Boycotte du salon du livre de Turin

A propos du boycotte du salon du livre de Turin

Refuser de lire un livre, boycotter un ensemble d’écrivains, marquer sa désapprobation d’une politique en pénalisant les écrivains de cet Etat, cela a-t-il un sens ? C’est la question que je pose en ces jours où une association d’écrivains arabes a lancé une campagne de boycotte du prochain salon du livre de Turin qui aura lieu à partir du 8 mai du fait que l’invité d’honneur de cette foire sont les écrivains israéliens. Le texte dit « qu’on ne peut pas célébrer un Etat qui pratique l’homicide et la destruction ». Tariq Ramadan, l’intellectuel musulman, ancien conseiller de Tony Blair, est entré dans la polémique pour affirmer qu’il est « clair qu’on ne peut rien approuver de ce qui vient d’Israël » (La Repubblica 2 février 2008).

Le Parti communiste italien a demandé d’étendre l’invitation aux écrivains Palestiniens. Le directeur du salon, Ernesto Ferrero a assuré que le salon « garantira pleine dignité à la culture palestinienne ». En dehors de ces prises de position, je refuse, quant à moi de tout confondre et tout mélanger.

Je suis en train de lire le dernier roman d’Amos Oz « Vie et mort en quatre rimes », et j’ai mis de côté celui d’Amir Gutfreund « Les gens indispensables ne meurent jamais » pour le lire aux prochaines vacances car il fait 500 pages. Si je comprends bien la logique de ceux qui lancent une campagne de boycotte du prochain salon du livre de Turin, il faudra que je jette ces deux livres et peut-être même les brûler. Pourquoi ? Parce qu’ils sont écrits par des Israéliens. Du même coup, le public israélien devrait lui aussi jeter mes livres traduits en hébreu et les condamner à l’exil. On pourrait continuer ce petit jeu et empêcher par exemple que les poèmes du palestinien Mahmoud Darwish ne rentrent pas dans les librairies et maisons israéliennes. Ce serait une guerre contre la culture d’où qu’elle vienne. Cela est contraire à l’esprit de la civilisation arabe et ne pourrait produire que des catastrophes, élever le mur de l’incompréhension, de la peur et de la haine.

Il faut bien distinguer les choses : la politique d’un État n’est pas assimilable à la production littéraire des écrivains de cet État. Je suis parmi ceux qui critiquent le plus durement la politique israélienne d’occupation et je ne confonds pas M. Olmert avec M. Oz, M. Grossman ou M. Gutfreund. Je peux aussi ne pas aimer tel ou tel ouvrage. Cela n’a rien à voir avec le pays d’origine de celui qui l’a écrit.

Boycotter le salon du livre de Turin n’a pas de sens. Un peu partout dans le monde des écrivains israéliens rencontrent des écrivains arabes et palestiniens. Leur dialogue n’est pas celui de leurs Etats. Ils discutent, peuvent même se disputer mais le boycotte est un aveu de faiblesse, une façon de généraliser le fanatisme et même de donner à l’Etat d’Israël des arguments pour se présenter non pas comme occupant des territoires palestiniens, mais comme victime.

Les Palestiniens n’ont pas besoin de cette petite guerre qui n’arrangera pas leurs espérances. Le peuple palestinien a besoin de justice, a besoin d’un Etat viable, dans des frontières sûres et reconnues. Il n’a que faire de ce boycotte au moment où des négociations ont lieu, même si elles n’aboutissent pas à des résultats satisfaisants. Il faut en finir avec ces réflexes d’un autre âge et admettre qu’il y aura deux États, côte à côte, Israël et la Palestine. Tôt ou tard, ces deux peuples parviendront à une coexistence. Ils sont tous les deux fatigués et veulent vivre dans la paix. Les attaques quasi quotidiennes des populations de Gaza sont inadmissibles, car ce sont des familles qui sont pénalisées à cause de leurs dirigeants. En tout cas ce n’est pas le boycotte du prochain salon du livre de Turin qui ouvrira le chemin de la paix et de la réconciliation. Critiquer la politique d’un État. Critiquer un roman sur le plan littéraire. Tout cela est possible. Mais surtout ne pas confondre les deux choses et susciter par là davantage d’incompréhension. Cela ne servira que les intérêts des marchands d’armes.

