Livres de mars – avril 2023

UN SIMPLE ENQUÊTEUR

Dror MISHANI

Edition Gallimard

Prix des lecteurs de « ELLE »

Le commissaire Avraham Avraham bien connu des lecteurs (c’est le cinquième de la série) âgé de 44 ans jeune marié de surcroît est las d’enquêter sur des crimes domestiques dont la résolution ne rend service à personne.

Il informe son supérieur de son désir de quitter le commissariat de Holon afin d’être affecté dans une autre unité où il aura des missions plus importantes , ce dernier essaie de l’en dissuader en vantant ses grandes qualités d’enquêteurs mais Avraham reste inflexible

De retour à son bureau deux nouvelles affaires arrivent : il délègue celle qui lui semble la plus banale à une collaboratrice la découverte d’un bébé dans un sac à proximité de l’hôpital

C’est la disparition d’un touriste signalée par le directeur d’un hôtel du front de mer qui va retenir son attention

L’homme détenteur d’un passeport suisse est aussi détenteur d’un passeport israélien mais aussi d’autres identités.

On le retrouve noyé sur la plage, l’implication du Mossad commence à se profiler.

Tout porte à croire que Avraham tient sa grande enquête.

C’est là que se situe le talent de l’auteur et qui nous tient en haleine jusqu’à la fin du roman.

CE PAYS QU’ON APPELLE VIVRE

Ariane BOIS

Plon, 287 pages

Ariane Bois est grand reporter et aussi écrivaine. Dans ce roman, dont l’intrigue est secondaire, elle dresse le tableau de ce que fut la vie quotidienne des juifs apatrides et surtout étrangers enfermés dans le « CAMP DES MILLES » situé non loin d’Aix-en-Provence.

Réservé au départ aux hommes, ce camp « accueillera » aussi des femmes et leurs enfants de tous âges. Les conditions de vie y sont déplorables : administration rigoureuse, servile et sans scrupule, souvent inhumaine ; usine désaffectée à l’hygiène inexistante ; nourriture insuffisante ; inactivité démoralisante, etc…

Environ un millier d’hommes étrangers y survivent de 1939 jusqu’à 1942. Ils tentent d’y mener une vie communautaire basée sur leurs anciennes occupations : les acteurs présentent de courtes pièces de théâtre, les écrivains donnent des conférences très suivies ; les peintres tels Max Ernst sont aussi de la partie. Parmi ces derniers, un jeune satiriste nommé Léo Stein tombe amoureux d’une bénévole, Margot, déléguée d’une association d’entr’aide : en effet, le HICEM, l’OSE, Varian Fry ainsi que des bénévoles régionaux, apportent des secours au camp, et s’efforcent de leur trouver un pays d’accueil.

Le souvenir de ces camps de la honte s’estompe avec le temps. Ce « docu-roman » est le bienvenu.

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LE TABLEAU DU PEINTRE JUIF

Benoît SÉVERAC

MANUFACTURE LIV, 306 pages

Ce roman de Benoît Séverac est captivant.

Fin 1943, début 1944, Eli Trudel, peintre juif, et sa femme, doivent fuir en zone libre puis en Espagne via les réseaux de la Résistance du Sud de la France. Ils n’emportent avec eux que quelques affaires et les tableaux d’Eli.

De nos jours, Stéphane hérite d’un tableau qui est dans la famille depuis la Guerre. Cette aquarelle a été offerte par le peintre juif, Eli Trudel, à son grand-père, pour le remercier de lui avoir sauvé la vie et celle de sa femme. Stéphane n’a alors plus qu’une obsession : faire reconnaître son grand-père comme « Juste parmi les nations ». Il se rend à Jérusalem et présente la toile aux experts de Yad Vashem. Il est arrêté et placé en garde à vue : l’œuvre aurait été volée.

Relâché et de retour en France, il ne peut pas croire que son grand-père, résistant reconnu, ait pu voler le tableau. Il commence alors une enquête sur les traces d’Eli Trudel.

Au fil des pages, on en apprend beaucoup sur la résistance dans les Cévennes, la Haute Garonne, les filières des passeurs. Stéphane arrive jusqu’en Espagne et apprend ainsi que les juifs étrangers qui avaient réussi à passer la frontière étaient relativement épargnés par Franco qui ne voulait pas déplaire (en 1943) aux Allemands, tout en cherchant à s’assurer des bonnes grâces des Alliés en prévision de l’après-guerre.

On ne peut pas quitter ce roman, on a envie de découvrir ce qu’il s’est passé. Le tableau a-t-il été volé ou spolié ? Qu’est-il arrivé aux époux Trudel ?

Le roman se termine par un coup de théâtre sans doute pas comme on pouvait s’y attendre, et peut être même pas comme on l’aurait  souhaité…

Très facile à lire, écrit dans un style plus journalistique que littéraire, ce roman peut s’avérer un bon livre de vacances.

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MA VIE (FUN MAYN LEBN)

Vladimir MEDEM

Éd. Honoré Champion (1999)

Première édition en 1923 à New York.

Traduit du yiddish par Henri Minczeles et Aby Wieviorka

Cette année qui marque le centenaire de la mort de Vladimir MEDEM (1879, Libau, actuelle Lettonie – 1923, Brooklyn) nous donne l’occasion de lire ou relire ses Mémoires, parues d’abord en feuilleton dans le quotidien yiddish Forverts.

Le récit autobiographique du grand théoricien du Bund (1er parti politique juif socialiste et laïc) qui s’arrête en 1915, alors que l’entrée des Allemands dans Varsovie lui permet de sortir de prison, retrace son existence pleine de péripéties : l’enfance privilégiée dans une famille assimilée, son baptême dans la religion orthodoxe et sa foi, ses études à Minsk et Kiev, ses activités révolutionnaires lorsqu’il devient militant et, sous l’influence de l’historien Simon Doubnov, défend la doctrine de l’autonomie nationale et culturelle des Juifs.

Ces années de maturation politique en Russie et en exil, de voyages et congrès (Berne, Berlin, Copenhague, Londres, Kovno, Amsterdam, Vienne) sont décrites de manière très vivante et humaine : les grèves, les milieux émigrés, les amitiés, les débats idéologiques, le journalisme, le bagne. C’est une galerie de portraits hauts en couleurs : Lénine, Trotsky, Weizmann, An-Ski, Jaurès, Rosa Luxembourg… On note la vitalité inépuisable du jeune leader malade, clandestin, pourchassé, mais sensible aux beautés de l’art, de la nature (paysages des Alpes suisses, de l’Italie, Paris…) : « en prison, une vie mesquine, grise, monotone, mais on vit et on s’habitue ».

A lire l’excellent article de Constance Pâris de Bollardière – revue K, n°100 du 16 février 2023 : D’une enfance russe au socialisme yiddish : Vladimir Medem, « légende du mouvement ouvrier juif » (gravé sur sa tombe par l’Arbeter Ring – le Cercle amical.)

À L’ÉCHELLE HUMAINE

Léon BLUM  

GALLIMARD (1ère édition 1945)

LE BORD de L’EAU (Réédition 2021), 192 pages.

Préface inédite et notes de Milo LEVY-BRUHL

En 1941 Léon Blum, 69 ans, dirigeant de la SFIO, chef du gouvernement en 1936 sous le Front populaire, est en prison sur ordre de Vichy.  Il y rédige cet essai, en attente du procès de Riom censé juger les responsables de la débâcle. Examen de conscience, retour sur la politique passée, mais surtout projection vers l’avenir, avec une certitude : la guerre s’achèvera par la défaite de l’Allemagne et par l’effondrement du régime de Pétain.

Dans son style vigoureux et ample, sans apitoiement sur lui-même ni mention de sa vie personnelle – une seule évocation dans son avant-propos, « mon fils prisonnier en Allemagne » – il analyse les causes du désastre national. Pour lui, héritier de Jaurès, lecteur de Marx, défaite militaire et défaite politique résultent de la décadence morale de la bourgeoisie qui aurait « perdu ses vertus antiques » et n’aurait pas su s’adapter à la surproduction de richesses capitalistes (au contraire de l’Angleterre) : maintien des biens et privilèges, sentiments de sécurité et retard dans le réarmement requis par le Front populaire ont prédominé ; le nazisme est apparu moins redoutable que le communisme.

Selon lui, le régime parlementaire ne constitue pas la forme de gouvernement démocratique adapté à la société française, et il prend pour exemples des états fédéraux, tels la Suisse et les Etats-Unis, aux pouvoirs et à l’administration décentralisés.

Ces mois de rédaction coïncident avec le sommet de la puissance allemande : pacte germano-soviétique rompu et troupes de la Wehrmacht aux portes de Moscou ; radicalisation du régime de Vichy et création du Commissariat aux questions juives. Et pourtant Léon Blum n’en parle pas. Tout entier il est tourné vers la reconstruction du monde de paix et de justice de l’après-guerre, doté d’une convention européenne et internationale. Il en appelle à une démocratie populaire et sociale et défend la République, celle de Gambetta, contre les antilibéraux.

Cette renaissance du socialisme se fera, dit-il, avec le prolétariat français, « sève montante de la nation », animé de passion patriotique. Et il dénonce le Parti communiste français inféodé à Staline, qui a trahi la France.

La réédition de cet ouvrage, enrichie d’une préface éclairante, permet d’approcher la pensée de Léon Blum. Certaines assertions semblent discutables, mais on ne peut qu’être sensible et admirer le courage (de sa cellule il organisera la résistance socialiste clandestine ; en avril 1943 il sera incarcéré au camp de Buchenwald), la force des convictions et une juste prescience (l’inéluctable défaite nazie ; la nécessité d’une union européenne, y compris avec l’Allemagne « rééduquée »).

L’affirmation du principe humaniste est constant, et des échos font résonance avec notre actualité.

« Rien de ce qui fut établi par la violence et maintenu par la contrainte, rien de ce qui dégrade l’humanité et repose sur le mépris de la personne humaine ne peut durer. » écrit-il.

Pour en savoir plus : Milo Lévy-Bruhl, doctorant en philosophie politique (EHESS), et Benoît Kermoal, historien, chargé du pôle « histoire sociale » à Unsa-Éducation, en débattent dans cet entretien vidéo sur YouTube.

SHIMON LE PARJURE : mes juifs de Damas

Moussa ABADI

éd. Du Laquet, 252 pages

Cet émouvant recueil nous raconte la vie des juifs de Damas. Il est difficile de le situer dans le temps. Ce qui est certain, c’est que ces petites aventures drôlatiques ont toutes lieu dans le ghetto. 1950 ?

Sous les yeux du Saint béni-soit-il, on se chamaille, on chaparde, on médit, on s’entr’aide aussi, le tout avec force générosité. Les petites gens sont les héros de ces historiettes qui nous font rire… La misère est omniprésente, mais tous acceptent leur sort. Pas de plainte, pas de larme…

L’auteur, lequel a « abandonné » son cher ghetto pour venir en France, fait revivre avec tendresse le Damas de son enfance, la nostalgie au cœur. A la manière d’un grand conteur, il nous fait aimer cette population pieuse, laborieuse, pleine d’humour et d’une grande sagesse.

Très touchant recueil de nouvelles.

SPIROU – L’ESPOIR MALGRÉ TOUT

Deuxième partie : UN PEU PLUS LOIN VERS L’HORREUR

Émile BRAVO (Textes et dessins)

DUPUIS, 92 pages

Bruxelles, automne 1940. La Belgique est occupée. La situation se durcit, avec la peur et la faim, le couvre-feu. Bientôt le pacte germano-soviétique sera rompu. Spirou, décidé à lutter contre l’ennemi nazi, s’inquiète pour son amie Kassandra détenue à l’est, d’où les nouvelles sont alarmantes : persécutions, ghettos, massacre de populations juives. Fantasio prenant conscience de la situation renonce à partir travailler à Berlin (« J’ai choisi mon camp, celui de la liberté ! »). Pour survivre, lui et Spirou parcourent les routes de Belgique avec leur spectacle de marionnettes, dont les virulentes bastonnades font la joie des enfants. Ils côtoient des patriotes, des résistantes, des traîtres aussi.

Les mesures anti-juives s’aggravent : famine organisée, postes de radio saisis, magasins proscrits, port de l’étoile jaune, parcs publics interdits, rafles. L’artiste Felix et Felka sont arrêtés, incarcérés avec d’autres Juifs et communistes pour être déportés. Spirou essaie de sauver deux enfants (P’tit Louis : « Mais pourquoi c’est grave d’être juif ? ») et se retrouve embarqué avec eux à la caserne de Malines, puis dans un train en partance vers un camp de travail d’une bourgade de Haute-Silésie, un certain Auschwitz, dit-on.

Dans cette tragi-comédie au titre sombre, la mise en couleurs tirant sur le sépia (Fanny Benoît) participe de l’atmosphère de l’époque. Les bandes d’enfants savoureusement croqués et le cocasse Fantasio jamais à court de facéties et bévues font contrepoint au réalisme glaçant du récit.

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L’exposition SPIROU DANS LA TOURMENTE DE LA SHOAH se tient du 9 décembre 2022 au 30 août 2023 au Mémorial de la Shoah à Paris.

Livres recommandés en février

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TOMBEAUX  – Autobiographie de ma famille 

Annette WIEVIORKA

Seuil, 384 pages

L’historienne Annette Wieviorka, éminente spécialiste de l’histoire de la Shoah, quitte pour la première fois le terrain de la recherche historique pour livrer, avec cet essai un récit personnel.

Lors du décès d’une tante sans descendance, Annette Wieviorka réfléchit aux traces laissées par tous les êtres disparus qui constituent sa famille, une famille juive malmenée par l’Histoire. Il y a le côté Wieviorka et le côté Perelman. Wolf, l’intellectuel yiddish précaire, et Chaskiel, le tailleur taiseux. L’un écrit, l’autre coud. Ils sont arrivés à Paris au début des années 1920, en provenance de Pologne. Leurs femmes, Hawa et Guitele, assument la vie matérielle et celle de leurs enfants.

Dans un récit en forme de tombeaux de papier qui font œuvre de sépultures, l’historienne adopte un ton personnel, voire intime, et plonge dans les archives, les généalogies, les souvenirs directs ou indirects. Par ces vies et ces destins recueillis, on traverse un siècle cabossé, puis tragique : d’abord la difficile installation de ces immigrés, la pauvreté, les années politiques, l’engagement communiste ou socialiste, le rapport complexe à la religion et à la judéité, puis la guerre, les rafles, la fuite ou la déportation – Paris, Nice, la Suisse, Auschwitz – et enfin, pour certains, le difficile retour à la vie marqué par un autre drame.

Tout l’art consiste ici à placer le lecteur à hauteur d’hommes et de femmes désireux de bonheur, de joie, de liberté, bientôt confrontés à l’impensable, à l’imprévisible, sans certitudes ni connaissances fiables au moment de faire des choix pourtant décisifs. C’est ainsi que des personnages très attachants et un monde disparu retrouvent vie, par la grâce d’une écriture sensible et précise.

Ce livre est une oeuvre bouleversante mémorielle érigée à la mémoire des siens et a obtenu le prix Fémina Essai 2022.

L’auteur viendra présenter son livre au Centre Medem, le 14 février à 20h30.

MAISON ATLAS

Alice KAPLAN

Le bruit du monde, 266 pages

Le livre débute en 1990 sur les bancs de la faculté de droit de Bordeaux et c’est la rencontre d’Emily juive américaine et de Daniel Atlas juif d’Algérie.
Bien sûr ils tombent amoureux mais la guerre civile qui fait rage en Algérie va les séparer. En effet la famille de Daniel n’a pas quitté l’Algérie en 1962 lors de l’indépendance, son grand père Henri et son père Sammy bien que français depuis des décennies se sont toujours considéré comme juif algérien

Daniel rentre à Alger mais très vite son père est assassiné et pour le venger il va devenir un agent infiltré par la police pour traquer les terroristes et de ce fait va couper tout lien avec Emily cette dernière va retourner dans le Minnesota.
Bien des années plus tard Becca fera le voyage jusqu’à Alger pour mieux comprendre leur lignée et retrouver son père.

C’est un livre très documenté sur l’histoire des juifs d’Algérie et c’est une très belle ballade dans les rues de la capitale Algérienne

SPIROU – L’ESPOIR MALGRÉ TOUT

Première partie : UN MAUVAIS DÉPART

Émile BRAVO (Textes et dessins)

DUPUIS, 88 pages

Bruxelles, janvier 1940. La guerre est imminente. Les Allemands, passant outre le statut de neutralité, vont bientôt envahir la Belgique.

Pour servir son pays, Fantasio s’est engagé dans l’armée belge, et Spirou, le jeune groom du Moustic Hôtel, est chargé d’une mission : livrer un rapport du commandement belge à l’état-major français.  Sa rencontre avec l’artiste « dégénéré » Felix et sa femme Felka, juifs allemands réfugiés, lui fait découvrir la persécution des Juifs et prendre conscience de la complexité des événements.

On croise dans l’album une galerie de personnages aux opinions variées : opportunistes, résistants, antisémites, collaborateurs, prêtres, scouts wallons, scouts flamands pro-allemands …

Spirou reste fidèle à ses valeurs. Il est consterné quand Fantasio, inconscient de ce qui se joue, part pour Berlin, ravi d’être embauché par le journal collaborationniste Le Soir.

Dans ce roman graphique très riche, à visée humaniste et pédagogique, aux dessins de qualité, se mêlent action, fantaisie, réflexion, engagement, et touche féministe. Le thème est dramatique, mais l’humour constant, porté par Fantasio. On y voit même malicieusement Spirou costumé en Tintin.

Une remarque : Quelques notes de bas de page auraient été bienvenues pour les jeunes (et moins jeunes) lecteurs, afin d’apporter des précisions sur des faits historiques et personnages réels évoqués : le peintre Felix Nussbaum et Felka assassinés à Auschwitz ; la bataille du fort d’Eben-Emael, province de Liège ; le pacte germano-soviétique ; le parti de Rex d’extrême-droite fondé par le fasciste belge Léon Degrenne …

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L’exposition SPIROU DANS LA TOURMENTE DE LA SHOAH se tient du 9 décembre 2022 au 30 août 2023 au Mémorial de la Shoah à Paris.

Nos sélections récentes

Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Livres de janvier – février 2023

SPIROU – L’ESPOIR MALGRÉ TOUT

Tome 1 : UN MAUVAIS DÉPART

Émile BRAVO (Textes et dessins)

DUPUIS, 88 pages

Bruxelles, janvier 1940. La guerre est imminente. Les Allemands, passant outre le statut de neutralité, vont bientôt envahir la Belgique.

Pour servir son pays, Fantasio s’est engagé dans l’armée belge, et Spirou, le jeune groom du Moustic Hôtel, est chargé d’une mission : livrer un rapport du commandement belge à l’état-major français.  Sa rencontre avec l’artiste « dégénéré » Felix et sa femme Felka, juifs allemands réfugiés, lui fait découvrir la persécution des Juifs et prendre conscience de la complexité des événements.

On croise dans l’album une galerie de personnages aux opinions variées : opportunistes, résistants, antisémites, collaborateurs, prêtres, scouts wallons, scouts flamands pro-allemands …

Spirou reste fidèle à ses valeurs. Il est consterné quand Fantasio, inconscient de ce qui se joue, part pour Berlin, ravi d’être embauché par le journal collaborationniste Le Soir.

Dans ce roman graphique très riche, à visée humaniste et pédagogique, aux dessins de qualité, se mêlent action, fantaisie, réflexion, engagement, et touche féministe. Le thème est dramatique, mais l’humour constant, porté par Fantasio. On y voit même malicieusement Spirou costumé en Tintin.

Une remarque : Quelques notes de bas de page auraient été bienvenues pour les jeunes (et moins jeunes) lecteurs, afin d’apporter des précisions sur des faits historiques et personnages réels évoqués : le peintre Felix Nussbaum et Felka assassinés à Auschwitz ; la bataille du fort d’Eben-Emael, province de Liège ; le pacte germano-soviétique ; le parti de Rex d’extrême-droite fondé par le fasciste belge Léon Degrenne …

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L’exposition SPIROU DANS LA TOURMENTE DE LA SHOAH se tient du 9 décembre 2022 au 30 août 2023 au Mémorial de la Shoah à Paris.

