un jeune satiriste nommé Léo Stein tombe amoureux d’une bénévole, Margot, déléguée d’une association d’entr’aide : en effet, le HICEM, l’OSE, Varian Fry ainsi que des bénévoles régionaux, apportent des secours au camp, et s’efforcent de leur trouver un pays d’accueil.

Le souvenir de ces camps de la honte s’estompe avec le temps. Ce « docu-roman » est le bienvenu.

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LE TABLEAU DU PEINTRE JUIF

Benoît SÉVERAC

MANUFACTURE LIV, 306 pages

Ce roman de Benoît Séverac est captivant.

Fin 1943, début 1944, Eli Trudel, peintre juif, et sa femme, doivent fuir en zone libre puis en Espagne via les réseaux de la Résistance du Sud de la France. Ils n’emportent avec eux que quelques affaires et les tableaux d’Eli.

De nos jours, Stéphane hérite d’un tableau qui est dans la famille depuis la Guerre. Cette aquarelle a été offerte par le peintre juif, Eli Trudel, à son grand-père, pour le remercier de lui avoir sauvé la vie et celle de sa femme. Stéphane n’a alors plus qu’une obsession : faire reconnaître son grand-père comme « Juste parmi les nations ». Il se rend à Jérusalem et présente la toile aux experts de Yad Vashem. Il est arrêté et placé en garde à vue : l’œuvre aurait été volée.

Relâché et de retour en France, il ne peut pas croire que son grand-père, résistant reconnu, ait pu voler le tableau. Il commence alors une enquête sur les traces d’Eli Trudel.

Au fil des pages, on en apprend beaucoup sur la résistance dans les Cévennes, la Haute Garonne, les filières des passeurs. Stéphane arrive jusqu’en Espagne et apprend ainsi que les juifs étrangers qui avaient réussi à passer la frontière étaient relativement épargnés par Franco qui ne voulait pas déplaire (en 1943) aux Allemands, tout en cherchant à s’assurer des bonnes grâces des Alliés en prévision de l’après-guerre.

On ne peut pas quitter ce roman, on a envie de découvrir ce qu’il s’est passé. Le tableau a-t-il été volé ou spolié ? Qu’est-il arrivé aux époux Trudel ?

Le roman se termine par un coup de théâtre sans doute pas comme on pouvait s’y attendre, et peut être même pas comme on l’aurait  souhaité…

SHIMON LE PARJURE : mes juifs de Damas

Moussa ABADI

éd. Du Laquet, 252 pages

Cet émouvant recueil nous raconte la vie des juifs de Damas. Il est difficile de le situer dans le temps. Ce qui est certain, c’est que ces petites aventures drôlatiques ont toutes lieu dans le ghetto. 1950 ?

Sous les yeux du Saint béni-soit-il, on se chamaille, on chaparde, on médit, on s’entr’aide aussi, le tout avec force générosité. Les petites gens sont les héros de ces historiettes qui nous font rire… La misère est omniprésente, mais tous acceptent leur sort. Pas de plainte, pas de larme…

L’auteur, lequel a « abandonné » son cher ghetto pour venir en France, fait revivre avec tendresse le Damas de son enfance, la nostalgie au cœur. A la manière d’un grand conteur, il nous fait aimer cette population pieuse, laborieuse, pleine d’humour et d’une grande sagesse.

Très touchant recueil de nouvelles.

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