Soirée des 30-50 ans

En ce froid mois de janvier, venez vous réchauffer

dans la grande salle du Centre Medem.

Musique Klezmer, « glouz taî »
(verre de thé) et gâteaux à gogo.

Animation assurée par les dynamiques klezmers
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« Shtetl Stompers »

et leur invité exceptionnel Alexis Kune.

Ambiance dansante et chaleur assurées. P.a.f.

LAICITE




Première question

CINQ QUESTIONS À NICOLAS SARKOZY

 

 

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Première question. Les humanistes athées doivent-ils jouir des mêmes droits que les croyants ?

Dans votre livre sur la République et les religions, vous accordez un privilège à l'option religieuse. Selon vous, en dehors de celle-ci, il ne serait pas possible de donner à la conduite de l'existence les repères de sens dont elle a besoin. Sartre l'athée et Camus l'agnostique devaient donc être perdus devant les problèmes de la vie...

Et Bertrand Russel, qui écrivit "Pourquoi je ne suis pas chrétien" devait se trouver démuni devant les questions éthiques. Ne pensez-vous pas que celui qui ne croit pas au ciel a de quoi être blessé par votre préférence ? Honoré d'Estienne d'Orves, catholique résistant, méritait-il davantage de considération que Gabriel Péri, athée résistant ? Tous les deux tombèrent sous les balles des nazis. Vous connaissez le mot du poète. "Celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas, qu'importe comment s'appelle cette clarté sur leurs pas, que l'un fût de la chapelle et l'autre s'y dérobât " (Louis Aragon, La Rose et le Réséda).

 

Deuxième question. Quelle égalité s'agit-il de promouvoir ?

Vous dites vouloir l'égalité des religions entre elles, et pour cela vous envisagez de construire sur fonds publics des lieux de culte, notamment pour permettre aux citoyens de confession musulmane de compenser leur déficit en la matière par rapport aux catholiques, qui jouissent d'un usufruit gratuit des églises construites avant 1905, même si cet usufruit, par "affectation spéciale" est limité aux seuls moments de pratique religieuse.

Vous ne demandez pas le même financement pour des maisons de la libre-pensée ou des temples maçonniques. Êtes-vous donc partisan de la discrimination entre les citoyens selon les options spirituelles dans lesquelles ils se reconnaissent ?

L'égalité républicaine se réduirait-elle pour vous à l'égalité des divers croyants, à l'exclusion des humanistes athées ou agnostiques ? Parler en l'occurrence de "toilettage" de la loi de séparation de 1905 est un euphémisme trompeur. Rétablir le financement public des cultes, c'est raturer un des deux articles de cette loi, inscrits sous la rubrique "Principes". "La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte"

 

Avouez que renoncer à un principe sur deux, c'est plus que "toiletter" la loi. C'est l'abolir.

 

On ne peut en l'occurrence assimiler l'entretien du patrimoine historique et artistique constitué par les édifices du culte légués par l'histoire, et laissés en usufruit partiel aux associations cultuelles, à une règle de financement. Dans un état de droit, aucune loi n'est rétroactive. Depuis le premier Janvier 1906, toute construction d'un nouveau lieu de culte est à la charge des seuls fidèles, quelle que soit la religion en jeu. Telle est la règle, et les entorses trop fréquentes qui la bafouent ne sauraient pas plus faire jurisprudence que le fait de griller les feux rouges n'appelle leur abolition.

 

Troisième question. Quelle priorité pour les pouvoirs publics ?