MAISON ATLAS

Alice KAPLAN

Le bruit du monde, 266 pages

Le livre débute en 1990 sur les bancs de la faculté de droit de Bordeaux et c’est la rencontre d’Emily juive américaine et de Daniel Atlas juif d’Algérie.
Bien sûr ils tombent amoureux mais la guerre civile qui fait rage en Algérie va les séparer. En effet la famille de Daniel n’a pas quitté l’Algérie en 1962 lors de l’indépendance, son grand père Henri et son père Sammy bien que français depuis des décennies se sont toujours considéré comme juif algérien

Daniel rentre à Alger mais très vite son père est assassiné et pour le venger il va devenir un agent infiltré par la police pour traquer les terroristes et de ce fait va couper tout lien avec Emily cette dernière va retourner dans le Minnesota.
Bien des années plus tard Becca fera le voyage jusqu’à Alger pour mieux comprendre leur lignée et retrouver son père.

C’est un livre très documenté sur l’histoire des juifs d’Algérie et c’est une très belle ballade dans les rues de la capitale Algérienne

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TOMBEAUX  – Autobiographie de ma famille 

Annette WIEVIORKA

Seuil, 384 pages

L’historienne Annette Wieviorka, éminente spécialiste de l’histoire de la Shoah, quitte pour la première fois le terrain de la recherche historique pour livrer, avec cet essai un récit personnel.

Lors du décès d’une tante sans descendance, Annette Wieviorka réfléchit aux traces laissées par tous les êtres disparus qui constituent sa famille, une famille juive malmenée par l’Histoire. Il y a le côté Wieviorka et le côté Perelman. Wolf, l’intellectuel yiddish précaire, et Chaskiel, le tailleur taiseux. L’un écrit, l’autre coud. Ils sont arrivés à Paris au début des années 1920, en provenance de Pologne. Leurs femmes, Hawa et Guitele, assument la vie matérielle et celle de leurs enfants.

Dans un récit en forme de tombeaux de papier qui font œuvre de sépultures, l’historienne adopte un ton personnel, voire intime, et plonge dans les archives, les généalogies, les souvenirs directs ou indirects. Par ces vies et ces destins recueillis, on traverse un siècle cabossé, puis tragique : d’abord la difficile installation de ces immigrés, la pauvreté, les années politiques, l’engagement communiste ou socialiste, le rapport complexe à la religion et à la judéité, puis la guerre, les rafles, la fuite ou la déportation – Paris, Nice, la Suisse, Auschwitz – et enfin, pour certains, le difficile retour à la vie marqué par un autre drame.

Tout l’art consiste ici à placer le lecteur à hauteur d’hommes et de femmes désireux de bonheur, de joie, de liberté, bientôt confrontés à l’impensable, à l’imprévisible, sans certitudes ni connaissances fiables au moment de faire des choix pourtant décisifs. C’est ainsi que des personnages très attachants et un monde disparu retrouvent vie, par la grâce d’une écriture sensible et précise.

Ce livre est une oeuvre bouleversante mémorielle érigée à la mémoire des siens et a obtenu le prix Fémina Essai 2022.

L’auteur viendra présenter son livre au Centre Medem, le 14 février à 20h30.

Livres recommandés en janvier

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LES PRESQUE SŒURS

Cloé KORMAN

Seuil, 240 pages

Dans ce récit, la narratrice retrace l’itinéraire entre 1942 et 1944 de six petites filles juives : trois sœurs Korman, les cousines de son père, qui seront assassinées à Auschwitz, et trois sœurs amies, lesquelles réussiront à échapper à la déportation.

Au travers de documents d’archives, de lettres et photos, d’entretiens avec les rescapées, elle part sur les traces des fillettes menées de camps d’internement en foyers d’accueil, séparées, regroupées au gré des règles qui changent de Montargis à Beaune-la-Rolande, de Louveciennes à Paris.

Cloé Korman évoque ainsi le sort de milliers d’enfants rendus orphelins par la déportation de leurs parents, maintenus dans un sort indécis, confiés à l’UGIF (Union générale des Israélites de France), avec leurs noms transmis aux préfectures, toujours en danger d’être raflés.

Les violences de l’occupation nazie, de l’administration de Vichy sont racontées à hauteur d’enfant ; on y voit la détresse, mais aussi le courage, l’ingéniosité de ces enfants et des quelques adultes qui les aident. Des lâchetés et complicités sont dénoncées : fuite et protection de criminels de guerre (Le père de l’auteure fut l’un des avocats des parties civiles aux procès Klaus Barbie et Aloïs Brunner).

Le roman de Cloé Korman s’appuyant principalement sur les témoignages des sœurs amies rescapées, celles-ci ont parlé d’un « vol de leur histoire » et ont tenté d’en interdire la publication.

Au-delà de ce livre, se posent des questions qui ne sont pas nouvelles en littérature : a-t-on le droit de s’approprier l’histoire des autres, d’y mêler de la fiction ? Que peut-on raconter ? Jusqu’où révéler l’intimité de personnes réelles ?

# J’ACCUSE

Jean DYTAR

Delcourt, 312 pages

Lors de la visite de la maison de Zola et du Musée Dreyfus proposée en octobre 2022 par le Cercle Bernard Lazare et le Centre Medem, nous avons acquis pour la bibliothèque du Centre Medem la bande dessinée de Jean Dytar, #J’accuse.

Depuis, cette bande dessinée a obtenu le prix “BD historique Pierre Lafue/ Histoire de Lire” lors de la première édition du salon Histoire de Lire de Versailles le 19 novembre 2022.

L’impact de l’affaire Dreyfus sur ses contemporains aurait-il été différent s’ils avaient été informés par les médias d’aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr. En revanche, le fameux ” J’accuse ” est bien le symbole du pouvoir de la presse au service de la défense d’un homme et de la vérité. 

De 1894 à 1906, l’affaire Dreyfus défraie la chronique. L’auteur en décortique les mécanismes et nous la fait vivre comme si elle se déroulait aujourd’hui, avec nos moyens de communication. 

Sur la base d’un travail de recherche impressionnant d’où sont tirés plus de trois cents extraits de presse afin d’élaborer les dialogues et les textes, la bande dessinée # J’accuse reprend la genèse des différents procès avec pour fil rouge une fausse interview de Mathieu Dreyfus sur laquelle viennent se greffer d’improbables talk-shows dignes de LCI ou C-News, des vidéos imaginaires au format YouTube, des pseudo-reportages aux portables, sans parler des renvois à Wikipédia et de l’accès à la banque de données {Bnf Gallica

Ce travail est clairement destiné à un lectorat qui dépasse le public BD traditionnel. Il devrait susciter la curiosité ! En tout cas, c’est une vraie plongée dans un fait historique majeur plein de passion et de haines, très actuel !

MEïR EZOFOWICZ

Eliza ORZESZKOWA

Robert Laffont, 284 pages

Paru en 1878. Traduit du polonais par Ladislas MICKIEWICZ. Illustrations de M. E. ANDRIOLLI

Nouvelle édition 2022 revue par Z. BOBOWICZ et H. RACZYMOV

Préface Annie KRIEGEL. Postface historique A. DERCZANSKY

 Ce roman nous transporte à la fin du XIXe siècle dans la bourgade biélorusse de Szybow, où s’affrontent deux ancestrales familles juives : les Ezofowicz, riches négociants, et les Todros, rabbins originaires d’Espagne – les uns ouverts à la modernité, les autres rivés à un strict rigorisme religieux.

Le jeune Meïr Ezofowicz prône l’évolution des traditions, l’étude des sciences, la pratique de l’agriculture pour les Juifs, dénonce la violence faite aux enfants du heder, l’école juive. Il crée le scandale en lisant publiquement des écrits inspirés de Maïmonide, en aimant une jeune fille karaïte ; il est, au terme d’un impressionnant procès, frappé d’exclusion, (un herem, tel Spinoza en 1656) par les juges de sa communauté.

Ce livre étonnant, traduit dès sa parution en yiddish, russe, français, tchèque, allemand, écrit par une romancière judéophile issue de la noblesse éclairée polonaise, grande connaisseuse des textes (le Talmud, le Zohar, la Haggada, rabbi Akiva), décrit de façon très vivante la vie dans le shtetl : les institutions juives, la vie domestique, les fêtes, les mariages, les foires, les artisans, la misère, les trafics, les relations avec les chrétiens… Une trame romanesque riche, des personnages forts et nuancés, sans rien de caricatural, donnent son intérêt au roman.

L’auteure, héritière des Lumières (la Haskala, dans le monde juif), a une vision humaniste, mais qui peut sembler quelque peu idéaliste, voire simpliste : l’assimilation des Juifs d’Europe serait la solution qui règlerait les conflits et problèmes côté juif et côté polonais. On sait que trois ans après la parution du roman, les pogroms vont ensanglanter l’empire russe ; de nombreux Juifs vont s’engager dans le Bund socialiste et révolutionnaire ou dans le sionisme, devront choisir d’émigrer.

Le bouillonnement des idées, les questionnements dans la société juive renvoient à d’autres œuvres marquantes : celles d’Isaak Leib Peretz, de Joseph Opatoshu (Dans les forêts de Pologne), de l’auteure polonaise prix Nobel 2019, Olga Tokarzuk (sa magistrale fresque Les Livres de Jakob).

Oser WARSZAWSKI est une figure centrale des mouvements littéraires et artistiques d’avant-garde qui ont façonné la culture yiddish du siècle dernier. Né en 1898 dans la région de Varsovie, Warszawski quittera la Pologne dans les années 20 pour Berlin, Londres puis Paris. Il participera activement à la vie littéraire et artistique de la capitale. En 1942, de résidence forcée en résidence surveillée, il se réfugie à Rome où il sera arrêté en 1944 par la police fasciste. Livré aux Allemands il est déporté et assassiné à Auschwitz le 10 octobre de la même année.

Voici deux analyses de livres de Viviane G.

LA GRANDE FAUCHAISON

Oser WARSZAWSKI

 Denoel (2007)  752 pages

La Grande Fauchaison rassemble pour la première fois la trilogie romanesque d’Oser Warszawski. Des Contrebandiers à L’Uniforme en passant par La Fauchaison, inédit en français, l’auteur retrace les affres de la Grande Guerre en Europe et la manière particulière dont elles trouvent écho dans les mondes juif et allemand de l’époque.

La postface de Rachel Ertel, Le désenchantement du monde, ou Oser Warszawski d’une guerre à l’autre (pages 693-740) donne une synthèse de la trilogie de la Grande Guerre, de l’activité intellectuelle de l’époque en yiddish, et des centres d’action de l’auteur.

Les contrebandiers (1920)

Pendant la guerre de 14-18, les allemands occupent une bourgade de Pologne. La société juive doit  survivre dans le chaos ambiant : débine, contrebande, transgression …Récit picaresque, cruel, empathique et joyeux écrit dans une langue truculente.

La grande fauchaison

1914 : la guerre. À Gourané (Pologne), juifs et goyim vivent sous la férule du gouverneur russe. Enrôlement subi ou volontaire, proclamations menaçantes du pouvoir russe, les foules accompagnent les réservistes et juifs enchaînés car soupçonnés d’espionnage. Mouvement des troupes, défilé des armées, flux et reflux  dans un chaos sanglant. Évocation expressionniste d’une société partagée entre riches et pauvres, pieux et libres penseurs, illuminés, traditionalistes, assimilés, avec la haine entre communauté catholique et juive, société livrée au pillage et à la destruction.

L’uniforme (1924)

C’est à Berlin, capitale d’un empire, que l’on assiste au défilé des troupes aux costumes éblouissants, accompagnées de la fanfare, la suite impériale. Description d’entomologiste des sujets de l’empire, leur dévotion au Kaiser. Malgré ses trois fils enrôlés, le père s’engage dans l’armée. L’horreur, les corps déchiquetés, la mort des fils, « les rêves d’héroïsme bascule dans la folie ».

ON NE PEUT PAS SE PLAINDRE

Oser WARSZAWSKI

Liana Levi (1997), 127 pages

Traduit du yiddish par Marie Warszawski. Postface de Lydie Lachenal

Récit écrit de  1942 à 1943.

En résidence forcée dans le sud-est de la France, Oser Warszawski s’enfuit lorsqu’il est réquisitionné pour un camp de travail. Muni de faux papiers, il raconte sa vie d’errance et de précarité à la merci d’une rafle.

Peinture expressionniste, pleine d’ironie acide et de dérision désespérée, d’une société française peu consciente des dangers pesant sur les Juifs, ce récit offre déjà un éclairage sur le sort des déportés : “Les méthodes d’assassinats les plus nouvelles… d’extermination les plus modernes” étaient à l’œuvre.

LA SYNAGOGUE

Joann SFAR

Dargaud, 208 pages

Ecrit pendant la pandémie de COVID, dont l’auteur a failli mourir, Joann Sfar raconte en vrac ses souvenirs d’enfance : l’Algérie racontée par son père, Nice, les shabbat chez sa grand-mère, les discussions avec son grand-père ou les Kippour interminables à la synagogue, auxquels il échappe en entrant dans le service de sécurité qui l’oblige à rester à l’extérieur. Chemin faisant, il dessine avec humour ses réflexions sur l’hôpital, la judéité, l’antisémitisme, la Shoah, l’auto-défense, la politique, la justice et sa propre œuvre dessinée, tout en dialoguant avec le fantôme de Joseph Kessel.

On retrouve avec bonheur le dessin et l’humour si particulier de Joann Sfar, et le désordre-même rend l’album sympathique. Les questions sur la judéité et le combat contre l’antisémitisme, identiques à celles de bien d’autres Juifs, méritent d’être partagées. Mais bien malin qui trouvera à l’album une cohérence ; on se serait aussi passé de quelques grossièretés sexuelles qui n’apportent pas grand-chose.

A lire quand même, pour les inconditionnels.

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Livres de novembre – décembre

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LA FEMME QUI EN SAVAIT TROP

Marie Benedict

Presses de la Cité, 317 pages

Dans ce récit à la première personne, Marie Benedict redonne vie à une femme hors du commun, dont le plus grand rôle fut oublié, voire ignoré, durant des décennies… et ce n’est pas celui dont se souviennent les cinéphiles…..

En 1933, à 19 ans, Hedwig Kiesler, actrice viennoise d’origine juive, épouse Friedrich Mandl, un riche marchand d’armes proche de Mussolini. Conscients de la menace qui vient d’Allemagne, ses parents cherchent, par ce mariage, à la protéger, quitte à accepter pour cela une conversion au catholicisme. Malheureusement, Mandl s’avère être un homme possessif et opportuniste. D’abord opposé à l’Anschluss, il finit par retourner sa veste et obtient les faveurs de Hitler. Horrifiée, Hedy parvient à s’enfuir et s’installe aux Etats-Unis, où elle devient Hedy Lamarr, la superstar hollywoodienne dont on se souvient.

Malgré le faste et les mondanités, elle ne peut cependant oublier l’Europe et décide de contribuer à sa façon à l’effort de guerre. Grâce à son intelligence et avec l’aide d’un compositeur George Antheil, pianiste et inventeur, elle conçoit un système de codage des transmissions révolutionnaire – technologie destiné à l’origine au radio-guidage des torpilles. Malgré le dépôt officiel du brevet de leur « système secret de communication » et parce qu’elle est une femme, actrice de surcroît, la marine américaine ne donne pas suite à cette invention. Il faudra attendre la crise de Cuba et la guerre du Vietnam pour que le procédé soit utilisé.

Cette invention sera à l’origine, entre autres, du Wifi et de nos téléphones portables.

Mais à l’époque comment accorder le moindre crédit scientifique à la plus belle femme du cinéma ?

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LES EXPORTÉS

Sonia DEVILLERS

Flammarion, 288 pages

Dans « Les exportés », son premier livre, la journaliste de France Inter lève le voile sur les exactions dont a été victime la communauté juive sur le sol roumain de 1940 à 1989. Après une Shoah roumaine, la dictature communiste fit commerce de ses juifs, exportés vers des pays européens puis vers Israël, d’abord troqués contre du bétail avant d’être vendus pour des devises.

L’auteur nous raconte les dessous de l’arrivée en France de sa mère et de ses grands-parents en 1961, juifs et roumains ayant fui la Roumanie communiste de Ceaușescu, à la faveur d’un innommable trafic humain et remet en lumière un des secrets longtemps les mieux gardés.

Il leur en avait coûté une rançon de 12 000 dollars qu’ils mirent leur vie à rembourser. La Securitate fit de ce très juteux commerce de juifs contre bétail – porcs, vaches, moutons, taureaux, etc., de la plus haute qualité importés d’Australie, de Nouvelle-Zélande, du Danemark ou encore de Grande-Bretagne – une de ces ressources majeures. Dans une Roumanie communiste exsangue des décennies 1950, 1960 et 1970, la police politique secrète devint ainsi le premier producteur de viande destinée à l’export, grâce à de la main-d’œuvre de prisonniers.

Rien peut-être n’aurait été possible sans un personnage aussi intrigant qu’incontournable, Henry Jacober, lui-même juif d’Europe centrale devenu britannique, qui avait le bras très long et de très précieux relais dans la Securitate, pour orchestrer ce commerce.

Pour remettre en lumière ce commerce des hommes longtemps tenu dans le plus grand des secrets, elle s’est appuyée sur les travaux d’historiens, dont ceux, incontournables, de Radu Ioanid, aujourd’hui devenu ambassadeur de Roumanie en Israël.

Des 750 000 juifs roumains d’avant-guerre, massivement exterminés, ou exportés, vendus, contraints à l’exil, il en resta à peine 10 000 à la chute du communisme.

Les critiques de ce livre sont à la hauteur de ce que l’on ressent en le lisant : un récit historique bouleversant qui se lit comme un roman.

LE PARDON

Vladimir JANKELEVITCH

paru en 1967, réédition 2022 Champs essais, 273 pages

Présentation (brillante et éclairante) de Laure BARILLAS, 24 pages

Le philosophe, Juif français d’origine russe (1903-1985), qui a fait du pardon la plus haute valeur de son éthique (Traité des vertus, 1949) se trouve confronté à ce paradoxe : la possibilité théorique du pardon, lequel est décrit comme un don sans conditions, et dans le même temps son impossibilité effective face aux crimes nazis.

Lui, le résistant, qui a pu échapper à la déportation, voit deux conditions minimales au pardon : que l’offenseur ait demandé pardon et que l’offensé puisse répondre lui-même à cette demande.

Dans cet ouvrage imprégné de philosophie grecque, de références juives et chrétiennes, l’auteur décline en une riche réflexion les formes proches du pardon : la clémence, la grâce, l’oubli, l’amnistie, l’excuse, l’indulgence… Il revient sur la question du mal et s’interroge sur la pertinence de la formule « comprendre c’est pardonner ».

Il faut suivre attentivement la pensée érudite et dense, l’écriture exigeante, parfois ardue, cependant apte à rompre avec les subtilités métaphysiques pour asséner des vérités directes, brutales :

« Le pardon n’est pas destiné aux bonnes consciences, ni aux coupables irrepentis qui dorment et digèrent bien ; quand le coupable est gras, prospère, enrichi par le miracle économique, le pardon est une sinistre plaisanterie. Le pardon n’est pas fait pour les porcs et pour leurs truies. Avant qu’il en soit question, il faudrait d’abord que le coupable, au lieu de contester, se reconnaisse coupable, sans plaidoyers ni circonstances atténuantes, et surtout sans accuser ses propres victimes. »

Et l’on pourra lire L’Imprescriptible (2 textes réunis : Pardonner ? 1971 ; Dans l’honneur et la dignité, 1948, Ed. du Seuil, Poche – Essais)

 

LE RUBAN ROUGE

Lucy ADLINGTON

PKJ, 356 pages

Dans sa postface, l’auteure indique très clairement ses objectifs : en choisissant de ne nommer aucun pays, aucun peuple, aucun régime politique, elle a voulu donner une portée universelle à cette histoire, laquelle lui a été inspirée par la vie du camp d’Auschwitz-Birkenau.

