Livres de janv – fév 2024

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JUIFS EN POLOGNE – Quand la Pologne a cessé d’être une terre d’accueil 

Alexandra Subrémon

Le Bord de l’Eau, 210 pages

Préface Audrey Kichelewski; Postface Konstanty Gebert

Dans ce récit se croisent deux histoires : celle des parents de l’auteure – un jeune couple qui parvient à s’échapper du ghetto de Varsovie, est déporté dans un camp de travail en Allemagne, et en 1945 revient à Varsovie, croyant à un avenir meilleur dans la Pologne communiste – , et l’histoire propre de l’auteure, née en 1947 à Strasbourg où sa mère est quelque temps employée au consulat de Pologne, à qui on n’a rien dit de ses origines juives. 

Lorsqu’Alexandra a 20 ans, la famille est confrontée en Pologne à la brutalité de l’antisémitisme d’État : interrogatoires, parents licenciés. Les Juifs quittent massivement le pays. L’auteure est envoyée en France pour poursuivre ses études de droit. 

Cinquante ans après avoir quitté la Pologne, elle y retourne en quête de documents archivés. Elle s’attache également à comprendre les Mémoires de son père. 

Un témoignage d’une grande force et une réflexion nourrie de recherches historiques et de faits actuels. Une autobiographie dans un contexte plus global de la présence juive en Pologne depuis des siècles.

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LA VENGEANCE DE FANNY

Yaniv Iczkovits

Gallimard, 509 pages  

Traduit de l’hébreu par Jérémie ALLOUCH

Lauréat du prix AGNON

Dans un shtetl de l’Empire russe, à la fin du 19e siècle, Mendé, épouse et mère de famille, est désespérée par le départ de son mari pour la grande ville de Minsk. Sa sœur Fanny – dite di wilde khayeh (la bête sauvage), car fille de boucher elle manie divinement le couteau – entreprend de retrouver son coquin de beau-frère : elle laisse mari et enfants au milieu de la nuit, passe le fleuve sur la barque de Zizek le taiseux, qui l’accompagnera dans son périple.

Commence une aventure menée à un rythme endiablé, où se croisent malfrats, marginaux, aubergistes, prostituées, soldats ; les fuyards seront poursuivis par la police secrète du tsar.

L’auteur construit une épopée haletante aux personnages drôles et touchants. Avec humour, ce récit parsemé de mots yiddish dépeint une héroïne intrépide, maligne, bravant tous les dangers, tout en restant sensible et humaine.

Au passage injustices et situations absurdes sont dénoncées : misère, violences antisémites, despotisme, procès tronqués, garçons juifs enlevés pour être enrôlés dans l’armée, épouses abandonnées sans le get – l’acte de divorce religieux sans lequel elles ne peuvent se remarier…

L’éclatant talent de conteur d’Iczkovits, né en 1975, rappelle de grands romans de la littérature : les héros picaresques de Rabelais et de Cervantes, ceux pleins de verve de Mark Twain, de Sholem Aleykhem ou I. B. Singer. Mais changement d’époque avec une héroïne au centre de cette odyssée !

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TOUT LE MONDE N’A PAS LA CHANCE D’AIMER LA CARPE FARCIE

Élise Goldberg

Verdier, 160 pages

Élise Goldberg nous offre un premier roman qui explore ses origines familiales à travers la cuisine ashkénaze.

Un grand-père meurt. Une petite-fille récupère son frigo et l’installe dans sa cuisine. La porte à peine ouverte, nous franchissons la frontière de la Pologne juive, et c’est un monde qui se découvre, un monde de foies de volaille, d’ »ognonnes », de gefilte fish, de carpe farcie, de tsibèlès mit eyer, gehakte leybèr, a stykèlè keyz kikhn, knaydlekh, fiss ou galekh, kreplekh ou kroupnik, klops, lokshn kouguel, kashè, shmalts herring, hallah, tshoulnt…

Un vrai régal de saveurs culinaires ashkénazes.