Le rapport Machelon, qui a votre sympathie, utilise le concept de liberté de religion, pour permettre le glissement du "libre exercice des cultes", garanti par le premier article de la loi, à la nécessité supposée de financer les cultes. Joli jeu de mots et vrai tour de passe-passe, qui risque de tromper. En République, seul l'intérêt général, commun à tous, portant sur les biens et besoins de portée universelle, mérite financement public.

 

Or la religion n'est pas un service public, comme l'instruction, la culture ou la santé. Elle n'engage en effet que les fidèles, c'est-à-dire une partie des citoyens seulement.

 

La puissance publique, dont les fonds résultent des impôts payés par des athées autant que par des croyants, n'a donc pas à financer les cultes, pas plus qu'elle n'aurait à financer la diffusion de l'athéisme. En convenez-vous ? La question est grave, à l'heure où l'ultralibéralisme économique entend dessaisir l'État de son rôle social, et soumettre à la loi du marché les services publics préalablement privatisés.

L'État, jugé trop pauvre pour assurer les finalités sociales des services publics qui concernent tous les citoyens (éducation, culture, santé, accès à l'énergie et à la communication) serait donc assez riche pour financer l'option religieuse qui pourtant n'en concerne que certains. Voulez-vous sacrifier l'universel sur l'autel du particulier ? Nos hôpitaux manquent de moyens, notre école publique également. Révoltant paradoxe.

 

Briser la laïcité en même temps que les services publics. Et faire passer cette régression par le supplément d'âme d'un monde sans âme, alliant le baume communautariste et le privilège public des religions. Jean Jaurès et Aristide Briand, préparant la Loi de séparation de 1905, savaient qu'en supprimant le budget des cultes ils ne faisaient pas qu'abolir un privilège : ils transféraient à l'État des ressources publiques bienvenues pour ce qui est d'intérêt commun. Les retraites ouvrières, en gestation, n'allaient-elles pas être attribuées aux travailleurs croyants comme aux athées, permettant aux premiers de se cotiser plus aisément pour financer eux-mêmes leurs lieux de culte ?

 

Quatrième question. Quelle conception de la lutte contre le fanatisme ?

Vous dites vouloir éviter les interventions étrangères, notamment les financements venus de pays peu respectueux des valeurs républicaines et démocratiques. Et vous affirmez qu'en payant on pourra mieux contrôler. Fausse évidence. Car enfin quel lien juridique y a-t-il entre le financement et un droit de regard sur les propos des responsables religieux dans les lieux de culte ?

Il ne peut exister que par le rétablissement d'une démarche concordataire, c'est-à-dire anti-laïque. Napoléon avait fait le concordat de 1801 en assortissant le financement public des cultes d'allégeances obligées des autorités religieuses à son pouvoir. Le catéchisme impérial de 1807 a radicalisé ce système assez humiliant pour les croyants, puisqu'en somme il les achète. Dans une république laïque, il ne saurait y avoir d'allégeance assortie de privilège. Veut-on imposer une orthodoxie aux religions ? Qui ne voit le caractère infaisable, et irrecevable d'une telle perspective ?

Seule une loi commune à tous doit dire le droit. Elle proscrit par exemple toute violence, toute discrimination entre les sexes, toute entrave à l'exercice de la médecine. Un pasteur ou un curé incitant des commandos à perturber les interruptions volontaires de grossesse, comme on l'a vu en Amérique, tombe sous le coup de cette loi. De même un imam qui inciterait à battre la femme adultère.

Bref, il n'est pas nécessaire de payer pour contrôler. Seul vaut l'État de droit. Et ce qui importe n'est pas la nationalité d'un imam, mais son respect des lois républicaines.

Ne nous trompons pas de combat. Ce n'est pas l'étranger comme tel qui pose problème à la République, mais celui qui entend s'affranchir de la loi commune pour lui substituer sa loi particulière, qu'elle soit religieuse ou coutumière.

 

 

Cinquième question. Que reste-t-il de la laïcité, et de la République, si on rétablit un financement discriminatoire ?