La jeune Ella, âgée de quatorze ans, arrivée à Auschwitz vers 1944, a très vite compris qu’il lui faudrait se battre pour rester en vie. La chance veut qu’elle trouve une place dans l’atelier de couture créé pour Madame H(öss). C’est là qu’elle va devoir montrer ce qu’elle sait faire, parmi d’autres jeunes filles moins douées qu’elle. C’est aussi là qu’elle va se faire une amie pour la vie, prénommée Lily.

La lucidité d’Ella, son agressivité et son combat pour la survie, sont apaisés par le point de vue de Lily, une rêveuse pacifique qui s’échappe de la réalité pour accepter son sort.

La vision que donne l’auteure de la vie du camp est très édulcorée. La vérité transparaît comme fugitivement au travers de phrases rapides, comme dite en passant. Ella sait, mais elle ne pense qu’à survivre. C’est si vrai qu’elle n’est nullement choquée de créer des robes splendides pour Mme H Elle se permet d’y prendre du plaisir.

A travers l’analyse psychologique de chacun des personnages, Lucy Adlington présente toute la diversité de la nature humaine, de la pire jusqu’à la meilleure, sans juger.

L’intrigue est bien ficelée et les lectrices ado l’ont appréciée. La question est de savoir ce qu’elles en ont tiré.

Personnellement, j’éprouve une gêne liée au non-dit de ce roman : en plaçant cette histoire dans un non-lieu, parmi des bourreaux non-nommés, pas plus que les victimes, l’auteure passe à côté d’un fait historique crucial : l’anéantissement du monde juif européen.

LA COULEUR DE L’EAU

James McBRIDE

Gallmeister, 267 pages

« Pourquoi n’avons-nous pas la même couleur de peau toi et moi ? », demande l’auteur à sa mère. Et celle-ci de lui répondre : « quelle est la couleur de l’eau ? »

Ce récit à deux voix est autobiographique : il raconte comment une toute jeune fille juive, issue d’un milieu orthodoxe, se marie avec un pasteur noir. Nous sommes en Amérique, après la guerre. En ce temps-là, il ne fait pas bon être un Noir américain. Il ne fait pas bon non plus être une Blanche, mariée à un Noir. La ségrégation bat son plein, mais Ruth (Rukhl en yiddish) n’en a cure. Elle vit dans le quartier pauvre de Harlem, parmi les Afro-Américains qui ne l’aiment pas ? Et alors ?

Elle a quatre enfants à nourrir ; ils sont dans la misère, mais, rejetée par sa propre famille juive raciste, elle essuie un refus en demandant de l’aide. Dès lors, elle ne les reverra jamais plus. Sa mère, maltraitée par son rabbin de père, lui manque pourtant. Ruth aura douze enfants, se remariant deux fois, élevant ses enfants dans la foi chrétienne. Elle ne répond pas aux interrogations de ses enfants mais James finira par reconstituer le puzzle. Lorsqu’il se demande en quoi il est juif, il connaît la réponse : ce qui reste de la judéité de sa mère, c’est cette volonté forcenée d’assurer une éducation d’excellence à ses enfants.

A cet égard, la postface est éloquente : citant ses frères et sœurs, James les présente avec, pour tous, des diplômes universitaires !

Roman très attachant, parfois bouleversant. Ruth est un sacré bout de bonne femme, pleine de courage, de bon sens et d’un amour infini pour ses enfants.

Et toujours disponible la sélection de septembre – octobre

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QUAND TU ÉCOUTERAS CETTE CHANSON

Lola LAFON

Stock, 348 pages

Pour la collection Ma nuit au musée, Lola Lafon a choisi de passer une nuit dans l’Annexe du musée Anne Frank d’Amsterdam, où vécut recluse avec sa famille pendant deux ans l’adolescente, jusqu’à la déportation et la mort à Bergen-Belsen. 

A qui appartient Anne Frank? se demande Lola Lafon. Que peut-on apprendre encore sur “la jeune fille juive la plus aimée au monde” et sur son célèbre Journal (le livre le plus lu après la Bible, dit-on), dans ce lieu de vide et d’absence?

L’auteure découvre combien la personnalité affirmée, terriblement lucide d’Anne Frank a été lissée et détournée par Hollywood : pas de fin triste, pas d’évocation des Juifs et de l’extermination, pas de mention des nazis au motif de la réconciliation avec l’Allemagne. 

Avec subtilité, sensibilité et rigueur, sans jamais se substituer à Anne Frank, Lola Lafon raconte cette expérience très forte, mais aussi les résonances avec l’histoire de sa famille et avec sa propre judéité.

Et l’on se propose de relire le Journal dans sa nouvelle édition augmentée (Calmann-Lévy et Livre de poche).

LA PESTE SUR VOS DEUX FAMILLES

Robert Littell

Flammarion, 298 pages

Ce roman parfaitement documenté raconte l’un des épisodes de la guerre entre les gangs russes, lesquels dirigent de fait l’économie du pays. Les deux chefs de gangs sont vieux, et sur le point de laisser la place à d’autres rapaces. Timour l’Ossète « protège » des entreprises convoitées par Nahum Caplan le juif.

Or, Timour dit le Boiteux a un fils, Roman, tandis que Nahum a une fille. Chacun des enfants veut se rebeller contre son père …

Un roman savoureux sur les pratiques des gangs russes, encore d’actualité aujourd’hui.

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LES RESISTANTES

Judy BATALION

Les Arènes, 542 pages

Préface d’Annette WIEVIORKA

Cet ouvrage retrace les histoires captivantes et bouleversantes d’une vingtaine de très jeunes femmes – « des Juives fortes », dit l’auteure dans sa préface – qui choisirent la lutte armée dans les ghettos plutôt que la fuite.

A Bedzin, Cracovie, Vilnius, Varsovie, Radom, Auschwitz… Zivia Lubetkin (seule femme membre de l’Organisation juive de combat), Frumka, Hantze, Chajka, Renia, Tosia, Gusta, Hannah et tant d’autres combattantes engagées dans des mouvements sionistes, marxistes, bundistes, furent actives dans les caches, les souterrains, les trains, les forêts, les prisons, avec un courage inouï.

Ce projet historique et littéraire qui redonne vie à des héroïnes oubliées pour la plupart, celles qui ont péri et les quelques-unes qui ont survécu, s’appuie sur une importante documentation : recherches dans les centres d’archives de divers pays, autobiographies de rescapés, témoignages oraux.

L’auteure, petite-fille de survivants, a eu à cœur de restituer minutieusement la mémoire de cette histoire de bravoure exceptionnelle, d’amitié féminine et de survie.

Amour, mariage, sexualité : une histoire intime du nazisme (1930-1950) 

Elissa Mailänder 

éd. Du Seuil, 507p. (contenant un très gros corpus de notes)

Cet essai très novateur est remarquable à plus d’un titre :

Par sa forme, pour commencer : en effet, chaque chapitre commence par des exemples tirés de la vie quotidienne, basés sur des témoignages. C’est en analysant finement la parole des témoins que l’auteure nous amène à la conclusion qui clôt chaque chapitre. Cela facilite grandement le « travail » du lecteur.

Par la clairvoyance et la clarté des démonstrations :

Divisé en trois parties présentées dans l’ordre chronologique, l’essai nous permet de suivre l’implantation à la fois organisée et souple du nazisme dans les esprits :

Le nazisme se présente d’abord comme une organisation novatrice, surtout aux yeux de la jeunesse : plus de pression religieuse, il faut profiter de la vie sexuelle sans contrainte. Les jeunes « peuvent «  adhérer à des organisations dans lesquelles ils se sentent intégrés, où ils vont lier des liens d’amitié qui perdureront à la fin de la guerre, se trouvant tout naturellement leur voie future vers une nouvelle vie. Ces relations entre les deux sexes seront d’autant plus libres que le divorce pour tous sera instauré. Les conventions bourgeoises ne sont plus de mise : il faut profiter de la vie. Bien entendu, toute cette jeunesse ne perçoit pas les implications politiques profondes, ni les contraintes, ni le formatage des esprits induits par ces aspects nouveaux. Même le Lebensborn est idéalisé, alors même qu’il représente l’asservissement des femmes.

Lorsque la guerre éclate, que les jeunes gens font leur sac, les jeunes filles continuent de vivre « normalement », en rêvant du « bel aviateur » qui les éveillera à l’amour. La cohésion du corps social est alors très forte, l’espoir d’une victoire martelé à coup de propagande, surtout au cinéma, devenu très populaire.

Sur le front, les soldats s’habituent aux massacres en série, allant jusqu’à prendre des photographies les mettant en scène. Ces photographies représentent « un médium de masse » (page 266) dont l’exploitation est révélatrice des mentalités : la morale n’y a plus sa place ; c’est la violence proclamée dans toute son horreur. Les femmes sont en outre devenues des « objets » sexuels et non plus des partenaires.

Avec la fin de la guerre entrent en scène de nouveaux acteurs : les troupes victorieuses. Ces nouveaux soldats détrônent rapidement les soldats humiliés du Reich. Des femmes allemandes longtemps frustrées succomberont rapidement, par intérêt bien compris ou par instinct de survie. L’auteure note cependant que l’esprit patriarcal de domination masculine n’a jamais cessé d’exister.

Au bout du compte, l’on comprend mieux pourquoi cette période représente un souvenir heureux pour une bonne part de la population allemande, bien loin des remords auxquels nous aurions pu nous attendre.

Documentaire un peu long mais passionnant.

RETOUR RUE KROCHMALNA

Isaac Bashevis SINGER

Stock, 297 pages

Un texte inédit, paru en feuilleton en 1972 dans le journal yiddish Forverts, traduit de la version anglaise, selon la volonté de l’auteur pour la plupart de ses livres.

 Max, qui a fait fortune en Argentine, revient dans sa ville natale pour « affaires » : venir chercher à Varsovie une demi-douzaine de vierges pour la prostitution à Buenos Aires, sa femme Flora contrôlant la « marchandise ».

Au travers de ses personnages, I.B. Singer retourne dans la Varsovie juive du début du XXe siècle, celle des ruelles sombres, des tavernes, des truands et des rabbins, des jeunes filles innocentes et des maîtresses rouées.

On retrouve les grands thèmes traversant son œuvre : les aspirations vers le pur et l’impur, les tourments métaphysiques et charnels, le désintéressement et l’âpreté au gain, la fascination pour le trio amoureux, la culpabilité, la tentation constante de la fuite, le jeu avec l’idée de la mort, l’injustice divine (« Si dieu est mauvais, pourquoi ne puis-je pas l’être aussi ?» dit Max). La nostalgie des valeurs ancestrales de justice et d’entraide du judaïsme le dispute aux conduites égoïstes du profit individuel.

Le conteur éblouissant séduit de nouveau dans ce livre par son style vif, plein d’ironie, ses intrigues à rebondissements, ses dialogues brillants comme sortis du théâtre yiddish. Singer reste un maître dans ce roman plein de fantaisie où le drolatique côtoie la noirceur. 

On peut cependant ressentir un certain malaise à la description de héros obsédés par l’argent, prêts à divers trafics et lâchetés pour retirer davantage de jouissance matérielle et sexuelle – portraits hauts en couleurs mais faisant écho aux stéréotypes antisémites. Et le thème récurrent de l’homme mûr dévoyant de très jeunes filles, telle la douce Rashka, de l’homme frappant sa femme qui en « redemande », comme Max, du viol et de la prostitution, prend de nos jours une tonalité particulière, assez déplaisante, même si l’on s’efforce de remettre dans le contexte de l’époque et dans le cadre de la fiction, et si l’on connaît l’humour de l’auteur.

EST et OUEST. DERACINES

Wolf WIEVIORKA

Editions BIBLIOTHEQUE MEDEM, 345 pages

Traduction du yiddish par Batia Baum (premier recueil) et Shmuel BUNIM (second recueil)

Ces nouvelles écrites en 1936-37 se déroulent pour la plupart à Paris entre les deux guerres, dans un monde yiddish en plein éclatement tant à l’Est qu’en Europe.

Les héros en sont des immigrés juifs de Pologne, et on y trouve toute une galerie de jeunes gens sans métier, de pique-assiette, de camarades joyeusement désoeuvrés ou de rêveurs douloureusement solitaires. Dans cet “Entre deux mondes” (titre de la première nouvelle), on croise des parvenus et des ratés, des artistes affamés, des utopistes, des jeunes femmes idéalistes ou rouées. Chacun tente de se faire une place, de vivre ou survivre, entre espoirs et illusions.

La justesse du trait, la simplicité et l’humour rendent ces textes très attachants; les personnages hâbleurs ou désemparés qui traversent cet univers nous touchent. 

Et l’on songe au destin de l’auteur, écrivain et journaliste si talentueux, mort à Auschwitz, qui figure dans le Livre du Souvenir – le yisker-bukh – des “14 Ecrivains juifs parisiens assassinés“, paru en yiddish en 1946.

LIBRES D’OBEIR. LE MANAGEMENT, DU NAZISME A AUJOURD’HUI

Johann CHAPOUTOT

Gallimard, 172 pages

En huit courts chapitres, l’historien retrace le parcours du général SS Reinhard Höhn, archétype de l’intellectuel au service du IIIème Reich qui, après 5 ans de paisible clandestinité, bénéficia de la loi d’amnistie en 1949 et poursuivit une brillante carrière en Allemagne. L’ancien juriste, devenu théoricien du management, créa une école de commerce, académie de cadres qui va former pendant 20 ans l’élite des patrons de l’économie allemande. 

La thèse de Chapoutot est que cette méthode d’organisation du travail et de gestion des hommes prend sa source dans les vues développées par le IIIème Reich, fondées sur le racisme biologique et le darwinisme social.

Cette réflexion de J. Chapoutot sur le lien entre nazisme et management au XXème siècle n’a pas paru totalement convaincante à certains économistes et sociologues. Toutefois, cette étude du “cas” Höhn a le mérite d’attirer l’attention sur l’impunité qui fut celle de milliers de “cols blancs” du nazisme. Elle souligne également, considération politique importante pour l’auteur, que le règne du management n’est pas neutre.

LA LOI DU SANG 

Johann Chapoutot

Galllimard, 554 pages

Fin spécialiste de l’Allemagne nazie, Johann Chapoutot nous invite à aborder la problématique du nazisme en nous plongeant dans les racines profondes de l’histoire des idées et des mentalités du début du 20e siècle.

La plupart des théories scientifiques, historiques, juridiques élaborées par les nazis étaient déjà présentes sur le territoire européen : notion de race, mythe aryen, racisme, antisémitisme, etc… C’est en nous présentant une histoire complète des idées que l’auteur fait une synthèse brillante.

C’est presque de façon toute naturelle que les Allemands ont abouti à la conclusion que la pureté de la race était en danger ; que le seul moyen de la préserver était la pureté du sang allemand. Toute la nuance est nichée dans ce « presque ». Cette « loi du sang » n’a rien perdu de sa dangerosité.

Ne présentant pas de difficulté particulière, cet ouvrage de référence remarquable vous demandera une attention soutenue.

Il a obtenu le prix Yad Vashem.

LA PLACE DU ROMAN POLICIER DANS LA BIBLIOTHEQUE DU CENTRE MEDEM

Les quelques 350 titres de roman policier présents dans notre bibliothèque occupent une place à part pour deux raisons principales :

La première : de la même façon qu’il existe un lectorat amateur de bande dessinée et rien d’autre, il existe aussi un vaste lectorat de roman policier, roman noir, thriller, roman d’espionnage,… Nous avons souhaité faciliter la recherche pour ces lecteurs, en signalant les polars par une pastille noire et en les regroupant.

La seconde : il y a quelques années de cela, nous avons exploré ce ” genre ” au travers d’une exposition  intitulée ” Du rififi au yiddishland “. L’objectif était de donner plus de visibilité à un genre souvent décrié, voire méprisé, lequel ne le mérite pas. Il n’y a pas de hiérarchie de valeur dès lors qu’un ouvrage de fiction est bien écrit. Pas plus qu’il n’y a pas de hiérarchie de contenu : certains polars nous décrivent les maux de notre temps, les difficultés à vivre, les révoltes des « petits », les relations familiales, la cupidité, la lâcheté, que sais-je encore, avec beaucoup plus d’acuité que ne le ferait un roman de 500 pages.

“Quel rapport avec le monde juif”, direz-vous: les juifs figurent en bonne place dans ce genre: coupables aussi bien que victimes ou redresseurs de tort; hommes et femmes confondus. Le polar nous donne à voir un monde juif sous toutes ses facettes: religieuses, sociale, culturelle. Comme un instantané pris à un moment donné. Ces personnages qui nous représentent vivent, aiment, enquêtent, tuent et mènent leur vie juive qui ressemble en tout point… à la nôtre. Ils sont notre miroir.

C’est pourquoi ce rayon est régulièrement garni de nouveautés.

Nous encourageons nos lecteurs à venir le découvrir.

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Livres de septembre – octobre

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LES EXPORTÉS

Sonia DEVILLERS

Flammarion, 288 pages

Dans « Les exportés », son premier livre, la journaliste de France Inter lève le voile sur les exactions dont ont été victimes la communauté juive sur le sol roumain de 1940 à 1989. Après une Shoah roumaine, la dictature communiste fit commerce de ses juifs, exportés vers des pays européens puis vers Israël, d’abord troqués contre du bétail avant d’être vendus pour des devises.

L’auteur nous raconte les dessous de l’arrivée en France de sa mère et de ses grands-parents en 1961, juifs et roumains ayant fui la Roumanie communiste de Ceaușescu, à la faveur d’un innommable trafic humain et remet en lumière un des secrets longtemps les mieux gardés.

Il leur en avait coûté une rançon de 12 000 dollars qu’ils mirent leur vie à rembourser. La Securitate fit de ce très juteux commerce de juifs contre bétail – porcs, vaches, moutons, taureaux, etc., de la plus haute qualité importés d’Australie, de Nouvelle-Zélande, du Danemark ou encore de Grande-Bretagne – une de ces ressources majeures. Dans une Roumanie communiste exsangue des décennies 1950, 1960 et 1970, la police politique secrète devint ainsi le premier producteur de viande destinée à l’export, grâce à de la main-d’œuvre de prisonniers.

Rien peut-être n’aurait été possible sans un personnage aussi intrigant qu’incontournable, Henry Jacober, lui-même juif d’Europe centrale devenu britannique, qui avait le bras très long et de très précieux relais dans la Securitate, pour orchestrer ce commerce.

Pour remettre en lumière ce commerce des hommes longtemps tenu dans le plus grand des secrets, elle s’est appuyée sur les travaux d’historiens, dont ceux, incontournables, de Radu Ioanid, aujourd’hui devenu ambassadeur de Roumanie en Israël.

Des 750 000 juifs roumains d’avant-guerre, massivement exterminés, ou exportés, vendus, contraints à l’exil, il en resta à peine 10 000 à la chute du communisme.

Les critiques de ce livre sont à la hauteur de ce que l’on ressent en le lisant : un récit historique bouleversant qui se lit comme un roman.

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QUAND TU ÉCOUTERAS CETTE CHANSON

Lola LAFON

Stock, 348 pages

Pour la collection Ma nuit au musée, Lola Lafon a choisi de passer une nuit dans l’Annexe du musée Anne Frank d’Amsterdam, où vécut recluse avec sa famille pendant deux ans l’adolescente, jusqu’à la déportation et la mort à Bergen-Belsen. 

A qui appartient Anne Frank? se demande Lola Lafon. Que peut-on apprendre encore sur “la jeune fille juive la plus aimée au monde” et sur son célèbre Journal (le livre le plus lu après la Bible, dit-on), dans ce lieu de vide et d’absence?

L’auteure découvre combien la personnalité affirmée, terriblement lucide d’Anne Frank a été lissée et détournée par Hollywood : pas de fin triste, pas d’évocation des Juifs et de l’extermination, pas de mention des nazis au motif de la réconciliation avec l’Allemagne. 