Mais ne vous y trompez pas, ce livre n’est pas énième livre de recettes traditionnelles. C’est une boussole, une horloge à remonter le temps, des souvenirs d’enfance, le yiddish de nos parents, celui qu’on ne peut oublier : shmattè, shayn maydalè, shlémil, shlimazl, shlèpper, schnorrèr, shmattè, khoutspè, pilpoul

Ce livre parle de yiddish, de nourriture, de souvenirs et de transmission ! Super moment avec ce livre.

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TU LA RETROUVERAS

Jean Hatzfeld

Gallimard, 208 pages

Pendant l’hiver 1944-1945, deux fillettes : Scheindel, juive et Izeta, tzigane, se sont réfugiées dans le zoo de Budapest en ruine où les animaux, affamés sont laissés à l’abandon.

Débrouillardes et vives, toujours en alerte, elles se donnent pour mission d’organiser la fuite des girafes, zèbres et autres résidents du zoo, hors de la ville tenue par les nazis et encerclée par l’Armée rouge.

Des années après la guerre, Scheindel retourne à Budapest à la recherche de son amie Izeta…En 1995, à Sarajevo, elle poursuit toujours l’ombre d’Izeta…

Malgré cette triste période de guerre, ce roman reste émouvant et plein de vie.

Livres recommandés en nov – déc

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LA FAUTE

Alessandro Piperno

Liana Levi, 462 pages

Les précédents romans de l’auteur faisaient un portrait décapant de la bonne société juive italienne. Dans ce nouveau roman, il s’agit de tout autre chose :  le narrateur, parvenu à la cinquantaine, auteur de plusieurs livres, revient sur cette faute qu’il traîne comme un boulet. Comme une faute originelle qui l’a entraîné dans une vie faite de mensonges et d’imposture :

Fils unique né chez un couple désassorti, il est élevé dans l’ignorance totale de la vie antérieure de ses parents qui ne s’entendent plus. Son père est une sorte de raté dépensier mais aimant et gai ; sa mère, professeure de lycée, silencieuse, soucieuse de la bonne éducation de son fils. A court d’argent en permanence, ils survivent très difficilement, jusqu’au jour où ils reçoivent une invitation inattendue. Ils sont invités au seder par la famille de sa mère, les Sacerdoti. C’est une famille patricienne juive menant un grand train de vie, dans la Rome des beaux quartiers, sous la houlette d’un oncle Gianni patriarche très grand seigneur. Le narrateur, introverti, réservé et mal à l’aise découvre ainsi tout un pan de la vie de sa mère : elle a épousé un « goy » impécunieux, se faisant ainsi rejeter par sa famille.

Cet épisode marque l’entrée dans une autre vie pour le narrateur : en effet, la mort subite de sa mère (crime ou suicide), l’emprisonnement de son père déclaré coupable, font de lui un orphelin. Recueilli par l’Oncle Gianni, sa vie bascule. Commencent alors des années de jeunesse insouciantes ; il parvient à évacuer de son esprit sa vie antérieure, se faisant passer pour un autre, profitant de la générosité de son oncle.

Le narrateur a entrepris là une mise à nu difficile : « là où l’on juge, il n’y a pas de justice ». Cette citation de Tolstoï précède le premier chapitre. Le narrateur nous demande-t-il de ne pas juger l’enfant qu’il était ? Mais on ne juge pas un enfant. Difficile pourtant de comprendre pourquoi ce jeune adulte n’a pas eu le courage de rendre visite à son père, emprisonné durant trois ans avant d’être réhabilité ! L’on comprend mieux le dialogue imaginaire qu’il entretient avec sa mère défunte. Les dernières pages au cours desquelles il retrouve son seul et vrai amour montrent à quel point il s’est enfermé dans un monde intérieur très éloigné de la réalité.

Excellent roman.

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DUEL A BEYROUTH

Mishka Ben David

Nouveau monde, 354 pages

Ecrit par un ancien du Mossad, ce roman d’espionnage nous donne une vision nuancée de tous ces acteurs de terrain : leur courage, leur abnégation, mais aussi leurs échecs et leurs doutes. Le rôle de chacun des agents est formaté selon leurs capacités physique et mentale.