La République n'est pas une juxtaposition de communautés particulières. Il n'y a pas en France cinq millions de "musulmans", mais cinq millions de personnes issues de l'immigration maghrébine ou turque, très diverses dans leurs choix spirituels. Une enquête récente dont Le Monde s'est fait l'écho, précise que seule une petite minorité de cette population fréquente la mosquée, la majeure partie faisant de la religion une affaire privée, ou ne se référant à l'Islam que par une sorte de solidarité imaginaire. Dès lors, la République doit-elle renoncer à la laïcité pour satisfaire cette minorité, ou concentrer les deniers publics sur la redistribution par les services publics, la gratuité des soins, le logement social, ou la lutte contre l'échec scolaire, qui concernent à l'évidence tous les hommes, sans distinction de nationalité ou de choix spirituels ?

N'est-ce pas le devoir des hommes politiques d'expliquer qu'en assurant des missions de service public profitables aux croyants comme aux athées, et en luttant contre tous les types de discrimination, que l'État facilite aux uns et aux autres le financement volontaire de la conviction de leur choix ? Il est évidemment essentiel, dans cet esprit, de permettre aux croyants l'acquisition des terrains qu'ils financeront, et toute discrimination foncière doit être combattue. Le prétexte invoqué pour l'abolition de la Loi de séparation laïque de 1905 -car il s'agit bien de cela- est l'aide à apporter aux citoyens de confession musulmane. Or la promotion du bien commun à tous, et non la prise en charge publique de la religion, est la meilleure réponse au problème soulevé. C'est aussi la seule légitime.

 

On sait bien qu'en république on ne peut accorder des droits aux uns sans les étendre à tous. La construction de mosquées sur fonds publics appellerait aussitôt celle de nouvelles églises, de temples, ou de synagogues.

 

Et si l'on brouille la frontière pourtant nette entre le culturel et le cultuel, comme le propose le rapport Machelon, on parachève le démantèlement de la loi.

 

Est culturel ce qui peut intéresser tous les hommes, comme l'art religieux ou les mythologies, qu'éclaire une approche laïque. Est cultuel ce qui réfère à la croyance religieuse de certains. Les mots ont donc un sens, et tout glissement visant à confondre ce qui est distinct est une malhonnêteté.

Cela s'appelle du détournement des deniers publics. Veut-on obtenir le rétablissement du financement indirect du culte en utilisant le financement direct de la culture ? Ce tour de passe-passe relèverait de la sanction légitime de la Cour des Comptes, comme la discrimination donnant plus de droits aux croyants qu'aux athées appellerait un recours devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

Nulle polémique, Monsieur le Ministre, dans de telles interrogations, mais l'inquiétude vive d'un républicain qui n'est pas décidé à admettre de nouveaux empiètements programmés contre la laïcité. À l'heure où les communes de France croulent déjà sous des charges indues, comme les nouvelles obligations à l'égard des écoles privées, l'abolition des lois laïques serait très mal vécue. À l'heure où certains parlent de rétablir le délit de blasphème, à contre-courant des grandes conquêtes de l'esprit de liberté, la conscience citoyenne ne peut que s'insurger.

Rassurez-nous, Monsieur le Ministre. Dites clairement qu'il n'est nullement dans votre programme de dresser certains citoyens contre d'autres en donnant aux uns des privilèges qui n'avouent pas leur nom, et qui spolient le bien public tout en stimulant le communautarisme. Et ne dissimulez pas ce projet de délaïcisation sous la rhétorique ressassée des "évolutions nécessaires". Vous savez bien que la seule question qui vaille n'est pas de savoir si une chose est ancienne ou nouvelle, mais si elle est juste ou non. En bref ne brisez pas ce que bien des peuples nous envient. Car l'idéal laïque est un vecteur d'égalité comme de liberté, une source de fraternité. Pourvu qu'il aille de pair avec la justice sociale, il répond au grand défi de notre époque : partager un monde commun à tous.

 

Henri Pena Ruiz

conférencier et professeur de philosophie à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris.