Avec subtilité, sensibilité et rigueur, sans jamais se substituer à Anne Frank, Lola Lafon raconte cette expérience très forte, mais aussi les résonances avec l’histoire de sa famille et avec sa propre judéité.

Et l’on se propose de relire le Journal dans sa nouvelle édition augmentée (Calmann-Lévy et Livre de poche).

JOURNAL DE PONARY, 1941-1943

Kazimierz SAKOWICZ

Grasset, 320 pages

Texte présenté, annoté et traduit du polonais par Alexandra LAIGNEL-LAVASTINE

Préface de Rachel MARGOLIS (1921-2015, combattante, par qui le journal est parvenu jusqu’à nous)

Ce texte constitue un témoignage oculaire unique sur la destruction quasi-totale de la population juive de Vilnius, dite la « Jérusalem du Nord », entre 1941 et 1944 dans la forêt de Ponary, à la lisière de la ville, où 70 000 Juifs ont été assassinés par balles au bord de sept immenses fosses.

Cette chronique des tueries fut rédigée par K. Sakowicz (1894-1944), un journaliste catholique polonais habitant au bord des lieux de massacre, posté sur sa véranda ou derrière la fenêtre de son grenier, qui a dissimulé son journal dans des bouteilles enterrées dans son jardin.

Seul témoignage direct de cette importance à retracer avec précision l’épouvantable tuerie par les nazis et leurs recrues locales, il décrit également les trafics lucratifs auxquels se livraient les voisins « marchands » : « 300 Juifs tués sont pour les nazis 300 Juifs de moins, mais pour les voisins 300 paires de chaussures en plus. »

L’historienne A. Laignel-Lavastine souligne dans sa Préface le fait que des dizaines de milliers de volontaires ont participé à l’extermination des Juifs et que la politique mémorielle actuelle de la Lituanie est de « distordre ou biffer son passé », tendance qui prend de l’ampleur et confère à la publication de ce document une importance particulière.

LA PESTE SUR VOS DEUX FAMILLES

Robert LITTELL

Flammarion, 298 pages

Ce roman parfaitement documenté raconte l’un des épisodes de la guerre entre les gangs russes, lesquels dirigent de fait l’économie du pays. Les deux chefs de gangs sont vieux, et sur le point de laisser la place à d’autres rapaces. Timour l’Ossète « protège » des entreprises convoitées par Nahum Caplan le juif.

Or, Timour dit le Boiteux a un fils, Roman, tandis que Nahum a une fille. Chacun des enfants veut se rebeller contre son père …

Un roman savoureux sur les pratiques des gangs russes, encore d’actualité aujourd’hui.

LA PLACE DU ROMAN POLICIER DANS LA BIBLIOTHEQUE DU CENTRE MEDEM

Les quelques 350 titres de roman policier présents dans notre bibliothèque occupent une place à part pour deux raisons principales :

La première : de la même façon qu’il existe un lectorat amateur de bande dessinée et rien d’autre, il existe aussi un vaste lectorat de roman policier, roman noir, thriller, roman d’espionnage,… Nous avons souhaité faciliter la recherche pour ces lecteurs, en signalant les polars par une pastille noire et en les regroupant.

La seconde : il y a quelques années de cela, nous avons exploré ce ” genre ” au travers d’une exposition  intitulée ” Du rififi au yiddishland “. L’objectif était de donner plus de visibilité à un genre souvent décrié, voire méprisé, lequel ne le mérite pas. Il n’y a pas de hiérarchie de valeur dès lors qu’un ouvrage de fiction est bien écrit. Pas plus qu’il n’y a pas de hiérarchie de contenu : certains polars nous décrivent les maux de notre temps, les difficultés à vivre, les révoltes des « petits », les relations familiales, la cupidité, la lâcheté, que sais-je encore, avec beaucoup plus d’acuité que ne le ferait un roman de 500 pages.

“Quel rapport avec le monde juif”, direz-vous: les juifs figurent en bonne place dans ce genre: coupables aussi bien que victimes ou redresseurs de tort; hommes et femmes confondus. Le polar nous donne à voir un monde juif sous toutes ses facettes: religieuses, sociale, culturelle. Comme un instantané pris à un moment donné. Ces personnages qui nous représentent vivent, aiment, enquêtent, tuent et mènent leur vie juive qui ressemble en tout point… à la nôtre. Ils sont notre miroir.

C’est pourquoi ce rayon est régulièrement garni de nouveautés.

Nous encourageons nos lecteurs à venir le découvrir.

L’équipe de la bibliothèque

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LES RESISTANTES

Judy BATALION

Les Arènes, 542 pages

Préface d’Annette WIEVIORKA

Cet ouvrage retrace les histoires captivantes et bouleversantes d’une vingtaine de très jeunes femmes – « des Juives fortes », dit l’auteure dans sa préface – qui choisirent la lutte armée dans les ghettos plutôt que la fuite.

A Bedzin, Cracovie, Vilnius, Varsovie, Radom, Auschwitz… Zivia Lubetkin (seule femme membre de l’Organisation juive de combat), Frumka, Hantze, Chajka, Renia, Tosia, Gusta, Hannah et tant d’autres combattantes engagées dans des mouvements sionistes, marxistes, bundistes, furent actives dans les caches, les souterrains, les trains, les forêts, les prisons, avec un courage inouï.

Ce projet historique et littéraire qui redonne vie à des héroïnes oubliées pour la plupart, celles qui ont péri et les quelques-unes qui ont survécu, s’appuie sur une importante documentation : recherches dans les centres d’archives de divers pays, autobiographies de rescapés, témoignages oraux.

L’auteure, petite-fille de survivants, a eu à cœur de restituer minutieusement la mémoire de cette histoire de bravoure exceptionnelle, d’amitié féminine et de survie.

Amour, mariage, sexualité : une histoire intime du nazisme (1930-1950) 

Elissa MAILÄNDER

éd. Du Seuil, 507p. (contenant un très gros corpus de notes)

Cet essai très novateur est remarquable à plus d’un titre :

Par sa forme, pour commencer : en effet, chaque chapitre commence par des exemples tirés de la vie quotidienne, basés sur des témoignages. C’est en analysant finement la parole des témoins que l’auteure nous amène à la conclusion qui clôt chaque chapitre. Cela facilite grandement le « travail » du lecteur.

Par la clairvoyance et la clarté des démonstrations :

Divisé en trois parties présentées dans l’ordre chronologique, l’essai nous permet de suivre l’implantation à la fois organisée et souple du nazisme dans les esprits :

Le nazisme se présente d’abord comme une organisation novatrice, surtout aux yeux de la jeunesse : plus de pression religieuse, il faut profiter de la vie sexuelle sans contrainte. Les jeunes « peuvent «  adhérer à des organisations dans lesquelles ils se sentent intégrés, où ils vont lier des liens d’amitié qui perdureront à la fin de la guerre, se trouvant tout naturellement leur voie future vers une nouvelle vie. Ces relations entre les deux sexes seront d’autant plus libres que le divorce pour tous sera instauré. Les conventions bourgeoises ne sont plus de mise : il faut profiter de la vie. Bien entendu, toute cette jeunesse ne perçoit pas les implications politiques profondes, ni les contraintes, ni le formatage des esprits induits par ces aspects nouveaux. Même le Lebensborn est idéalisé, alors même qu’il représente l’asservissement des femmes.

Lorsque la guerre éclate, que les jeunes gens font leur sac, les jeunes filles continuent de vivre « normalement », en rêvant du « bel aviateur » qui les éveillera à l’amour. La cohésion du corps social est alors très forte, l’espoir d’une victoire martelé à coup de propagande, surtout au cinéma, devenu très populaire.

Sur le front, les soldats s’habituent aux massacres en série, allant jusqu’à prendre des photographies les mettant en scène. Ces photographies représentent « un médium de masse » (page 266) dont l’exploitation est révélatrice des mentalités : la morale n’y a plus sa place ; c’est la violence proclamée dans toute son horreur. Les femmes sont en outre devenues des « objets » sexuels et non plus des partenaires.

Avec la fin de la guerre entrent en scène de nouveaux acteurs : les troupes victorieuses. Ces nouveaux soldats détrônent rapidement les soldats humiliés du Reich. Des femmes allemandes longtemps frustrées succomberont rapidement, par intérêt bien compris ou par instinct de survie. L’auteure note cependant que l’esprit patriarcal de domination masculine n’a jamais cessé d’exister.

Au bout du compte, l’on comprend mieux pourquoi cette période représente un souvenir heureux pour une bonne part de la population allemande, bien loin des remords auxquels nous aurions pu nous attendre.

Documentaire un peu long mais passionnant.

RETOUR RUE KROCHMALNA

Isaac Bashevis SINGER

Stock, 297 pages

Un texte inédit, paru en feuilleton en 1972 dans le journal yiddish Forverts, traduit de la version anglaise, selon la volonté de l’auteur pour la plupart de ses livres.

 Max, qui a fait fortune en Argentine, revient dans sa ville natale pour « affaires » : venir chercher à Varsovie une demi-douzaine de vierges pour la prostitution à Buenos Aires, sa femme Flora contrôlant la « marchandise ».

Au travers de ses personnages, I.B. Singer retourne dans la Varsovie juive du début du XXe siècle, celle des ruelles sombres, des tavernes, des truands et des rabbins, des jeunes filles innocentes et des maîtresses rouées.

On retrouve les grands thèmes traversant son œuvre : les aspirations vers le pur et l’impur, les tourments métaphysiques et charnels, le désintéressement et l’âpreté au gain, la fascination pour le trio amoureux, la culpabilité, la tentation constante de la fuite, le jeu avec l’idée de la mort, l’injustice divine (« Si dieu est mauvais, pourquoi ne puis-je pas l’être aussi ?» dit Max). La nostalgie des valeurs ancestrales de justice et d’entraide du judaïsme le dispute aux conduites égoïstes du profit individuel.

Le conteur éblouissant séduit de nouveau dans ce livre par son style vif, plein d’ironie, ses intrigues à rebondissements, ses dialogues brillants comme sortis du théâtre yiddish. Singer reste un maître dans ce roman plein de fantaisie où le drolatique côtoie la noirceur. 

On peut cependant ressentir un certain malaise à la description de héros obsédés par l’argent, prêts à divers trafics et lâchetés pour retirer davantage de jouissance matérielle et sexuelle – portraits hauts en couleurs mais faisant écho aux stéréotypes antisémites. Et le thème récurrent de l’homme mûr dévoyant de très jeunes filles, telle la douce Rashka, de l’homme frappant sa femme qui en « redemande », comme Max, du viol et de la prostitution, prend de nos jours une tonalité particulière, assez déplaisante, même si l’on s’efforce de remettre dans le contexte de l’époque et dans le cadre de la fiction, et si l’on connaît l’humour de l’auteur.

EST et OUEST. DERACINES

Wolf WIEVIORKA

Editions BIBLIOTHEQUE MEDEM, 345 pages

Traduction du yiddish par Batia Baum (premier recueil) et Shmuel BUNIM (second recueil)

Ces nouvelles écrites en 1936-37 se déroulent pour la plupart à Paris entre les deux guerres, dans un monde yiddish en plein éclatement tant à l’Est qu’en Europe.

Les héros en sont des immigrés juifs de Pologne, et on y trouve toute une galerie de jeunes gens sans métier, de pique-assiette, de camarades joyeusement désoeuvrés ou de rêveurs douloureusement solitaires. Dans cet “Entre deux mondes” (titre de la première nouvelle), on croise des parvenus et des ratés, des artistes affamés, des utopistes, des jeunes femmes idéalistes ou rouées. Chacun tente de se faire une place, de vivre ou survivre, entre espoirs et illusions.

La justesse du trait, la simplicité et l’humour rendent ces textes très attachants; les personnages hâbleurs ou désemparés qui traversent cet univers nous touchent. 

Et l’on songe au destin de l’auteur, écrivain et journaliste si talentueux, mort à Auschwitz, qui figure dans le Livre du Souvenir – le yisker-bukh – des “14 Ecrivains juifs parisiens assassinés“, paru en yiddish en 1946.

LIBRES D’OBEIR. LE MANAGEMENT, DU NAZISME A AUJOURD’HUI

Johann CHAPOUTOT

Gallimard, 172 pages

En huit courts chapitres, l’historien retrace le parcours du général SS Reinhard Höhn, archétype de l’intellectuel au service du IIIème Reich qui, après 5 ans de paisible clandestinité, bénéficia de la loi d’amnistie en 1949 et poursuivit une brillante carrière en Allemagne. L’ancien juriste, devenu théoricien du management, créa une école de commerce, académie de cadres qui va former pendant 20 ans l’élite des patrons de l’économie allemande. 

La thèse de Chapoutot est que cette méthode d’organisation du travail et de gestion des hommes prend sa source dans les vues développées par le IIIème Reich, fondées sur le racisme biologique et le darwinisme social.

Cette réflexion de J. Chapoutot sur le lien entre nazisme et management au XXème siècle n’a pas paru totalement convaincante à certains économistes et sociologues. Toutefois, cette étude du “cas” Höhn a le mérite d’attirer l’attention sur l’impunité qui fut celle de milliers de “cols blancs” du nazisme. Elle souligne également, considération politique importante pour l’auteur, que le règne du management n’est pas neutre.

LA LOI DU SANG 

Johann Chapoutot

Galllimard, 554 pages

Fin spécialiste de l’Allemagne nazie, Johann Chapoutot nous invite à aborder la problématique du nazisme en nous plongeant dans les racines profondes de l’histoire des idées et des mentalités du début du 20e siècle.

La plupart des théories scientifiques, historiques, juridiques élaborées par les nazis étaient déjà présentes sur le territoire européen : notion de race, mythe aryen, racisme, antisémitisme, etc… C’est en nous présentant une histoire complète des idées que l’auteur fait une synthèse brillante.

C’est presque de façon toute naturelle que les Allemands ont abouti à la conclusion que la pureté de la race était en danger ; que le seul moyen de la préserver était la pureté du sang allemand. Toute la nuance est nichée dans ce « presque ». Cette « loi du sang » n’a rien perdu de sa dangerosité.

Ne présentant pas de difficulté particulière, cet ouvrage de référence remarquable vous demandera une attention soutenue.

Il a obtenu le prix Yad Vashem.

Et toujours disponible la sélection de mai – juin

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SATIRES

Edgar Hilsenrath

Le Tripode, 143 pages

Edgar Hilsenrath est mort cette année ce petit livre est donc son dernier ; il clôt une œuvre riche avec une pirouette. « Non, je n’ai rien regretté », écrit-il en fin d’ouvrage.

Malgré la déportation, laquelle hante toute son œuvre.

Malgré le constat amer de voir les anciens nazis vivre tranquillement, avec leurs bons souvenirs de la guerre, comme ce Monsieur Zybulski. C’est un Monsieur Tout-le-Monde, dirait-on en français. On a beau le dépouiller de ses pelures, tel un oignon (Zybul), mais c’est toujours le même.

Mieux vaut en rire, s’amuser à ses dépens, ironiser, user de sarcasmes. Ce que Hilsenrath a toujours admirablement réussi à faire.

Il nous manquera.

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LA STUPEUR

Aharon APPELFELD

L’Olivier, 256 pages

Dans un village d’Ukraine sous occupation allemande, Iréna, une jeune paysanne maltraitée par un mari violent, découvre ses voisins juifs tenus en joue par le gendarme local, puis bientôt assassinés. Impuissante à les secourir, elle fuit.

Commence un périple aux accents bibliques. Les fantômes des victimes hantent les consciences chrétiennes. “Levez-vous et demandez pardon aux assassinés. Clamez que Jésus était juif.” Iréna est suivie comme une sainte ou chassée telle une sorcière. Et le typhus, comme la culpabilité, se propage.

Ce livre est le dernier paru du vivant d’Appelfeld.

Dans un style simple, plein d’âpreté et d’humanité, le récit développe des thèmes chers à l’auteur et interroge la foi face au Mal.

Il dessine un portrait lumineux de femme.

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COUPÉS DU MONDE : un militant du Bund raconte la survie et la résistance juive sous l’occupation nazie en Pologne

Yankev Celemenski

éd. Le Manuscrit, 464 pages

Héritier du Bund, le Centre Medem est redevable et reconnaissant à Michel Celemenski de nous permettre de lire ces mémoires. Pour bon nombre de nos « anciens », Yankev Celemenski avait d’abord été un membre éminent du Bund, représentant des tailleurs de Pologne, avant de jouer un rôle essentiel durant la guerre. Personnellement, j’ai encore en mémoire l’immense respect avec lequel mes propres parents parlaient de lui.

Ces souvenirs ont une très grande valeur et ce pour plusieurs raisons :

D’une part ils nous permettent de suivre au jour le jour ce que vivaient les juifs enfermés dans les ghettos. Nous pouvons aussi prendre la mesure du courage, de l’abnégation de tous les résistants ; de leur organisation, de leur solidarité. L’enfermement n’étant pas totalement hermétique, les militants cachés dans la partie non-juive des villes ont eu un grand rôle à jouer, malgré la prise de risque incommensurable que cela représentait.

D’autre part, nous découvrons l’infatigable activisme dont a fait preuve Yankev Celemenski, dans son rôle d’émissaire parcourant la Pologne, rendant visite et apportant aide matérielle et morale aux militants. Seule, l’absolue nécessité permet peut-être de comprendre la force, la volonté de fer dont a fait preuve Yankev Celemenski. Essayer de se représenter ses incessants voyages au milieu de tous les dangers est quasi impossible. Penser à la charge qui pesait sur les résistants, à leur dévouement sans faille, au défi d’une mort certaine, mais aussi à leur dignité d’être humain, nous les rend encore plus précieux.

Soulignons aussi le grand intérêt des notes historiques établies par Bernard Vaisbrot, surtout pour les lecteurs d’aujourd’hui.

Enfin ces mémoires remettent à l’honneur des héros méconnus ou oubliés. NOUS NE POUVONS PAS, NOUS NE DEVONS PAS LES OUBLIER.

A ce titre, ce livre a sa place, non seulement au centre Medem, mais chez chacun d’entre nous.

Nous, lecteurs, ne remercierons jamais assez toute l’équipe qui a œuvré afin de faire éditer cet ouvrage précieux : Michel Celemenski, Patricia Chandon-Piazza, et notre cher Bernard Vaisbrot , ainsi que Philippe Weyl de la Fondation Pour la Mémoire de la Shoah.

Yankev Celemenski à Vladek Home Brunoy en aout 1947.   Au 1e plan ; Suzanne Gertler Papiernik , Y Celemenski
Au 2e plan ; Mr Gertler , Mme Mehring , Rachel Pludermacher et Georges , Mme Gertler
(coll.archives Centre Medem)

 

 

 

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Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Livres de mai – juin 2022

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LA STUPEUR

Aharon APPELFELD

L’Olivier, 256 pages

Dans un village d’Ukraine sous occupation allemande, Iréna, une jeune paysanne maltraitée par un mari violent, découvre ses voisins juifs tenus en joue par le gendarme local, puis bientôt assassinés. Impuissante à les secourir, elle fuit.

Commence un périple aux accents bibliques. Les fantômes des victimes hantent les consciences chrétiennes. “Levez-vous et demandez pardon aux assassinés. Clamez que Jésus était juif.” Iréna est suivie comme une sainte ou chassée telle une sorcière. Et le typhus, comme la culpabilité, se propage.

Ce livre est le dernier paru du vivant d’Appelfeld.

Dans un style simple, plein d’âpreté et d’humanité, le récit développe des thèmes chers à l’auteur et interroge la foi face au Mal.

Il dessine un portrait lumineux de femme.

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COUPÉS DU MONDE : un militant du Bund raconte la survie et la résistance juive sous l’occupation nazie en Pologne

Yankev Celemenski

éd. Le Manuscrit, 464 pages

Héritier du Bund, le Centre Medem est redevable et reconnaissant à Michel Celemenski de nous permettre de lire ces mémoires. Pour bon nombre de nos « anciens », Yankev Celemenski avait d’abord été un membre éminent du Bund, représentant des tailleurs de Pologne, avant de jouer un rôle essentiel durant la guerre. Personnellement, j’ai encore en mémoire l’immense respect avec lequel mes propres parents parlaient de lui.