Lors d’une attaque contre un chef du Hezbollah vivant à Beyrouth, Ronen, chargé de le tuer, retient son geste. L’expédition finit donc par un échec ; au retour, des interrogatoires serrés finissent par faire porter l’entière responsabilité sur Ronnen. Celui-ci tombe dans un état de rage et désir de revanche : sans la moindre autorisation, il repart à Beyrouth pour « finir le travail ». Son supérieur et ami, Gadi, part à sa recherche.

Dans ce roman, l’espionnage et la vie de famille ne font pas bon ménage, mais les deux femmes impliquées sont remarquables de sang-froid, de finesse et d’une aide sans faille à l’égard de leurs maris.

Haletant, truffé de détails sur la vie de terrain et très intéressant.

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LA BALLADE DU ROCHER DE PETRA

Mendel Mann

52 pages, ill. à l’encre, 1965

Mendel Mann est un classique de la littérature yiddish, oublié de nos jours. Nous avons reçu en don ce bel album qui contient une nouvelle illustrée par Georges Goldkorn (quel beau nom !).

Au cours d’un voyage en Israël, Mendel ne peut s’empêcher de porter un regard mélancolique sur lui-même, comme si ce vieux pays qu’il arpente faisait peser sur lui le poids de son histoire. Il voit des arbres en souffrance et souffre avec eux : ont-ils un futur ? Il erre sans répit et sans but dans le Néguev. La chance lui sourit en lui faisant rencontrer deux chercheurs jeunes et pleins d’assurance. Leur présence le revigore et, pendant qu’ils font des explorations, il va, dans une profonde rêverie, partir à la découverte du Rocher de Pétra.

Les illustrations à l’encre sont en parfaite adéquation avec sa nostalgie et sa mélancolie. C’est un texte émouvant derrière lequel nous devinons des douleurs cachées ; seule, une biographie détaillée pourrait nous en fournir la clé.

Très beau texte et ill.

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Le CHÂTEAU DES RENTIERS

Agnès Desarthe

L’Olivier, 216 pages

Si on devait résumer ce livre, ce serait un livre autobiographique sur la vieillesse… et ce serait rébarbatif. En fait, on pourrait comparer ce livre avec une poupée Russe que l’on ouvrirait comme le temps qui passe.

L’auteur relate l’acquisition par ses grands-parents d’un appartement rue du Château des Rentiers où ils vivent entourés par leurs amis Bessarabiens comme eux dans des appartements voisins. Donc à l’aube des ses 60 ans Agnès Desarthe décide de créer un phalanstère pour recréer avec des amis un endroit pour leur vieillesse.

Mais c’est l’occasion pour elle d’ouvrir une autre boîte : ces péripéties avec son Alter Ego, sa visite à la banque pour avoir un prêt et réaliser son projet. Ne vous y trompez pas les chapitres vont vous paraître décousus, mais vous allez y trouver l’histoire de sa famille maternelle, l’accent du yiddish (pas de « u » en yiddish soit « i », soit « ou » et ça devient : un peï, l’hile, la kisine…) la table en formica jaune, la recette du gâteau aux noix de sa grand-mère, ses souvenirs de jeunesse, la chanson si familière « les yeux noirs », le temps qui passe et bien d’autres choses encore.

L’auteur aborde avec une intelligence et une délicatesse qui n’appartiennent qu’à elle le thème du temps qui passe.

YIDDISH Paris : staging nation and community in interwar France

Nick Underwood

Indiana University Press, 254 pages, index.

C’est avec beaucoup de curiosité et d’intérêt que nous avons lu ce livre très bien documenté : en effet, il dresse un tableau des défenseurs du yiddish à Paris, durant l’entre-deux guerres. Il montre l’activisme (dans le bon sens du terme) des organisations juives de Paris, très nombreuses à cette époque. Ce sont surtout les militants de la gauche qui se sont illustrés avec constance, au milieu de la montée des périls ; les querelles politiques au sein de la gauche, comme par exemple la prise en main de la Kultur Lige par le parti communiste, ont fait réagir vigoureusement le Bund : il s’est rapproché des instances opposées au communisme, y gagnant une place plus importante.

Pour nous, c’est bien entendu cette partie du livre qui est la plus importante. Elle nous rappelle d’où nous venons, donnant ainsi encore plus de sens à notre engagement.

Assez facile à lire en anglais.

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