 

 

IRAN

Le désarroi face au nucléaire iranien

édition du Monde du 22.01.08

 

Les ministres des affaires étrangères des pays traitant le dossier nucléaire iranien (États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Russie, Chine) doivent se réunir mardi 22 janvier à Berlin pour discuter de nouvelles sanctions contre l'Iran à l'ONU. L'Iran refuse toujours de suspendre l'enrichissement d'uranium. La diplomatie patine.

 

Si une troisième résolution de sanctions est votée -ce qui n'est pas acquis-, tout porte à croire que son contenu sera modeste. Le dernier train de sanctions remonte à mars 2007. Depuis, rien. La Russie et la Chine ne veulent pas entendre parler de mesures coercitives fortes.

L'idée de sanctions européennes supplémentaires contre l'Iran, prônée par Nicolas Sarkozy pour contourner les blocages à l'ONU, n'a pas non plus progressé. L'Europe n'a pris aucune décision concrète.

Il est possible que rien ne bouge avant le mois de mars, date des prochaines élections législatives en Iran. C'est aussi, grosso modo, le délai pour que le "plan de travail" élaboré entre Téhéran et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) soit mené à bien. L'objectif de ce plan est d'éclaircir des pans passés du programme iranien. La Russie et la Chine veulent lui donner une chance, gagner du temps, ne pas accabler l'Iran.

Le directeur de l'AIEA, Mohamed ElBaradei, s'est récemment rendu en Iran, où il a été reçu par l'ayatollah Khamenei, et a passé un accord. Son voyage semblait être un contre-feu au déplacement de George Bush au Proche-Orient. Le président américain a déclaré que l'Iran était une "menace pour la sécurité des nations" et le "principal parrain du terrorisme dans le monde". La diplomatie piétine aussi parce que, ces dernières semaines, l'administration Bush, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, se sont consacrés à réparer les dégâts causés par le rapport des agences de renseignement américaines, publié le 3 décembre 2007. La phrase la plus citée de ce rapport ("A l'automne 2003, l'Iran a arrêté son programme militaire nucléaire") a eu pour effet d'atténuer la perception de la menace et le sentiment qu'il y avait urgence à agir.

 

Pourtant, cette même phrase contenait un constat essentiel : elle établissait la nature militaire du programme.

 

L'Iran a toujours prétendu qu'il était pacifique. La Russie dit qu'elle n'a jamais vu de preuve du contraire. L'AIEA n'a pour sa part jamais formulé d'avis sur ce point, se disant incapable de trancher, faute d'accès suffisant aux personnes, aux documents et aux sites.

En toute logique, si on se fie à ce rapport, le "plan de travail" de l'AIEA avec l'Iran ne devrait jamais aboutir. En effet, si l'Iran fait vraiment la transparence sur l'historique de son programme nucléaire, il apparaîtra à un moment donné que le programme visait la fabrication de l'arme nucléaire. Terrible aveu, auquel Téhéran pourra difficilement se résoudre.

La France, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont affirmé que rien dans le rapport américain ne permettait de minimiser le danger émanant de l'Iran. Tant que l'enrichissement d'uranium continue - c'est le volet le plus difficile du programme nucléaire, à usage dual, civil ou militaire -, tous les soupçons perdureront.

Mais un autre élément contenu dans le rapport suscite de vives inquiétudes, qui ne sont guère exprimées publiquement par les responsables occidentaux. Il s'agit de la mention d'activités d'enrichissement d'uranium qui seraient restées clandestines, distinctes de celles qui ont été découvertes en 2002 à Natanz, au sud de Téhéran.Cela avait déjà été évoqué en novembre 2007, dans le dernier rapport de M. ElBaradei. Or voilà que, selon le renseignement américain :

 

"Pour la production d'uranium hautement enrichi destiné à une arme (nucléaire), l'Iran utilisera probablement des installations clandestines plutôt que ses sites nucléaires déclarés."