Ces souvenirs ont une très grande valeur et ce pour plusieurs raisons :

D’une part ils nous permettent de suivre au jour le jour ce que vivaient les juifs enfermés dans les ghettos. Nous pouvons aussi prendre la mesure du courage, de l’abnégation de tous les résistants ; de leur organisation, de leur solidarité. L’enfermement n’étant pas totalement hermétique, les militants cachés dans la partie non-juive des villes ont eu un grand rôle à jouer, malgré la prise de risque incommensurable que cela représentait.

D’autre part, nous découvrons l’infatigable activisme dont a fait preuve Yankev Celemenski, dans son rôle d’émissaire parcourant la Pologne, rendant visite et apportant aide matérielle et morale aux militants. Seule, l’absolue nécessité permet peut-être de comprendre la force, la volonté de fer dont a fait preuve Yankev Celemenski. Essayer de se représenter ses incessants voyages au milieu de tous les dangers est quasi impossible. Penser à la charge qui pesait sur les résistants, à leur dévouement sans faille, au défi d’une mort certaine, mais aussi à leur dignité d’être humain, nous les rend encore plus précieux.

Soulignons aussi le grand intérêt des notes historiques établies par Bernard Vaisbrot, surtout pour les lecteurs d’aujourd’hui.

Enfin ces mémoires remettent à l’honneur des héros méconnus ou oubliés. NOUS NE POUVONS PAS, NOUS NE DEVONS PAS LES OUBLIER.

A ce titre, ce livre a sa place, non seulement au centre Medem, mais chez chacun d’entre nous.

Nous, lecteurs, ne remercierons jamais assez toute l’équipe qui a œuvré afin de faire éditer cet ouvrage précieux : Michel Celemenski, Patricia Chandon-Piazza, et notre cher Bernard Vaisbrot , ainsi que Philippe Weyl de la Fondation Pour la Mémoire de la Shoah.

Yankev Celemenski à Vladek Home Brunoy en aout 1947.   Au 1e plan ; Suzanne Gertler Papiernik , Y Celemenski
Au 2e plan ; Mr Gertler , Mme Mehring , Rachel Pludermacher et Georges , Mme Gertler
(coll.archives Centre Medem)

 

 

 

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SATIRES

Edgar Hilsenrath

Le Tripode, 143 pages

Edgar Hilsenrath est mort cette année ce petit livre est donc son dernier ; il clôt une œuvre riche avec une pirouette. « Non, je n’ai rien regretté », écrit-il en fin d’ouvrage.

Malgré la déportation, laquelle hante toute son œuvre.

Malgré le constat amer de voir les anciens nazis vivre tranquillement, avec leurs bons souvenirs de la guerre, comme ce Monsieur Zybulski. C’est un Monsieur Tout-le-Monde, dirait-on en français. On a beau le dépouiller de ses pelures, tel un oignon (Zybul), mais c’est toujours le même.

Mieux vaut en rire, s’amuser à ses dépens, ironiser, user de sarcasmes. Ce que Hilsenrath a toujours admirablement réussi à faire.

Il nous manquera.

Et toujours disponible la sélection de mars – avril

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SMOTSHE, biographie d’une rue juive de Varsovie 

Benny Mer

L’antilope, 335 pages

Comment est-il possible de faire la biographie d’une RUE ? En lui redonnant la vie. C’est ce à quoi s’est attelé le journaliste et traducteur du yiddish Benny Mer. Avec détermination, avec méthode, avec minutie, il a accumulé un matériau d’ethnologue, traquant les données dans tous les domaines : souvenirs, archives, journaux, petites annonces, etc…

Cela donne un texte passionnant. Nous voyons revivre sous nos yeux une rue juive de Varsovie, ses habitants, ses commerces, ses enfants des rues, sa police, ses voyous, bref tout ce fourmillement humain où la misère joue un grand rôle ; mais aussi la culture ! Il y eut un théâtre dans cette rue ; on y découvrit les premiers films !

C’est à travers un poème yiddish, « Mayn schvester Hayè », de Binem Heller, mis en musique par Chavè Alberstein, que commence cette découverte : « Smotshè-gas mit di krumè trep ». C’est la « recherche mélancolique de la rue perdue » (page 31). C’est aussi un émouvant hommage à un monde yiddish disparu.

Un récit magnifique et bouleversant

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LES NÉTANYAHOU

Joshua Cohen

Grasset, 347 pages

Ce roman drôle et grave tout à la fois nous donne l’impression d’avoir affaire à Deux peuples juifs : celui des Etats-Unis, venu des shtetlech d’Europe de l’Est, qui se défait peu à peu de sa culture pour s’assimiler ; celui d’Israël, vu comme une bande de malappris emplis de Chutzpeh.

Les travers de ces deux cultures sont présentés sous un même jour ironique, mais il me semble que les Nétanyahou ont droit à un « traitement de faveur » !

Le modeste professeur Blum, titulaire dans une petite université de province, est chargé d’une mission délicate par ses pairs. Etant le seul juif, on lui a demandé d’examiner la candidature d’un certain Professeur Nétanyahou, spécialiste d’histoire juive médiévale. Cette famille agitée, dévastatrice, indomptable s’installe chez les Blum, suite à la décision de… Mme Nétanyahou.

De son côté, Blum est nanti d’une famille compliquée en raison des origines de ses parents et beaux-parents, les uns allemands, donc prétentieux ; les autres polonais, donc angoissés de naissance !

Nétanyahou s’avère être un tenant des théories révisionnistes de Jabotinsky, ce qui ne manque pas d’effrayer la communauté de professeurs férus de la Bible.

Blum quant à lui, est un Américain ayant bien intégré les règles de la bienséance américaine, n’aimant pas les conflits. Il sera servi ! Son seul gros problème étant l’adolescence tourmentée de sa fille Judy.

A travers le portrait de deux communautés juives décrites avec drôlerie (certaines scènes sont pleines de gags très amusants), Cohen ne prend pas partie. C’est sa fille Judy qui le fera, en déclarant qu’il n’y a qu’un seul et unique peuple sur terre : celui de l’espèce humaine en voie de disparition.

Excellent roman

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L’ÂME AU DIABLE

Yoram Leker

éd. Viviane Hamy, 288 pages

Selon une partie de la population d’Israël, celui qui « a vendu son âme au diable » se nomme Rezso Kästner : c’est pour sauver quelques 1684 juifs hongrois de la déportation qu’il a conclu un accord avec le diable en personne, c’est-à-dire Adolf Eichmann, ce bourreau soi-disant « banal ».

Ce livre est écrit en hommage à Kästner car l’auteur et sa famille lui doivent la vie. En racontant la vie de sa famille hongroise, écrite en parallèle avec celle de Kästner et de Joël Brand, Yoram Leker fait œuvre de témoin : il rétablit ainsi la véritable histoire, totalement incomprise par de nombreux dirigeants israéliens de la post-guerre. Incomprise ? Il faudrait plutôt dire « occultée », car révélant la lâcheté de Ben Gourion, la duplicité du juge Halévy. Le temps a fini par donner raison à l’auteur, puisque Kästner a été réhabilité. Hélas, il ne l’a pas su, ayant été assassiné par un voyou de l’extrême-droite.

Son histoire familiale est par ailleurs très émouvante ; les personnalités originales nombreuses et attachantes, leur volonté de vivre, nous touchent au plus haut point.

Ce texte n’est pas un roman : c’est un magnifique témoignage sur les juifs de Hongrie durant la Seconde Guerre mondiale.

PETER SPIER

un illustrateur juif américain un peu oublié (1927-2017)

L’album le plus célèbre de Spier est sans nul doute « Sept milliards de visages », paru à l’Ecole des loisirs en 1981.

Peter Spier est né à Amsterdam dans une famille juive. Son père était journaliste et satiriste. C’est lui qui l’a initié au dessin. Pendant la guerre, son père et lui ont été internés à Theresienstadt. Peter est entré à l’école d’art graphique d’Amsterdam à l’âge de 18 ans, après la guerre. Toute la famille a émigré aux Etats-Unis en 1950. Peter a débuté dans la publicité, avant de se faire un nom dans l’illustration pour la jeunesse.

Ses illustrations ont un style très reconnaissable : personnages tout petits, dessinés à la plume avec beaucoup de finesse, rehaussées de couleurs très gaies ; les détails sont représentés avec beaucoup d’exactitude ; son sens de l’observation fait merveille, en particulier dans les effets de masse où chaque détail est visible. Les enfants ne s’y trompent pas, capables de passer de longs moments à observer chaque page et à découvrir la richesse de l’illustration. Les thèmes qui ont inspiré Spier sont ceux d’un humanisme plein de tendresse. Il est titulaire de la médaille Caldecott, attribuée aux illustrateurs de livres pour la jeunesse les plus célèbres aux Etats-Unis (ex : Maurice Sendak)

Principaux titres encore disponibles en français, édités à l’Ecole des loisirs :

Sept milliards de visages

Le Cirque Mariano

Le livre de Jonas

LE PAIN PERDU

Edith Bruck

Ed. du sous-sol, 168 pages

Ce texte autobiographique est le résumé de toute une vie : la jeune Ditke et sa famille juive vivent à l’écart dans un petit village hongrois. Nous sommes à la veille de l’invasion de la Pologne et l’inquiétude est d’autant plus forte que l’hostilité se fait menaçante. Ditke est déchirée entre ses deux parents que la misère accable : d’un côté, son père, homme humble et silencieux ; de l’autre sa mère, profondément religieuse, dure à la tâche et avec les autres. L’arrivée des nazis, le départ pour les camps fait éclater la famille. Au retour, ils ne sont plus que quatre.

Se retrouvant en Israël avec ce qui reste de sa fratrie, Ditke ne parvient pas à vivre « normalement ». Elle fuit en Italie, pays dans lequel elle retrouvera un semblant de paix, devenant écrivain et témoin infatigable de la Shoah.

Ce livre semble raconté d’une seule traite, avec une grande simplicité. Ditke a survécu grâce à sa sœur Judit, enfermée avec elle dans les mêmes camps. Mais son parcours est celui d’une révoltée luttant contre la haine et pour la liberté.

Très intéressant

Née en 1932 dans un village de Hongrie, Edith Bruck raconte son enfance très pauvre dans une famille nombreuse juive. Enfermée dans le ghetto, puis déportée à Auschwitz en 1944 avec les siens qu’elle ne reverra plus, elle est envoyée avec sa soeur de camp en camp, Birkenau, Dachau, Bergen-Belsen, jusqu’à la libération par l’armée américaine. 

Le retour à la vie pour la jeune fille de 14 ans se fera très difficilement : l’adaptation impossible en Israël, le besoin immodéré de liberté, l’accueil peu chaleureux de membres de sa famille, l’impossibilité de raconter hors l’écriture, les mariages et divorces. Tour à tour chanteuse, danseuse, elle trouve enfin sa terre d’accueil, l’Italie, dont elle adopte pleinement la langue. 

Ce témoin inlassable, amie de Primo Levi, manifeste une vitalité et un désir de vivre extraordinaires. Poétesse, scénariste, journaliste, traductrice, son écriture est claire et directe, dénuée de tout pathos. Les mots sont depuis l’enfance son refuge. “Il faudrait des mots nouveaux, y compris pour raconter Auschwitz, une langue nouvelle, qui blesse moins que la maternelle.”

Lauréate de nombreux prix et distinctions, Edith Bruck reçut, comme en réponse à sa bouleversante LETTRE A DIEU la visite chez elle à Rome du Pape François.

LA FILIERE

Philippe Sand

Editions de Poche

Oto Von Wächter adhère en 1923 au parti nazi.

Durant la guerre, il devient gouverneur de Cracovie puis du district de Galicie.

Dès 1945, après la défaite du Reich, il se cache à Rome. Il meurt en Italie en 1949 dans des circonstances suspectes.

Mais comment a-t-il pu échapper à la justice et de quelles complicités a-t-il bénéficié ?

Sa mort est-elle naturelle ?

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LA TRESSE DE MA GRAND-MÈRE

Anna Bronski

Actes sud, 208 pages

Au début des années 1990, un couple de Russes émigre en Allemagne avec leur petit fils, Max, âgé de 5 ans.

Ils sont accueillis dans un foyer de réfugiés juifs.

Malgré l’amour étouffant de sa grand mère, Max arrive à découvrir une culture étrangère et ce faisant grandit en cheminant pas à pas vers l’indépendance.

Divertissant, burlesque, *La Tresse de Grand-mère* joue avec la tradition du roman satirique russe.

Alina Bronsky a grandi du côté asiatique des monts Oural. À treize ans, elle quitte la Russie avec sa famille pour s’installer en Allemagne.

Acclamée par la critique allemande et américaine, elle est la lauréate de plusieurs prix littéraires;

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LE SILENCE EST D’OR

Yonatan Sagiv

L’Antilope,  430 pages

Après « Secrets de Polichinelle », voici la deuxième aventure policière de Oded Hefer, le détective privé de Tel-Aviv. Il est dépeint avec tous les codes de la modernité occidentale : homosexuel se sentant femme, il parle de lui-même en tant que telle ; il navigue dans un milieu qui lui ressemble ; sa vie est un échec à tout point de vue, sentimental, sociétal, familial.

Parti à la recherche du chat de sa grand-mère, laquelle vit en Ehpad, Oded découvre le cadavre d’un autre pensionnaire. Ecarté de l’enquête par la police, il ne peut s’empêcher de mener sa propre investigation…

C’est ainsi que nous entreprenons un voyage à travers tous les maux de la société israélienne de Tel-Aviv, ni pire ni meilleure qu’une autre ; le tout dans une langue crue et décapante, souvent pleine de drôlerie. Tableau à la fois saisissant et ironique, brut de décoffrage !

Excellent roman

Nos sélections récentes

Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Livres de mars – avril 2022

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SMOTSHE, biographie d’une rue juive de Varsovie 

Benny Mer

L’antilope, 335 pages

Comment est-il possible de faire la biographie d’une RUE ? En lui redonnant la vie. C’est ce à quoi s’est attelé le journaliste et traducteur du yiddish Benny Mer. Avec détermination, avec méthode, avec minutie, il a accumulé un matériau d’ethnologue, traquant les données dans tous les domaines : souvenirs, archives, journaux, petites annonces, etc…

Cela donne un texte passionnant. Nous voyons revivre sous nos yeux une rue juive de Varsovie, ses habitants, ses commerces, ses enfants des rues, sa police, ses voyous, bref tout ce fourmillement humain où la misère joue un grand rôle ; mais aussi la culture ! Il y eut un théâtre dans cette rue ; on y découvrit les premiers films !

C’est à travers un poème yiddish, « Mayn schvester Hayè », de Binem Heller, mis en musique par Chavè Alberstein, que commence cette découverte : « Smotshè-gas mit di krumè trep ». C’est la « recherche mélancolique de la rue perdue » (page 31). C’est aussi un émouvant hommage à un monde yiddish disparu.

Un récit magnifique et bouleversant

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LES NÉTANYAHOU

Joshua Cohen

Grasset, 347 pages

Ce roman drôle et grave tout à la fois nous donne l’impression d’avoir affaire à Deux peuples juifs : celui des Etats-Unis, venu des shtetlech d’Europe de l’Est, qui se défait peu à peu de sa culture pour s’assimiler ; celui d’Israël, vu comme une bande de malappris emplis de Chutzpeh.

Les travers de ces deux cultures sont présentés sous un même jour ironique, mais il me semble que les Nétanyahou ont droit à un « traitement de faveur » !

Le modeste professeur Blum, titulaire dans une petite université de province, est chargé d’une mission délicate par ses pairs. Etant le seul juif, on lui a demandé d’examiner la candidature d’un certain Professeur Nétanyahou, spécialiste d’histoire juive médiévale. Cette famille agitée, dévastatrice, indomptable s’installe chez les Blum, suite à la décision de… Mme Nétanyahou.

De son côté, Blum est nanti d’une famille compliquée en raison des origines de ses parents et beaux-parents, les uns allemands, donc prétentieux ; les autres polonais, donc angoissés de naissance !

Nétanyahou s’avère être un tenant des théories révisionnistes de Jabotinsky, ce qui ne manque pas d’effrayer la communauté de professeurs férus de la Bible.

Blum quant à lui, est un Américain ayant bien intégré les règles de la bienséance américaine, n’aimant pas les conflits. Il sera servi ! Son seul gros problème étant l’adolescence tourmentée de sa fille Judy.

A travers le portrait de deux communautés juives décrites avec drôlerie (certaines scènes sont pleines de gags très amusants), Cohen ne prend pas partie. C’est sa fille Judy qui le fera, en déclarant qu’il n’y a qu’un seul et unique peuple sur terre : celui de l’espèce humaine en voie de disparition.

Excellent roman

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L’ÂME AU DIABLE

Yoram Leker

éd. Viviane Hamy, 288 pages

Selon une partie de la population d’Israël, celui qui « a vendu son âme au diable » se nomme Rezso Kästner : c’est pour sauver quelques 1684 juifs hongrois de la déportation qu’il a conclu un accord avec le diable en personne, c’est-à-dire Adolf Eichmann, ce bourreau soi-disant « banal ».

Ce livre est écrit en hommage à Kästner car l’auteur et sa famille lui doivent la vie. En racontant la vie de sa famille hongroise, écrite en parallèle avec celle de Kästner et de Joël Brand, Yoram Leker fait œuvre de témoin : il rétablit ainsi la véritable histoire, totalement incomprise par de nombreux dirigeants israéliens de la post-guerre. Incomprise ? Il faudrait plutôt dire « occultée », car révélant la lâcheté de Ben Gourion, la duplicité du juge Halévy. Le temps a fini par donner raison à l’auteur, puisque Kästner a été réhabilité. Hélas, il ne l’a pas su, ayant été assassiné par un voyou de l’extrême-droite.

Son histoire familiale est par ailleurs très émouvante ; les personnalités originales nombreuses et attachantes, leur volonté de vivre, nous touchent au plus haut point.

Ce texte n’est pas un roman : c’est un magnifique témoignage sur les juifs de Hongrie durant la Seconde Guerre mondiale.

PETER SPIER

un illustrateur juif américain un peu oublié (1927-2017)

L’album le plus célèbre de Spier est sans nul doute « Sept milliards de visages », paru à l’Ecole des loisirs en 1981.

Peter Spier est né à Amsterdam dans une famille juive. Son père était journaliste et satiriste. C’est lui qui l’a initié au dessin. Pendant la guerre, son père et lui ont été internés à Theresienstadt. Peter est entré à l’école d’art graphique d’Amsterdam à l’âge de 18 ans, après la guerre. Toute la famille a émigré aux Etats-Unis en 1950. Peter a débuté dans la publicité, avant de se faire un nom dans l’illustration pour la jeunesse.

Ses illustrations ont un style très reconnaissable : personnages tout petits, dessinés à la plume avec beaucoup de finesse, rehaussées de couleurs très gaies ; les détails sont représentés avec beaucoup d’exactitude ; son sens de l’observation fait merveille, en particulier dans les effets de masse où chaque détail est visible. Les enfants ne s’y trompent pas, capables de passer de longs moments à observer chaque page et à découvrir la richesse de l’illustration. Les thèmes qui ont inspiré Spier sont ceux d’un humanisme plein de tendresse. Il est titulaire de la médaille Caldecott, attribuée aux illustrateurs de livres pour la jeunesse les plus célèbres aux Etats-Unis (ex : Maurice Sendak)

Principaux titres encore disponibles en français, édités à l’Ecole des loisirs :

Sept milliards de visages

Le Cirque Mariano

Le livre de Jonas

LE PAIN PERDU

Edith Bruck

Ed. du sous-sol, 168 pages

Ce texte autobiographique est le résumé de toute une vie : la jeune Ditke et sa famille juive vivent à l’écart dans un petit village hongrois. Nous sommes à la veille de l’invasion de la Pologne et l’inquiétude est d’autant plus forte que l’hostilité se fait menaçante. Ditke est déchirée entre ses deux parents que la misère accable : d’un côté, son père, homme humble et silencieux ; de l’autre sa mère, profondément religieuse, dure à la tâche et avec les autres. L’arrivée des nazis, le départ pour les camps fait éclater la famille. Au retour, ils ne sont plus que quatre.