 

Où sont ces installations restées secrètes à ce jour ? S'agit-il des expérimentations faites sur des centrifugeuses P2, de "deuxième génération", livrées clandestinement à l'Iran en provenance du Pakistan ? A quel point l'utilisation d'une telle technologie accélérerait-elle l'acquisition de matière fissile suffisante pour faire une bombe ou atteindre le seuil militaire nucléaire ?

L'AIEA n'est pas en mesure de répondre. Depuis deux ans, elle a été privée par le régime iranien de la possibilité d'effectuer des inspections larges et inopinées. Elle a reconnu que sa connaissance du programme est allée "en décroissant".

Ces derniers mois, les signes d'enlisement du dossier se sont accumulés. Le processus des sanctions internationales apparaît en panne. L'administration américaine est affaiblie. Elle a donné à ses alliés, en Europe et au Proche-Orient, l'impression d'être désorientée, prise de court par le rapport de ses propres agences. Celui-ci relèverait d'un règlement de comptes entre responsables américains, après les manipulations d'informations qui ont conduit à la guerre en Irak, en 2003.

C'est dans ce contexte embrouillé que deux événements militaires se sont produits. Le 6 septembre 2007, l'aviation israélienne a bombardé un site en Syrie où, selon les Américains, se construisait une centrale nucléaire de type nord-coréen. Le 6 janvier 2008, des navires américains appareillant dans le détroit d'Ormuz étaient "provoqués" par des vedettes des Gardiens de la révolution iraniens.

Le rapport du renseignement américain, par son impact, a sans doute écarté le scénario d'une action militaire américaine contre l'Iran. Mais c'est désormais la possibilité d'une initiative israélienne qui est mentionnée. "Nous n'écartons aucune option", a dit le premier ministre, Ehoud Olmert, le 14 janvier.

 

"Le danger d'une guerre existe", a déclaré mi-décembre Nicolas Sarkozy au Nouvel observateur, "les Israéliens considèrent que leur sécurité est vraiment menacée".

 

La France vient d'annoncer la création d'une base militaire à Abu Dhabi, face à l'Iran. George Bush a menacé l'Iran de "conséquences sérieuses" si des navires américains étaient "attaqués" dans la région. L'enjeu semble être de faire croire à l'Iran que l'usage de la force n'est pas écarté.

Le régime des mollahs, tout en étant agité de divisions, ne cède toujours rien. Il fait tourner ses centrifugeuses et attend qu'une nouvelle administration s'installe à Washington. Le temps qu'il reste avant qu'il ne franchisse la ligne rouge de la maîtrise technologique d'une capacité militaire demeure une inconnue fondamentale.

Natalie Nougayrède

Iran

———

jpg_tertrais_3.jpgAttendue depuis plusieurs mois, la publication du rapport de la communauté américaine du renseignement sur le programme nucléaire iranien est, si l’on ose dire, une petite bombe, dont les effets politiques et diplomatiques vont être considérables. Mais ce rapport est en fait beaucoup plus inquiétant qu’il n’y paraît.

D’abord, deux bonnes nouvelles.

La première est que la communauté américaine du renseignement vient de faire la preuve de son indépendance : dire d’emblée que les activités militaires de l’Iran ont été interrompues fin 2003 ne va pas exactement plaire aux faucons de l’administration Bush, et en particulier au vice-président Cheney…

La seconde est que, de l’avis des espions américains, la stratégie de pression internationale est utile et fonctionne bien, puisque c’est elle qui aurait conduit à cette décision iranienne de 2003.
Malheureusement, le rapport ne s’arrête pas là, et nous dit ensuite beaucoup de choses inquiétantes.

Plusieurs points méritent d’être soulignés.

Premièrement, l’existence d’un programme parallèle, à vocation strictement militaire, depuis le milieu des années 1980, est confirmée pour la première fois.

Deuxièmement, personne ne sait si ce programme demeure suspendu ou s’il a repris : en effet, le rapport ne s’engage pas sur ce qu’il en est advenu après juin 2007, et dit par ailleurs que deux agences de renseignement ont des doutes sur l’arrêt complet de toute activité à visée militaire.