Se retrouvant en Israël avec ce qui reste de sa fratrie, Ditke ne parvient pas à vivre « normalement ». Elle fuit en Italie, pays dans lequel elle retrouvera un semblant de paix, devenant écrivain et témoin infatigable de la Shoah.

Ce livre semble raconté d’une seule traite, avec une grande simplicité. Ditke a survécu grâce à sa sœur Judit, enfermée avec elle dans les mêmes camps. Mais son parcours est celui d’une révoltée luttant contre la haine et pour la liberté.

Très intéressant

LA FILIERE

Philippe Sand

Editions de Poche

Oto Von Wächter adhère en 1923 au parti nazi.

Durant la guerre, il devient gouverneur de Cracovie puis du district de Galicie.

Dès 1945, après la défaite du Reich, il se cache à Rome. Il meurt en Italie en 1949 dans des circonstances suspectes.

Mais comment a-t-il pu échapper à la justice et de quelles complicités a-t-il bénéficié ?

Sa mort est-elle naturelle ?

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LA TRESSE DE MA GRAND-MÈRE

Anna Bronski

Actes sud, 208 pages

Au début des années 1990, un couple de Russes émigre en Allemagne avec leur petit fils, Max, âgé de 5 ans.

Ils sont accueillis dans un foyer de réfugiés juifs.

Malgré l’amour étouffant de sa grand mère, Max arrive à découvrir une culture étrangère et ce faisant grandit en cheminant pas à pas vers l’indépendance.

Divertissant, burlesque, *La Tresse de Grand-mère* joue avec la tradition du roman satirique russe.

Alina Bronsky a grandi du côté asiatique des monts Oural. À treize ans, elle quitte la Russie avec sa famille pour s’installer en Allemagne.

Acclamée par la critique allemande et américaine, elle est la lauréate de plusieurs prix littéraires;

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LE SILENCE EST D’OR

Yonatan Sagiv

L’Antilope,  430 pages

Après « Secrets de Polichinelle », voici la deuxième aventure policière de Oded Hefer, le détective privé de Tel-Aviv. Il est dépeint avec tous les codes de la modernité occidentale : homosexuel se sentant femme, il parle de lui-même en tant que telle ; il navigue dans un milieu qui lui ressemble ; sa vie est un échec à tout point de vue, sentimental, sociétal, familial.

Parti à la recherche du chat de sa grand-mère, laquelle vit en Ehpad, Oded découvre le cadavre d’un autre pensionnaire. Ecarté de l’enquête par la police, il ne peut s’empêcher de mener sa propre investigation…

C’est ainsi que nous entreprenons un voyage à travers tous les maux de la société israélienne de Tel-Aviv, ni pire ni meilleure qu’une autre ; le tout dans une langue crue et décapante, souvent pleine de drôlerie. Tableau à la fois saisissant et ironique, brut de décoffrage !

Excellent roman

Et toujours disponible la sélection de janvier – février

LES LARMES DE L’HISTOIRE, de Kichinev à Pittsburgh

Pierre Birnbaum

Gallimard, 199 pages

Dans cet essai d’une grande clarté, l’auteur montre combien la vie juive peut être différente d’un continent à l’autre ; en l’occurrence l’Amérique et l’Europe. Il base sa démonstration sur le travail d’historien de Salo Baron (1895-1989), celui-ci considérant que le judaïsme a trouvé en Amérique sa terre d’élection : pas d’antisémitisme d’état, pas de pogrom, pas de contrainte étatique due à la centralisation. Or, il faut désormais nuancer cette affirmation ; d’une part, le lynchage de Leo Franck à Atlanta, en 1914, a laissé des traces indélébiles dans la communauté ; d’autre part a eu lieu en 2018 le massacre de la synagogue de Pittsburgh.

Dès lors, que reste-t-il de la « goldene medinè » ? L’Amérique va mal et n’est pas tirée d’affaire : les slogans antisémites ont fleuri lors de l’attaque du Capitole et Trump n’a pas dit son dernier mot. Les suprématistes blancs sont prêts à tout pour revenir sur le devant de la scène.

C’est une réflexion lucide sur les dangers qui guettent l’Amérique.

YANKEL – Celui qui parlait peu

Michel Rotfus

L’Eclat des mots, 335p.

De nombreux enfants d’immigrés, devenus écrivains, ont retracé le parcours de leurs parents ; Yankel fait bien partie de cette lignée, tout en présentant deux particularités : la première tient à la personnalité même du personnage principal, Yankel, un taiseux illettré ; l’autre étant le choix de l’auteur de dérouler cette histoire de façon chronologique précise, faisant le lien avec l’Histoire des juifs de Pologne. Cela fait du roman un quasi « docu-roman ».

Le récit commence en 1910, à Garwolin, petite ville rattachée à la région de Lublin. Reb Leibl vient de subir une terrible offense : son fils Yankel, âgé de cinq ans, a été renvoyé du Heider. Il ne peut ni le comprendre, ni lui pardonner, se détournant définitivement de lui. C’est Wulf, le père de Leibl, qui prend son petit-fils en charge.

Jusqu’à l’âge de vingt ans, Yankel va ainsi passer son temps derrière la vitre à observer le monde extérieur qu’il ne se sent pas capable d’affronter. Wulf va faire de son mieux pour le comprendre, l’aimer et tenter de l’éduquer. Un autre juif, Moyshe va le prendre en apprentissage, le considérant comme ce fils qu’il n’a jamais pu avoir. C’est lui qui l’emmène dans les cercles bundistes naissants, parmi des gens tolérants et sans préjugé.

Très bien documenté, ce roman passionnant permettra à certains d’entre nous de comprendre le parcours de leurs parents, grâce à tous les détails de la vie quotidienne de cette bourgade. Grâce à l’auteur, nous partageons les désespoirs, les chagrins de tout ce petit peuple dont beaucoup parmi nous sont issus.

Un grand merci à Erez pour son travail remarquable.

LE LIBRAIRE DE COLOGNE

Catherine Ganz-Muller

éd. Scrinéo, 277 pages

Les éditions Scrinéo sont essentiellement dédiées à la littérature pour collégiens. Tout comme Oskar jeunesse pour les plus jeunes, Scrinéo traite de sujets qui ont trait à l’actualité et surtout à l’histoire sociale : guerre, intolérance, racisme.

On peut les rattacher à la « littérature engagée ». C’est bien là que le bât blesse : en voulant faire œuvre utile, le risque est de mettre de côté ce qui fait la valeur d’un livre, c’est-à-dire son style, la patte de l’écrivain et tout ce que cela comporte d’émotion.

Basée sur une histoire vraie, l’intrigue de ce roman est très intéressante : obligé de quitter Cologne après la Nuit de Cristal, un libraire juif confie sa chère librairie à son commis, Hans Schreiber. Celui-ci, par attachement à son mentor, et par esprit de résistance, va passer toute la guerre à faire survivre  la librairie, dans les pires conditions. Nous suivons ses efforts au jour le jour, jusqu’à la fin de la guerre et au-delà.

Cette histoire toute factuelle permettra au lecteur de se faire une assez bonne idée de la vie quotidienne dans une grande ville allemande, sous le nazisme.

Cependant, il y manque un peu d’empathie, un peu de chaleur humaine. C’est « trop » démonstratif » selon moi.

Dommage

LE TYPOGRAPHE DE WHITECHAPEL

Rosie Pinhaas-Delpuech

Actes Sud, 182 pages

Voici un petit ouvrage à la fois passionnant et dérangeant (de mon point de vue). L’auteure, traductrice de l’hébreu, retrace de façon très vivante le parcours cahotique du premier intellectuel qui a voulu créer l’hébreu moderne. Fuyant la Russie, le jeune Brenner s’installe à Whitechapel (Londres), le quartier pouilleux des émigrés juifs. C’est une époque bouillonnante, au cours de laquelle vont émerger des idées nouvelles : défense du prolétariat, sionisme, bundisme …

Brenner, mû par la passion, veut redonner vie à la langue sacerdotale, la langue des hommes, par opposition au méprisable jargon yiddish parlé par les femmes… Devenu typographe, afin de fonder une nouvelle revue, éphémère, il quitte Londres et cherche un lieu où s’installer définitivement. C’est à Hadera (Galilée) qu’il se fixe ; c’est là qu’il sera assassiné.

Replacée dans son cadre historique, cette vie intense, passionnée et troublée (Brenner a semble-t-il un problème avec la gente féminine), est aussi celle d’un prophète illuminé.

Mon seul bémol, il est de taille, concerne la vision du yiddish, ce jargon de bonnes femmes…

A découvrir

L’HOMME QUI PEIGNAIT LES AMES

Metin Arditi

Grasset, 292 pages

Ce nouveau roman de Metin Arditi est l’un de ses plus ambitieux : à partir de quelques données factuelles sur un peintre palestinien du siècle de Jésus, il aborde la question des trois monothéismes, de leur consanguinité et de leur relation à l’art. Vaste sujet…

Avner, jeune homme né dans une famille juive, possède un don prodigieux : celui de peindre des portraits frappants de vérité intérieure. Comme nous le savons, les trois religions du Livre l’interdisent. Afin de pouvoir poursuivre son œuvre, Avner se convertit au christianisme (et devient « Anastase le petit »), en vue de peindre des icônes. Mais de nombreux prêtres s’opposent à lui car ses icônes n’obéissent pas au canon en vigueur. C’est un musulman plein d’empathie qui lui vient en aide.

Cette réflexion sur la religion, sur ses contraintes, ses outrances, ses violences est très clairement un procès à charge : que la religion intervienne dans tous les aspects de la vie humaine n’est pas acceptable. Il faut que la tolérance, la bienveillance et l’ouverture d’esprit soient défendues, comme c’est le cas dans ce roman, par des individus moins obtus.

Intéressant

AMITIE : LA DERNIERE RETOUCHE D’ERNST LUBITSCH

Samson Raphaelson

éd. Allia, 69p.

La bibliothèque possède assez peu d’ouvrages documentaires sur le cinéma. Or, s’il y a un domaine dans lequel les juifs font bonne figure, c’est bien le cinéma. Voici un charmant petit livre, écrit par le scénariste préféré de Lubitsch. Il raconte comment lui, auteur de pièces de théâtre, se met à travailler avec Lubitsch, dans une connivence étroite mais distante. Ce qui l’amène à se poser la question : sont-ils amis ?

La chute de cette histoire est excellente.

Souvenirs très plaisants à lire.

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BILLY WILDER ET MOI

Jonathan Coe

Gallimard, 297 pages

Dans ce roman empreint de mélancolie, l’auteur met en scène la rencontre entre deux personnages : Calista, une jeune grecque inculte en vacances aux Etats-Unis, et Billy Wilder en fin de carrière.

Billy Wilder veut réaliser ce qui sera son dernier film, « Fedora » ; il lui faut pour cela trouver un producteur. Cela s’avère très difficile car il n’est plus à la mode. Quant à Calista, musicienne à ses heures, elle va faire une sorte d’apprentissage auprès du réalisateur et de son scénariste Izzy Diamond. Coe nous rappelle aussi que Wilder, sous son apparente légèreté, cache la blessure profonde que lui a laissée la perte de sa mère, morte en déportation.

A partir de cette intrigue, Coe se penche avec humour et nostalgie sur la fuite du temps, sur l’Europe brillante de Lubitsch et de Wilder, restés Européens de culture, sur notre époque qui oublie si facilement ses icônes d’hier.

Excellent roman

N’OUBLIEZ PAS LEURS NOMS

Simon Stranger

éd. du Globe ; traduit du norvégien, 326pages

Ce  qui ressemble au premier abord à une enquête est un roman. Un roman familial basé sur une histoire vraie : celle de juifs norvégiens ayant survécu à la guerre ; assimilés, mais conscients de leur judéité. L’auteur, marié à une juive, découvre peu à peu que l’histoire de la famille de sa femme figure dans les archives nationales, ainsi que sur certains « pavés » nominaux d’Oslo et de Trondheim. L’arrière-grand-père de sa femme, Hirsch Komissar, a été assassiné en 1942. Il découvre aussi que la maison de famille dans laquelle ont vécu Gerson, son fils, ainsi que sa femme et ses enfants en 1948 avait la réputation d’être « hantée ».

En cherchant toujours plus avant, il en comprend la raison : cette maison a servi de repaire à un nazi norvégien dont il va reconstituer le parcours : Henry Oliver Rinan, jeune homme timoré et solitaire, devient le suppôt des nazis en traquant les résistants norvégiens, en les dénonçant et en les torturant avant de les assassiner.

En se focalisant sur l’histoire de Rinan, Stranger écrit une double histoire dans laquelle se télescopent certains épisodes. Ce roman nous semble d’autant plus intéressant que nous savons fort peu de choses sur la vie des juifs norvégiens durant la guerre.

Très intéressant

Nos sélections récentes

Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Livres de janvier – février 2022

LES LARMES DE L’HISTOIRE, de Kichinev à Pittsburgh

Pierre Birnbaum

Gallimard, 199 pages

Dans cet essai d’une grande clarté, l’auteur montre combien la vie juive peut être différente d’un continent à l’autre ; en l’occurrence l’Amérique et l’Europe. Il base sa démonstration sur le travail d’historien de Salo Baron (1895-1989), celui-ci considérant que le judaïsme a trouvé en Amérique sa terre d’élection : pas d’antisémitisme d’état, pas de pogrom, pas de contrainte étatique due à la centralisation. Or, il faut désormais nuancer cette affirmation ; d’une part, le lynchage de Leo Franck à Atlanta, en 1914, a laissé des traces indélébiles dans la communauté ; d’autre part a eu lieu en 2018 le massacre de la synagogue de Pittsburgh.

Dès lors, que reste-t-il de la « goldene medinè » ? L’Amérique va mal et n’est pas tirée d’affaire : les slogans antisémites ont fleuri lors de l’attaque du Capitole et Trump n’a pas dit son dernier mot. Les suprématistes blancs sont prêts à tout pour revenir sur le devant de la scène.

C’est une réflexion lucide sur les dangers qui guettent l’Amérique.

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YANKEL – Celui qui parlait peu

Michel Rotfus

L’Eclat des mots, 335p.

De nombreux enfants d’immigrés, devenus écrivains, ont retracé le parcours de leurs parents ; Yankel fait bien partie de cette lignée, tout en présentant deux particularités : la première tient à la personnalité même du personnage principal, Yankel, un taiseux illettré ; l’autre étant le choix de l’auteur de dérouler cette histoire de façon chronologique précise, faisant le lien avec l’Histoire des juifs de Pologne. Cela fait du roman un quasi « docu-roman ».

Le récit commence en 1910, à Garwolin, petite ville rattachée à la région de Lublin. Reb Leibl vient de subir une terrible offense : son fils Yankel, âgé de cinq ans, a été renvoyé du Heider. Il ne peut ni le comprendre, ni lui pardonner, se détournant définitivement de lui. C’est Wulf, le père de Leibl, qui prend son petit-fils en charge.

Jusqu’à l’âge de vingt ans, Yankel va ainsi passer son temps derrière la vitre à observer le monde extérieur qu’il ne se sent pas capable d’affronter. Wulf va faire de son mieux pour le comprendre, l’aimer et tenter de l’éduquer. Un autre juif, Moyshe va le prendre en apprentissage, le considérant comme ce fils qu’il n’a jamais pu avoir. C’est lui qui l’emmène dans les cercles bundistes naissants, parmi des gens tolérants et sans préjugé.

Très bien documenté, ce roman passionnant permettra à certains d’entre nous de comprendre le parcours de leurs parents, grâce à tous les détails de la vie quotidienne de cette bourgade. Grâce à l’auteur, nous partageons les désespoirs, les chagrins de tout ce petit peuple dont beaucoup parmi nous sont issus.

Un grand merci à Erez pour son travail remarquable.

LE LIBRAIRE DE COLOGNE

Catherine Ganz-Muller

éd. Scrinéo, 277 pages

Les éditions Scrinéo sont essentiellement dédiées à la littérature pour collégiens. Tout comme Oskar jeunesse pour les plus jeunes, Scrinéo traite de sujets qui ont trait à l’actualité et surtout à l’histoire sociale : guerre, intolérance, racisme.

On peut les rattacher à la « littérature engagée ». C’est bien là que le bât blesse : en voulant faire œuvre utile, le risque est de mettre de côté ce qui fait la valeur d’un livre, c’est-à-dire son style, la patte de l’écrivain et tout ce que cela comporte d’émotion.

Basée sur une histoire vraie, l’intrigue de ce roman est très intéressante : obligé de quitter Cologne après la Nuit de Cristal, un libraire juif confie sa chère librairie à son commis, Hans Schreiber. Celui-ci, par attachement à son mentor, et par esprit de résistance, va passer toute la guerre à faire survivre  la librairie, dans les pires conditions. Nous suivons ses efforts au jour le jour, jusqu’à la fin de la guerre et au-delà.

Cette histoire toute factuelle permettra au lecteur de se faire une assez bonne idée de la vie quotidienne dans une grande ville allemande, sous le nazisme.

Cependant, il y manque un peu d’empathie, un peu de chaleur humaine. C’est « trop » démonstratif » selon moi.

Dommage

ancre invisible changer l identifiant ID en ancre_X (x numéro du lien à créer)

LE TYPOGRAPHE DE WHITECHAPEL

Rosie Pinhaas-Delpuech

Actes Sud, 182 pages

Voici un petit ouvrage à la fois passionnant et dérangeant (de mon point de vue). L’auteure, traductrice de l’hébreu, retrace de façon très vivante le parcours cahotique du premier intellectuel qui a voulu créer l’hébreu moderne. Fuyant la Russie, le jeune Brenner s’installe à Whitechapel (Londres), le quartier pouilleux des émigrés juifs. C’est une époque bouillonnante, au cours de laquelle vont émerger des idées nouvelles : défense du prolétariat, sionisme, bundisme …

Brenner, mû par la passion, veut redonner vie à la langue sacerdotale, la langue des hommes, par opposition au méprisable jargon yiddish parlé par les femmes… Devenu typographe, afin de fonder une nouvelle revue, éphémère, il quitte Londres et cherche un lieu où s’installer définitivement. C’est à Hadera (Galilée) qu’il se fixe ; c’est là qu’il sera assassiné.

Replacée dans son cadre historique, cette vie intense, passionnée et troublée (Brenner a semble-t-il un problème avec la gente féminine), est aussi celle d’un prophète illuminé.

Mon seul bémol, il est de taille, concerne la vision du yiddish, ce jargon de bonnes femmes…

A découvrir

L’HOMME QUI PEIGNAIT LES AMES

Metin Arditi

Grasset, 292 pages

Ce nouveau roman de Metin Arditi est l’un de ses plus ambitieux : à partir de quelques données factuelles sur un peintre palestinien du siècle de Jésus, il aborde la question des trois monothéismes, de leur consanguinité et de leur relation à l’art. Vaste sujet…

Avner, jeune homme né dans une famille juive, possède un don prodigieux : celui de peindre des portraits frappants de vérité intérieure. Comme nous le savons, les trois religions du Livre l’interdisent. Afin de pouvoir poursuivre son œuvre, Avner se convertit au christianisme (et devient « Anastase le petit »), en vue de peindre des icônes. Mais de nombreux prêtres s’opposent à lui car ses icônes n’obéissent pas au canon en vigueur. C’est un musulman plein d’empathie qui lui vient en aide.

Cette réflexion sur la religion, sur ses contraintes, ses outrances, ses violences est très clairement un procès à charge : que la religion intervienne dans tous les aspects de la vie humaine n’est pas acceptable. Il faut que la tolérance, la bienveillance et l’ouverture d’esprit soient défendues, comme c’est le cas dans ce roman, par des individus moins obtus.

Intéressant

AMITIE : LA DERNIERE RETOUCHE D’ERNST LUBITSCH

Samson Raphaelson

éd. Allia, 69p.