Troisièmement, l’on apprend, et c’est une vraie surprise pour tous les experts du dossier, que Téhéran aurait importé de l’étranger de la matière fissile de qualité militaire, sans que l’on sache ce que l’Iran a pu faire de cette matière fissile…

Quatrièmement, les spécialistes américains nous disent clairement qu’au minimum Téhéran veut maintenir une “option nucléaire”, c’est-à-dire se garder la possibilité à tout moment de faire une bombe atomique.

Cinquièmement enfin, la communauté américaine du renseignement est devenue un peu plus pessimiste sur le temps qu’il faudrait à l’Iran pour produire dans ses propres installations suffisamment d’uranium hautement enrichi pour fabriquer la bombe : alors qu’elle évoquait traditionnellement la période 2010-2015, elle n’exclut pas désormais que cela puisse arriver dès 2009.

Le problème nucléaire iranien reste donc entier, et tout cela devrait conforter la communauté internationale dans sa demande réitérée de suspension des activités d’enrichissement conduites par Téhéran. Car même en admettant que les activités strictement militaires de l’Iran soient encore dormantes, il faut rappeler ici que les installations “duales” – celles qui peuvent servir soit à des fins civiles, soit à des fins militaires – continuent de fonctionner…

Dans l’usine d’enrichissement de Natanz, en effet, les centrifugeuses P1 installées sont de plus en plus nombreuses, et commencent à fonctionner en cascade. Sans compter que le mystère demeure entier sur les centrifugeuses P2, plus modernes, dont l’Iran a acheté la technologie au Pakistan, et qui sont peut-être aujourd’hui testées dans une installation secrète.

Mais, paradoxalement, le problème est subitement devenu beaucoup plus difficile à régler. Car le premier effet politique de la publication du texte américain est de réduire à néant la perspective de nouvelles sanctions unanimes par le Conseil de sécurité.
Depuis mardi soir, la Russie et la Chine font savoir qu’il est absolument hors de question, dans ces conditions, de voter une nouvelle résolution à l’ONU.

Ainsi, alors même que la communauté américaine du renseignement nous dit que les pressions internationales ont fait preuve de leur efficacité, puisqu’elles auraient poussé l’Iran à interrompre ses activités militaires, pour un temps au moins, à la fin 2003, la conséquence de la publication de son rapport est de rendre désormais beaucoup plus difficile la poursuite de ces pressions…

A n’en pas douter, on doit se réjouir à Téhéran.

Le Monde. édition du 08.12.07.
Bruno Tertrais est maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, auteur d’Iran, la prochaine guerre (Editions du Cherche Midi, 2007).

Du Rififi au yiddishland

15 h

Table ronde sur les personnages juifs dans le polar

animé par Henri Sztanke avec la présence de:

Jérome Charyn

Thierry Jonquet

Guy Konopnicki

Maud Tabachnik

17 h

Inauguration à la Mairie du 3è arrt

de l’exposition suivi d’un cocktail sous la Présidence de Pierre Aidenbaum

L’après ANNAPOLIS

Rencontre – débat

« L’après ANNAPOLIS »

avec Vladimir SPIRO et Gérard AKOUN

Directeurs de la Radio Judaïques FM-94.8 Mhz.

Co-animateurs tous les vendredis matin de l’émission politique « Pleins feux »

A l’initiative du Président G.Bush, une conférence internationale sur le conflit israélo-palestinien était prévue à la fin du mois de novembre 2007 à d’Annapolis ( Maryland ), avec la présence espérée de ministres, du Quartette, de l’Union européenne, de l’ONU, des Etats-Unis et de Russie, ainsi que de certains pays arabes tels que l’Egypte, la Jordanie, le Koweït et même la Syrie.
Comment s’est déroulée cette conférence et quels en sont les résultats concrets ?

Au moment où s’édite ce programme on constate que ce sommet suscite de la part d’un certains nombre d’observateurs, un certain scepticisme, confortés par la situation de tension qui règne au Moyen- Orient : au Pakistan, en Irak, au Liban, à Gaza, sans parler de la problématique iranienne.