La bibliothèque possède assez peu d’ouvrages documentaires sur le cinéma. Or, s’il y a un domaine dans lequel les juifs font bonne figure, c’est bien le cinéma. Voici un charmant petit livre, écrit par le scénariste préféré de Lubitsch. Il raconte comment lui, auteur de pièces de théâtre, se met à travailler avec Lubitsch, dans une connivence étroite mais distante. Ce qui l’amène à se poser la question : sont-ils amis ?

La chute de cette histoire est excellente.

Souvenirs très plaisants à lire.

BILLY WILDER ET MOI

Jonathan Coe

Gallimard, 297 pages

Dans ce roman empreint de mélancolie, l’auteur met en scène la rencontre entre deux personnages : Calista, une jeune grecque inculte en vacances aux Etats-Unis, et Billy Wilder en fin de carrière.

Billy Wilder veut réaliser ce qui sera son dernier film, « Fedora » ; il lui faut pour cela trouver un producteur. Cela s’avère très difficile car il n’est plus à la mode. Quant à Calista, musicienne à ses heures, elle va faire une sorte d’apprentissage auprès du réalisateur et de son scénariste Izzy Diamond. Coe nous rappelle aussi que Wilder, sous son apparente légèreté, cache la blessure profonde que lui a laissée la perte de sa mère, morte en déportation.

A partir de cette intrigue, Coe se penche avec humour et nostalgie sur la fuite du temps, sur l’Europe brillante de Lubitsch et de Wilder, restés Européens de culture, sur notre époque qui oublie si facilement ses icônes d’hier.

Excellent roman

N’OUBLIEZ PAS LEURS NOMS

Simon Stranger

éd. du Globe ; traduit du norvégien, 326pages

Ce  qui ressemble au premier abord à une enquête est un roman. Un roman familial basé sur une histoire vraie : celle de juifs norvégiens ayant survécu à la guerre ; assimilés, mais conscients de leur judéité. L’auteur, marié à une juive, découvre peu à peu que l’histoire de la famille de sa femme figure dans les archives nationales, ainsi que sur certains « pavés » nominaux d’Oslo et de Trondheim. L’arrière-grand-père de sa femme, Hirsch Komissar, a été assassiné en 1942. Il découvre aussi que la maison de famille dans laquelle ont vécu Gerson, son fils, ainsi que sa femme et ses enfants en 1948 avait la réputation d’être « hantée ».

En cherchant toujours plus avant, il en comprend la raison : cette maison a servi de repaire à un nazi norvégien dont il va reconstituer le parcours : Henry Oliver Rinan, jeune homme timoré et solitaire, devient le suppôt des nazis en traquant les résistants norvégiens, en les dénonçant et en les torturant avant de les assassiner.

En se focalisant sur l’histoire de Rinan, Stranger écrit une double histoire dans laquelle se télescopent certains épisodes. Ce roman nous semble d’autant plus intéressant que nous savons fort peu de choses sur la vie des juifs norvégiens durant la guerre.

Très intéressant

Et toujours disponible la sélection de novembre – décembre

LE LIVRE DES HIRONDELLES : Allemagne, 1899-1933

Ernst Toller

Séguier, 2020, 335 pages (+++)

Ernst Toller est un socialiste juif allemand méconnu en France, qui a fini par se suicider en 1939, à New York où il s’était exilé. Toutefois, certaines de ses pièces de théâtre ont été jouées en France.

Né en 1893, convaincu très jeune de l’inutilité des guerres, de l’insolente arrogance des nantis, il a mené des combats sans relâche afin d’aider les plus pauvres, de faire entendre leur voix. Sa lucidité lui a permis de comprendre le double jeu mené par les communistes, mais aussi par ceux qu’il nomme « les socialistes de droite ». Cela signifie qu’il n’avait aucune chance d’instaurer cette véritable république dont il rêvait. Au lieu de cela, trahi par une gauche peureuse, il a passé de nombreuses années en prison.

Dans sa cellule s’était installé un couple d’hirondelles. L’observation de ces oiseaux et de leurs oisillons le réconfortait, lui inspirant des poèmes dont l’un figure en fin d’ouvrage. Lorsque ses geôliers s’en sont aperçus, le nid a été détruit…

Cette autobiographie, écrite avec beaucoup de naturel, de vivacité, est passionnante. Peu d’écrivains ont réussi à démêler les fils inextricables de cette époque qui a mené au nazisme. Son sens politique, son regard distancié mais aussi passionné, son intelligence sans concession font merveille.

A lire sans réserve.

VIES DEROBEES

Cinzia Leone

Liana levi, 546 pages ; trad. de l’italien

Trois destins de femmes contraintes au renoncement. La première, Miriam, choisit le suicide plutôt que la soumission. Les deux générations suivantes ne prendront pas le même chemin.

A travers ces trois histoires mêlées, l’auteur se penche sur la notion d’identité : qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes ? Les aléas de la vie ont-ils le pouvoir de nous transformer ?

Un bon roman facile à lire.

EICHMANN A BUENOS AIRES

Ariel Magnus

éd. De l’Observatoire, 206 pages ; trad.de l’espagnol

Le titre de ce roman laisse à penser que c’est une réponse à l’œuvre de Hanna Arendt. En effet, le point de vue d’Ariel Magnus est très différent. Au départ, le désir d’écrire sur Eichmann vient de la haine de son père à l’égard du bourreau que fut Eichmann. Tout au long de sa vie, Magnus père n’a cessé d’y penser et d’en parler, mais il ne souhaitait pas que son fils écrive un livre sur cet homme si peu humain.

Les sources dont s’est inspiré l’auteur sont assez complètes. Il dresse le portrait d’un homme loin d’être banal. Obsédé par la question juive au point d’apprendre le yiddish, il fut un grand manipulateur dont tous les actes, toutes les paroles, étaient mûrement réfléchis et calculés. Envieux car dévoré d’ambition. Sans le moindre scrupule ni la moindre empathie pour quiconque. Il vécut dix ans en Argentine sous le nom de Ricardo Klement parmi ses acolytes nazis haut-gradés, conscient que le danger d’être reconnu était permanent. La venue en Argentine de sa femme et de ses enfants représenta un danger encore plus grand : en effet, c’est le père d’une camarade juive de son fils qui découvrit sa véritable identité.

On connaît la fin de sa cavale.

L’histoire est assez convaincante. Ce qui pose problème, c’est le style, ou plutôt la traduction. Certaines phrases nécessitent une seconde lecture, il y a nombre de maladresses. La relecture a dû être trop rapide. Dommage.

LE CAUCHEMAR

Hans Fallada

Folio, 320pages

Hans Fallada (pseudonyme) est mort en 1947 à l’âge de 50 ans. Son chef d’œuvre reste sans conteste SEUL DANS BERLIN. Cependant, Le Cauchemar est de la même veine que l’auteur explore sans fin : comment et pourquoi le nazisme a tant infecté le peuple allemand.

Nous sommes en 1945 et la guerre est finie. Herr Doll et sa femme vivent provisoirement dans une petite ville avant de rejoindre Berlin. Doll se tient en retrait de ses compatriotes, n’ayant jamais été nazi. Il éprouve une très grande désillusion sur eux, qui ne changent pas ; sur sa propre vie sans intérêt. Il sait que les Allemands sont maudits, lui y compris. Sa femme malade est devenue morphinomane, l’entraînant dans sa dérive. Le retour à Berlin s’avère catastrophique. Ses cauchemars lui font vivre l’impasse dans laquelle ils se trouvent. Mais Doll va s’avérer plus solide qu’il ne le pense.

C’est avec beaucoup de finesse et d’acuité que Fallada (lui-même morphinomane) décrit cette population désabusée, appauvrie, hargneuse, si désireuse de survivre ; cette population qui n’a pas encore pris la mesure de l’horreur dans laquelle elle a pris sa part.

Roman sous tension, qui pourrait sembler révoltant à bien des victimes encore vivantes.

Nos sélections récentes

Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Livres de nov – déc 2021

VIES DEROBEES

Cinzia Leone

Liana levi, 546 pages ; trad. de l’italien

Trois destins de femmes contraintes au renoncement. La première, Miriam, choisit le suicide plutôt que la soumission. Les deux générations suivantes ne prendront pas le même chemin.

A travers ces trois histoires mêlées, l’auteur se penche sur la notion d’identité : qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes ? Les aléas de la vie ont-ils le pouvoir de nous transformer ?

Un bon roman facile à lire.

LE CAUCHEMAR

Hans Fallada

Folio, 320pages

Hans Fallada (pseudonyme) est mort en 1947 à l’âge de 50 ans. Son chef d’œuvre reste sans conteste SEUL DANS BERLIN. Cependant, Le Cauchemar est de la même veine que l’auteur explore sans fin : comment et pourquoi le nazisme a tant infecté le peuple allemand.

Nous sommes en 1945 et la guerre est finie. Herr Doll et sa femme vivent provisoirement dans une petite ville avant de rejoindre Berlin. Doll se tient en retrait de ses compatriotes, n’ayant jamais été nazi. Il éprouve une très grande désillusion sur eux, qui ne changent pas ; sur sa propre vie sans intérêt. Il sait que les Allemands sont maudits, lui y compris. Sa femme malade est devenue morphinomane, l’entraînant dans sa dérive. Le retour à Berlin s’avère catastrophique. Ses cauchemars lui font vivre l’impasse dans laquelle ils se trouvent. Mais Doll va s’avérer plus solide qu’il ne le pense.

C’est avec beaucoup de finesse et d’acuité que Fallada (lui-même morphinomane) décrit cette population désabusée, appauvrie, hargneuse, si désireuse de survivre ; cette population qui n’a pas encore pris la mesure de l’horreur dans laquelle elle a pris sa part.

Roman sous tension, qui pourrait sembler révoltant à bien des victimes encore vivantes.

LE LIVRE DES HIRONDELLES : Allemagne, 1899-1933

Ernst Toller

Séguier, 2020, 335 pages (+++)

Ernst Toller est un socialiste juif allemand méconnu en France, qui a fini par se suicider en 1939, à New York où il s’était exilé. Toutefois, certaines de ses pièces de théâtre ont été jouées en France.

Né en 1893, convaincu très jeune de l’inutilité des guerres, de l’insolente arrogance des nantis, il a mené des combats sans relâche afin d’aider les plus pauvres, de faire entendre leur voix. Sa lucidité lui a permis de comprendre le double jeu mené par les communistes, mais aussi par ceux qu’il nomme « les socialistes de droite ». Cela signifie qu’il n’avait aucune chance d’instaurer cette véritable république dont il rêvait. Au lieu de cela, trahi par une gauche peureuse, il a passé de nombreuses années en prison.

Dans sa cellule s’était installé un couple d’hirondelles. L’observation de ces oiseaux et de leurs oisillons le réconfortait, lui inspirant des poèmes dont l’un figure en fin d’ouvrage. Lorsque ses geôliers s’en sont aperçus, le nid a été détruit…

Cette autobiographie, écrite avec beaucoup de naturel, de vivacité, est passionnante. Peu d’écrivains ont réussi à démêler les fils inextricables de cette époque qui a mené au nazisme. Son sens politique, son regard distancié mais aussi passionné, son intelligence sans concession font merveille.

A lire sans réserve.

EICHMANN A BUENOS AIRES

Ariel Magnus

éd. De l’Observatoire, 206 pages ; trad.de l’espagnol

Le titre de ce roman laisse à penser que c’est une réponse à l’œuvre de Hanna Arendt. En effet, le point de vue d’Ariel Magnus est très différent. Au départ, le désir d’écrire sur Eichmann vient de la haine de son père à l’égard du bourreau que fut Eichmann. Tout au long de sa vie, Magnus père n’a cessé d’y penser et d’en parler, mais il ne souhaitait pas que son fils écrive un livre sur cet homme si peu humain.

Les sources dont s’est inspiré l’auteur sont assez complètes. Il dresse le portrait d’un homme loin d’être banal. Obsédé par la question juive au point d’apprendre le yiddish, il fut un grand manipulateur dont tous les actes, toutes les paroles, étaient mûrement réfléchis et calculés. Envieux car dévoré d’ambition. Sans le moindre scrupule ni la moindre empathie pour quiconque. Il vécut dix ans en Argentine sous le nom de Ricardo Klement parmi ses acolytes nazis haut-gradés, conscient que le danger d’être reconnu était permanent. La venue en Argentine de sa femme et de ses enfants représenta un danger encore plus grand : en effet, c’est le père d’une camarade juive de son fils qui découvrit sa véritable identité.

On connaît la fin de sa cavale.

L’histoire est assez convaincante. Ce qui pose problème, c’est le style, ou plutôt la traduction. Certaines phrases nécessitent une seconde lecture, il y a nombre de maladresses. La relecture a dû être trop rapide. Dommage.

Et toujours disponible la sélection de septembre – octobre

LA RACE DES ORPHELINS 

Oscar Lalo

Belfond, 279 pages

Ce cri de douleur, cet inlassable questionnement, est poussé par une femme de 76ans. Née coupable d’avoir vu le jour dans un « Lebensborn ». Quasi illettrée, elle fait appel à un scribe afin de témoigner. Hildegard Müller est le nom qu’elle s’est vu attribuer ; qui sont ses parents ? quelle est son enfance ? Née coupable, elle se considère « fille » de Hitler. Ce poids qui pèse sur sa vie, elle ne peut s’en défaire. Les recherches pour connaître sa mère mènent en Norvège. Mais cela n’ôte rien à la haine dont elle est victime ; cette haine qu’elle « sent comme un chien »….

Texte difficile à lire en raison de l’empathie qui nous saisit, face à cette victime de l’Histoire.

DIBBOUKS

Irène Kaufer

L’Antilope, 223 pages

Ce récit déroutant met en scène l’auteure, partie sur les traces d’êtres humains dont les noms sont tabous dans sa famille. Ces malheureux qui n’ont pas de tombe la hantent depuis qu’elle est petite. Comment partir à leur recherche ? Sur les conseils d’une « psychorabbine », elle part afin de se débarrasser une bonne fois pour toute de ses dibbouks.

Tout en racontant son périple et sans se soucier de l’aspect affabulateur, Irène Kauffer pose une regard ironique et pas toujours tendre sur sa famille, sur la rabbine et sur elle-même. Si bien que l’atroce côtoie le rire.

Ne cherchez surtout pas à saisir le fil d’Ariane : il n’y en a pas.

LES ABEILLES D’HIVER

Norbert Scheuer

Actes Sud,  356 pages

Ce roman inclassable raconte la vie d’un apiculteur allemand, Egidius Arimond, dans les années 1943-44. Il habite dans un village proche de la frontière belge, en essayant de subsister comme il le peut : démis de ses fonctions de professeur de latin et d’histoire, en butte à l’hostilité des villageois, il sert aussi de passeur à des juifs fuyant l’Allemagne. Il est jeune mais n’a pas été enrôlé dans l’armée en raison de ses crises d’épilepsie. Ces crises risquent du reste de le mener directement dans un centre de mise à mort des handicapés. Cela ne l’empêche nullement de courir après les jeunes femmes esseulées dont les maris sont au front. Voilà pour l’intrigue.

Sur cette histoire viennent se greffer des remarques, des textes parfois poétiques de deux ordres : d’une part sur la vie des abeilles que nous apprenons à connaître dans les moindres détails ; d’autre part sur l’un de ses ancêtres, Ambrosius Arimond, lequel aurait été le premier apiculteur de la famille, installé en l’an de grâce 1492. Egidius a entrepris de traduire des fragments de texte de son supposé ancêtre, relatifs à la vie de son temps. Sans perdre le fil, nous naviguons dans le journal d’Egidius sans savoir s’il va survivre. Il va ainsi son bonhomme de chemin, attentif à tous les dangers, jusqu’à la page finale.

Livre original bien écrit et traduit.

Heureux comme un juif en France? : réflexions d’un rabbin engagé

Yann Boissière

Tallanddier, 156 pages

Le rabbin Boissière fait partie de ces gens de bonne volonté pour lesquels la paix et la sagesse doivent prévaloir. Cela ne l’empêche nullement de donner un avis clair sur les difficultés à vivre ensemble, en particulier au côté des musulmans de France. C’est l’un des points principaux abordés, sans naïveté ni agressivité. Certaines formules heureuses viennent montrer que tout ne va pas de soi ; qu’il est bon de revenir à la raison ; que les juifs doivent eux aussi faire la part des sentiments.

Un court essai utile, écrit dans une langue limpide.

MONSIEUR ROMAIN GARY

Kerwin Spire

Gallimard, 324 pages

Le titre exact du livre comporte la mention suivante : « Consul général de France, 1919 Outpost Drive Los Angeles28, California ». De fait, l’auteur a mené une enquête très poussée sur la vie de Romain Gary à Los Angeles, en tant que Consul général de France. La note que son supérieur hiérarchique lui a attribuée est de 18/20. En effet, Romain Gary a accompli un travail remarquable pour redorer le blason de la République française auprès des Américains. Compagnon de la Libération auréolé de gloire, son amour inconditionnel pour la France (et pour le Général de Gaulle) a fait merveille. Il a travaillé sans relâche, côtoyant tous les milieux « qui comptent », y compris celui du cinéma. Son élégance, sa distinction, son sens politique ont fait l’admiration de tous.

Mais il y a plus : durant toute cette époque, il a beaucoup écrit, obtenant le prix Goncourt pour son roman « Les racines du ciel ». Ce livre a eu un immense succès aux Etats-Unis. (John Ford sera engagé pour en tirer un film).

Kerwin Spire précise dans une note qu’il ne s’agit pas d’une véritable biographie.

Ce livre, venant après d’autres biographies sur Gary, est très intéressant et agréable à lire, nous dévoilant une facette peu connue de Romain Gary.

Nos sélections récentes

Et aussi les plus anciennes sélections de la bibliothèque

Livres de la rentrée sept – oct 2021

HENRY KISSINGER, l’Européen,

Jérémie Gallon

Gallimard, 244 pages

On pourrait se demander ce qu’un livre sur Kissinger le républicain vient faire au centre Medem. C’est que l’auteur, lui-même centré sur la politique étrangère européenne nous montre dans cet ouvrage passionnant ce que l’Europe peut tirer comme leçon de la pensée de Kissinger.

Cette biographie précise très bien documentée est conduite de main de maître. La troublante personnalité de Kissinger, sa remarquable intelligence nourrie à des sources européennes aussi bien qu’américaines, sa vision à long terme, très pessimiste au demeurant, sa ruse en ont fait une personnalité irremplaçable dans son rôle de secrétaire d’état aux affaires étrangères. Durant les quelques huit années du règne de Nixon, il en a été le fidèle conseiller, envers et contre tout. Nixon l’antisémite ne pouvait se passer de lui ; Kissinger, certain du rôle historique qu’il avait à jouer a accepté toutes les avanies de son maître.

L’avidité du pouvoir, le besoin de reconnaissance, de célébrité, n’en font pas un personnage toujours sympathique, loin de là. Mais Jérémie Gallon montre aussi que Kissinger savait tirer des leçons de ses mentors, à commencer par Metternich. La Realpolitik, ce fut lui.

La conclusion de l’auteur est très intéressante pour nous, faibles Européens.

Une biographie exceptionnelle en tous points;

VIVRE AVEC LES MORTS

Delphine Horvilleur

Grasset, 234 pages

Pas de leçon, pas de conseil dans ce court ouvrage facile à lire. C’est une sorte de dialogue que l’auteur engage avec le lecteur.

On sent que Delphine Horvilleur prend beaucoup de plaisir à écrire et qu’elle nous réserve encore d’autres bonnes surprises.

Son art de la formule est très plaisant et souvent proche de la poésie.

Un plaisir de lecture.

DE SANG ET D’ENCRE

Rachel Kadish

Cherche-Midi et Pocket, 954 pages

N’ayez pas peur du nombre de pages : ce roman se lit comme un polar à suspense.

L’intrigue se présente comme une double hélice. Une professeure universitaire, Helen Watt, est contactée pour examiner un recueil de textes datant du 17e siècle, découverts dans un cagibi. L’université consent à lui adjoindre Aaron Lévy, doctorant de son état. Leur relation est difficile mais ils sont forcés de s’entendre, car ces manuscrits doivent prochainement être vendus.