Les trois personnages-clés du sommet, G.Bush, E.Olmert, M.Abbas se trouvent dans une situation de grande faiblesse politique. Malgré les obstacles, souhaitons que Condoleezza Rice qui estimait que : « des chances raisonnables de succès existent » à Annapolis n’aura pas été démentie.
Quelles sont les chances de voir renaître, enfin, le processus de paix ?

Quelques semaines après Annapolis nos deux invités, V.Spiro et G.Akoun en tant qu’observateurs avisés, commentent les faits et s’efforcent de répondre aux questions abordées ensemble lors du débat.

Débat animé par Henri Bielasiak et Jacques Dugowson. P.a.f.

La cafétéria vous accueille de 19h à 20h.
La Bibliothèque du Centre Medem est ouverte à partir de 19h.

Du Rififi au Yiddisland

à compter du 15 janvier 2008

Mairie du 3 ème arrondissement

Exposition

« DU RIFIFI AU YIDDISHLAND »

« Le genre policier, tant décrié, est devenu protéiforme, c’est-à-dire d’une grande richesse. L’histoire du monde juif transparaît clairement et toutes ses facettes actuelles sont représentées, non plus seulement par des stéréotypes, mais par des êtres complexes, faits de chair et de sang. »
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Le 19 janvier à 15 heures

Inauguration de l’exposition

Table-ronde : « Les personnages juifs dans le polar »
animée par Henri Sztanke

avec
Joseph Bialot,Jérôme Charyn, Thierry Jonquet, Guy Konopnicki,Maud Tabachnik….. et bien d’autres surprises

sur le thème : « Les Juifs dans les polars. ».

Talila

Récital

Talila

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et ses musiciens :

Teddy LASRY au piano et à l’accordéon
Pierre MORTARELLI à la contrebasse
Joseph FARTOUKH , percussions

Nous retrouvons Talila et ses musiciens avec un plaisir toujours renouvelé,
où se mêlent avec talent voix, humour et tendresse, dans un répertoire aux multiples facettes.

Réservations auprès de Marie au 01 42 02 17 08

P.a.f..

Avant première:”Victimes contre bourreaux”

Avant première:

en présence de membres de l’équipe de réalisation et de Katy Hazan
historienne

Dans la collection documentaire “La Résistance” jpg_la_resistance.jpg

produite par Les Films de la
Croisade et Yami 2, en coproduction avec France 2 et France 5.

“Victimes contre bourreaux”

Documentaire de 52′, France 5 – un film de Christophe Nick et Patricia
Bodet.

Les communautés juives vivant en France ne se sont pas laissé faire,
contrairement à ce que beaucoup croient. Si les trois quarts des juifs ont
échappé à la déportation, c’est d’abord parce qu’ils ont résisté. Dès
l’arrivée des nazis à Paris, le 14 juin 1940, une coordination secrète
d’oeuvres caritatives juives se met en place sous le nom de comité Amelot.

Au début, ses animateurs souhaitent tout simplement venir en aide aux
populations persécutées. Ils vont très vite affronter les SS, les rafles, la
ségrégation et la spoliation. Leur attitude, “le refus d’obéissance”, va
petit à petit gagner une grande partie des organisations juives de France.

Des manifestations devant les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, à
la coordination avec les déportés de Drancy, de la fabrique de faux-papiers
à la création des filières de camouflage et de réseaux de sauvetage, c’est
l’improvisation dans l’urgence de la résistance des victimes à leurs
bourreaux.

Les historiens décrivent les mécanismes de la solution finale en France et
comment les organisations juives y ont fait face, le passage à des formes de
lutte de plus en plus radicales, clandestines et illégales. L’impact des
rafles de l’été 1942 sur la société civile française modifie en profondeur
l’attitude de l’ensemble du corps social. Les organisations juives peuvent
désormais utiliser le tissu social de la France profonde pour sauver les
juifs.

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