C’est le contenu inattendu de ces manuscrits qui constitue la deuxième intrigue : où l’on voit une jeune fille séfarade, Ester, adoptée par un rabbin érudit venu d’Amsterdam, se passionner pour l’étude et la recherche. Nous sommes au 17e siècle, les femmes juives ne sont pas autorisées à s’adonner à ce type d’activité.

Entre ces deux intrigues se tissent des liens au fil des pages dans la mesure où le texte ancien entre en résonance avec ce que vivent les deux chercheurs.

Ce roman très documenté nous permet de découvrir un siècle extrêmement riche du point de vue de l’histoire des idées. C’est tout l’intérêt de ce livre. N’oublions pas que l’athéisme fait son apparition, que Spinoza dialogue avec Hobbes, que Descartes est son modèle, etc…. Ester de son côté veut être une femme libre, même si elle écrit sous un pseudonyme masculin . Nous avons là un condensé de l’histoire sociale des juifs de Londres au 17e siècle.

Roman d’une très grande richesse.

LA RACE DES ORPHELINS 

Oscar Lalo

Belfond, 279 pages

Ce cri de douleur, cet inlassable questionnement, est poussé par une femme de 76ans. Née coupable d’avoir vu le jour dans un « Lebensborn ». Quasi illettrée, elle fait appel à un scribe afin de témoigner. Hildegard Müller est le nom qu’elle s’est vu attribuer ; qui sont ses parents ? quelle est son enfance ? Née coupable, elle se considère « fille » de Hitler. Ce poids qui pèse sur sa vie, elle ne peut s’en défaire. Les recherches pour connaître sa mère mènent en Norvège. Mais cela n’ôte rien à la haine dont elle est victime ; cette haine qu’elle « sent comme un chien »….

Texte difficile à lire en raison de l’empathie qui nous saisit, face à cette victime de l’Histoire.

DIBBOUKS

Irène Kaufer

L’Antilope, 223 pages

Ce récit déroutant met en scène l’auteure, partie sur les traces d’êtres humains dont les noms sont tabous dans sa famille. Ces malheureux qui n’ont pas de tombe la hantent depuis qu’elle est petite. Comment partir à leur recherche ? Sur les conseils d’une « psychorabbine », elle part afin de se débarrasser une bonne fois pour toute de ses dibbouks.

Tout en racontant son périple et sans se soucier de l’aspect affabulateur, Irène Kauffer pose une regard ironique et pas toujours tendre sur sa famille, sur la rabbine et sur elle-même. Si bien que l’atroce côtoie le rire.

Ne cherchez surtout pas à saisir le fil d’Ariane : il n’y en a pas.

LES ABEILLES D’HIVER

Norbert Scheuer

Actes Sud,  356 pages

Ce roman inclassable raconte la vie d’un apiculteur allemand, Egidius Arimond, dans les années 1943-44. Il habite dans un village proche de la frontière belge, en essayant de subsister comme il le peut : démis de ses fonctions de professeur de latin et d’histoire, en butte à l’hostilité des villageois, il sert aussi de passeur à des juifs fuyant l’Allemagne. Il est jeune mais n’a pas été enrôlé dans l’armée en raison de ses crises d’épilepsie. Ces crises risquent du reste de le mener directement dans un centre de mise à mort des handicapés. Cela ne l’empêche nullement de courir après les jeunes femmes esseulées dont les maris sont au front. Voilà pour l’intrigue.

Sur cette histoire viennent se greffer des remarques, des textes parfois poétiques de deux ordres : d’une part sur la vie des abeilles que nous apprenons à connaître dans les moindres détails ; d’autre part sur l’un de ses ancêtres, Ambrosius Arimond, lequel aurait été le premier apiculteur de la famille, installé en l’an de grâce 1492. Egidius a entrepris de traduire des fragments de texte de son supposé ancêtre, relatifs à la vie de son temps. Sans perdre le fil, nous naviguons dans le journal d’Egidius sans savoir s’il va survivre. Il va ainsi son bonhomme de chemin, attentif à tous les dangers, jusqu’à la page finale.

Livre original bien écrit et traduit.

MONSIEUR ROMAIN GARY

Kerwin Spire

Gallimard, 324 pages

Le titre exact du livre comporte la mention suivante : « Consul général de France, 1919 Outpost Drive Los Angeles28, California ». De fait, l’auteur a mené une enquête très poussée sur la vie de Romain Gary à Los Angeles, en tant que Consul général de France. La note que son supérieur hiérarchique lui a attribuée est de 18/20. En effet, Romain Gary a accompli un travail remarquable pour redorer le blason de la République française auprès des Américains. Compagnon de la Libération auréolé de gloire, son amour inconditionnel pour la France (et pour le Général de Gaulle) a fait merveille. Il a travaillé sans relâche, côtoyant tous les milieux « qui comptent », y compris celui du cinéma. Son élégance, sa distinction, son sens politique ont fait l’admiration de tous.

Mais il y a plus : durant toute cette époque, il a beaucoup écrit, obtenant le prix Goncourt pour son roman « Les racines du ciel ». Ce livre a eu un immense succès aux Etats-Unis. (John Ford sera engagé pour en tirer un film).

Kerwin Spire précise dans une note qu’il ne s’agit pas d’une véritable biographie.

Ce livre, venant après d’autres biographies sur Gary, est très intéressant et agréable à lire, nous dévoilant une facette peu connue de Romain Gary.

Heureux comme un juif en France? : réflexions d’un rabbin engagé

Yann Boissière

Tallanddier, 156 pages

Le rabbin Boissière fait partie de ces gens de bonne volonté pour lesquels la paix et la sagesse doivent prévaloir. Cela ne l’empêche nullement de donner un avis clair sur les difficultés à vivre ensemble, en particulier au côté des musulmans de France. C’est l’un des points principaux abordés, sans naïveté ni agressivité. Certaines formules heureuses viennent montrer que tout ne va pas de soi ; qu’il est bon de revenir à la raison ; que les juifs doivent eux aussi faire la part des sentiments.

Un court essai utile, écrit dans une langue limpide.

Juifs d’ailleurs : diasporas oubliées, identités singulières

sous la dir. D’Edith Bruder

Albin Michel, 494 pages

Cet ouvrage très documenté vient combler une lacune : jusqu’à présent, il n’existait aucun livre en français recensant l’ensemble des communautés juives de par le monde. Sans prétendre à l’exhaustivité, il semble néanmoins assez complet.

Comment se présente-t-il ?

Classé en huit parties dont la dernière esquisse une vision contemporaine de ces judéités si diverses, il adopte un classement géographique (et non chronologique). Nous faisons ainsi connaissance avec les communautés juives du monde entier : juifs de l’Islam, de Russie et des pays environnants, d’Amérique latine, d’Inde, d’Afrique subsaharienne et enfin de Chine.

Pour chaque zone étudiée, une carte, un chapitre historique et ethnographique, la religion juive « indigène », et très souvent les raisons de l’émigration.

Glossaire et bibliographie indicative.

La dernière partie s’intitule « Identités et mouvement » : identités plurielles car chaque communauté a sa culture propre, son langage, ses coutumes… Comment, dans ces conditions, se faire reconnaître en tant que juif ? Comment faire son alya ?

Excellent livre documentaire de fonds.

Et toujours disponible la sélection de mai – juin

LEO FRANKEL, communard sans frontières

Julien Chuzeville

Libertalia, 276 pages

Né en Hongrie en 1844, dans une famille juive, Léo Frankel fut un des communards les plus éminents. En reconstituant son parcours depuis son arrivée en France, en s’appuyant sur une documentation précise, l’auteur dresse le portrait d’un militant hors du commun : ouvrier orfèvre totalement dévoué à la cause ouvrière, adhérent de l’Association internationale des Travailleurs, il sera rapidement reconnu par ses pairs. Sa situation d’étranger ne l’empêchera pas d’être élu à différents postes durant la Commune de Paris dès l’âge de 27 ans. Il fera preuve d’une très vive intelligence, d’une grande compréhension des problèmes rencontrés par la « base ». Fin diplomate, orateur convaincant, il sera membre du groupe de Marx et Engels avec lesquels il aura de nombreux échanges d’idées. Lorsque la Commune sera minée par des dissensions, il ne participera pas aux querelles.

Entre 1871 et 1896, date de sa mort, il travaillera dans plusieurs pays d’Europe en internationaliste convaincu. C’est la tuberculose qui aura raison de lui.

Nous aurions aimé en savoir un peu plus sur ses origines, sa famille, sa vie privée… c’est ce qui manque à cet ouvrage pr ailleurs très intéressant.

Trois anneaux : Un conte d’exils

Daniel Mendelsohn

Flammarion, 192 pages

Dans ce récit aux mille tours, Daniel Mendelsohn explore les correspondances mystérieuses entre le hasard qui régit nos existences et l’art des récits que nous en formons.

Trois anneaux commence par raconter l’histoire de trois écrivains en exil qui se sont tournés vers les classiques du passé pour créer leurs propres chefs-d’oeuvre. Erich Auerbach, le philologue juif qui fuit l’Allemagne nazie pour écrire sa grande étude de la littérature européenne, Mimésis, à Istanbul. François Fénelon, l’évêque du XVIIe siècle, auteur d’une merveilleuse suite de l’Odyssée,

Les Aventures de Télémaque, best-seller de son époque, qui lui valut le bannissement. Et l’écrivain allemand W.G. Sebald, qui s’exila en Angleterre, et dont les récits si singuliers explorent les thèmes du déplacement et de la nostalgie.

À ce conte d’exils, Daniel Mendelsohn ajoute sa propre voix, entrelaçant l’histoire de la crise qu’il traversa entre l’écriture de la grande fresque mémorielle des Disparus et celle du récit intimiste d’Une Odyssée.

L’« art poétique » qui en résulte est un hommage aux mondes grecs et juifs, un trait d’union entre Orient et Occident et une ode à la littérature française.

À travers l’étude d’un procédé caractéristique de la littérature homérique (le récit circulaire et ses boucles narratives), Trois anneaux retrace aussi avec brio une autre histoire de la littérature, qui relie Homère, Fénelon, Proust et Sebald, création et commentaire, imagination et esprit critique.

On retrouve ici l’immense érudition de l’auteur qui nous fait découvrir les liens qui unissent à travers les siècles des écrivains si différents. Ce livre s’adresse à un lecteur averti ; si l’on n’a pas lu « Les disparus » et « Une Odyssée », ce livre devrait donner envie de le faire .

Division avenue

Goldie Goldbloom

Christian Bourgeois, 360 pages

Traduit de l’anglais ( Etats-Unis ) par Eric Chédaille .

Une plongée dans une famille Hassidique d’aujourd’hui  à New-York ou l’on découvre le personnage principale,

Surie, mère de dix enfants , en proie à un terrible secret auquel va s’ajouter le souvenir de son fils Lipa  qu’elle a perdu, alors qu’il avait la vingtaine et qui ,lui aussi avait gardé le silence sur une part de sa vie. Cette situation va lui suggérer un autre regard sur la vie .

L’écriture est légère malgré la problématique de la situation.

Lorsque l’on entre dans le roman, on a aussitôt le désir de découvrir la suite .

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Livres de mai – juin 2021

LEO FRANKEL, communard sans frontières

Julien Chuzeville

Libertalia, 276 pages

Né en Hongrie en 1844, dans une famille juive, Léo Frankel fut un des communards les plus éminents. En reconstituant son parcours depuis son arrivée en France, en s’appuyant sur une documentation précise, l’auteur dresse le portrait d’un militant hors du commun : ouvrier orfèvre totalement dévoué à la cause ouvrière, adhérent de l’Association internationale des Travailleurs, il sera rapidement reconnu par ses pairs. Sa situation d’étranger ne l’empêchera pas d’être élu à différents postes durant la Commune de Paris dès l’âge de 27 ans. Il fera preuve d’une très vive intelligence, d’une grande compréhension des problèmes rencontrés par la « base ». Fin diplomate, orateur convaincant, il sera membre du groupe de Marx et Engels avec lesquels il aura de nombreux échanges d’idées. Lorsque la Commune sera minée par des dissensions, il ne participera pas aux querelles.

Entre 1871 et 1896, date de sa mort, il travaillera dans plusieurs pays d’Europe en internationaliste convaincu. C’est la tuberculose qui aura raison de lui.

Nous aurions aimé en savoir un peu plus sur ses origines, sa famille, sa vie privée… c’est ce qui manque à cet ouvrage pr ailleurs très intéressant.

 

Trois anneaux : Un conte d’exils

Daniel Mendelsohn

Flammarion, 192 pages

Dans ce récit aux mille tours, Daniel Mendelsohn explore les correspondances mystérieuses entre le hasard qui régit nos existences et l’art des récits que nous en formons.

Trois anneaux commence par raconter l’histoire de trois écrivains en exil qui se sont tournés vers les classiques du passé pour créer leurs propres chefs-d’oeuvre. Erich Auerbach, le philologue juif qui fuit l’Allemagne nazie pour écrire sa grande étude de la littérature européenne, Mimésis, à Istanbul. François Fénelon, l’évêque du XVIIe siècle, auteur d’une merveilleuse suite de l’Odyssée,

Les Aventures de Télémaque, best-seller de son époque, qui lui valut le bannissement. Et l’écrivain allemand W.G. Sebald, qui s’exila en Angleterre, et dont les récits si singuliers explorent les thèmes du déplacement et de la nostalgie.

À ce conte d’exils, Daniel Mendelsohn ajoute sa propre voix, entrelaçant l’histoire de la crise qu’il traversa entre l’écriture de la grande fresque mémorielle des Disparus et celle du récit intimiste d’Une Odyssée.

L’« art poétique » qui en résulte est un hommage aux mondes grecs et juifs, un trait d’union entre Orient et Occident et une ode à la littérature française.

À travers l’étude d’un procédé caractéristique de la littérature homérique (le récit circulaire et ses boucles narratives), Trois anneaux retrace aussi avec brio une autre histoire de la littérature, qui relie Homère, Fénelon, Proust et Sebald, création et commentaire, imagination et esprit critique.

On retrouve ici l’immense érudition de l’auteur qui nous fait découvrir les liens qui unissent à travers les siècles des écrivains si différents. Ce livre s’adresse à un lecteur averti ; si l’on n’a pas lu « Les disparus » et « Une Odyssée », ce livre devrait donner envie de le faire .

 

 

 

 

Division avenue

Goldie Goldbloom

Christian Bourgeois, 360 pages

Traduit de l’anglais ( Etats-Unis ) par Eric Chédaille .

Une plongée dans une famille Hassidique d’aujourd’hui  à New-York ou l’on découvre le personnage principale,

Surie, mère de dix enfants , en proie à un terrible secret auquel va s’ajouter le souvenir de son fils Lipa  qu’elle a perdu, alors qu’il avait la vingtaine et qui ,lui aussi avait gardé le silence sur une part de sa vie. Cette situation va lui suggérer un autre regard sur la vie .

L’écriture est légère malgré la problématique de la situation.

Lorsque l’on entre dans le roman, on a aussitôt le désir de découvrir la suite .

 

 

 

Et toujours disponible la sélection de mars – avril

HISTOIRE DES JUIFS : UN VOYAGE EN 80 DATES DE L’ANTIQUITE A NOS JOURS

sous la dir. de Pierre Savy

PUF, 586 pages

Les nombreux historiens qui ont participé à la rédaction de cette « somme » peuvent tous faire valoir leur renommée. Tous ont su exprimé la quintescence de leur savoir : cela donne un texte synthétique et clair pour chacune des dates évoquées.

L’ouvrage est divisé en trois parties ; chacune d’entre elles sous la direction d’un.e spécialiste : Katell Berthelot pour Le Temple et l’Exil, Pierre Savy pour Du Moyen Age à l’émancipation, enfin Audrey Kichelewski pour De 1791 à nos jours.

Dans chacune des parties, les auteurs ont retenu des dates significatives dont certaines ont le mérite d’être souvent méconnues du grand public ; exemple : la première loi antisémite (hongroise) de l’Europe d’après-guerre. Si l’on se réfère aux premiers livres d’histoire des juifs, le constat est que le point de vue a changé. La prise en compte des recherches les plus récentes, des découvertes archéologiques rendent ce livre novateur, lui conférant un « langage » contemporain (ainsi en est-il de la « question khazare », par exemple). Le livre contient aussi des bibliographies, un index des noms, des lieux, des mots-clés, ainsi qu’une présentation des auteurs.

Cet ouvrage de fonds est vraiment le bienvenu.

QUITTER PSAGOT

Yonatan Berg 

L’Antilope, 253 pages

Psagot est une petite colonie sauvage implantée à la limite de Ramallah. C’est là que Yonatan Berg a passé sa jeunesse, avant de partir faire son service militaire. Devenu écrivain après avoir un peu bourlingué dans le monde, il nous livre ses réflexions sur le choc qu’il a éprouvé en quittant le monde chaleureux mais factice de sa jeunesse.

Dans Psagot, il n’y a pas de place pour le doute. Profondément religieuse, cette petite enclave entourée de fils de fer barbelés vit repliée sur soi. Pas tout à fait puisque l’armée veille sur elle. Les enfants y vivent heureux et sereins, leurs journées strictement organisées, avec un encadrement rigoureux. Aucun colon, petit ou grand, ne regarde du côté des Palestiniens. Au point que Yonatan ne découvre le camp de réfugiés qui jouxte Ramallah que longtemps après être parti. Sa première expérience du monde extérieur, c’est le lycée, à Jérusalem. Puis il part ;  d’abord à l’armée, puis à la découverte du reste du monde. Progressivement, il remet en question sa vision idyllique de l’enfance, en découvrant d’autres points de vue, d’autres modes de vie.

Il ne s’agit nullement d’un pamphlet, contrairement à ce qu’écrit le Time Israël. Pas de dénonciation, pas d’acrimonie non plus. Plutôt un constat mélancolique : les colonies ne règleront rien. Elles survivent en dehors de la réalité, ne subsistant qu’avec la complicité de l’état. Il faudra bien que l’aveuglement cesse.

Très émouvant, ce récit décrit la situation insoluble actuelle avec beaucoup de sensibilité. Excellent

Août 61

Sarah Cohen-Scali

Albin Michel, 480 pages

Ben, atteint Alzheimer reconnaît difficilement ses proches.

Il va se retourner sur son passé douloureux dans l’Allemagne en guerre, celle de l’après-guerre, puis sur sa vie en Angleterre et en France dans les années 50.

Il n’a jamais oublié Tuva, son amour d’enfance, née dans un lebensborn et qu’il revoit Berlin en 1961 alors que la RDA commence à construire “Le” mur…

 

LES PATRIOTES

Sana Krasikov

Albin Michel, 594 pages

Analyses de deux lectrices de ce livre

Ida

Ce premier roman touffu retrace l’histoire de ces Américains qui ont émigré en Union Soviétique par idéalisme, dans les années 1930.

Le principal personnage, Florence, rejoint Magnitogorsk en 1934, pour une raison qu’elle se refuse d’avouer : sans l’avertir, elle veut rejoindre un certain Serguéi dont elle a fait la connaissance à Cleveland. Celui-ci faisait partie d’une délégation commerciale russe. Si nous faisons allusion à cet aveuglement, c’est que ce trait de caractère a une grande importance dans l’histoire ô combien tourmentée de son existence. Florence devra sans cesse trouver de bonnes raisons de rester vivre en URSS. En fin de compte, le seul moment où elle se sentira en sécurité, c’est lorsqu’elle sera nommée femme de ménage !

D’autres juifs de son entourage sont plus lucides. A commencer par son mari. Entre 1930 et 1952, la situation des juifs empire considérablement : le comité juif antifasciste créé par Staline pour obtenir l’aide américaine est décimé dès la fin de la guerre. La venue de Golda Meyerson lors de la création de l’état d’Israël donne lieu à des arrestations qui n’étonnent personne.

L’étau se resserre sur Flora et sa famille ; la vie de son fils lui important plus que tout, elle commet l’irréparable, avec une mauvaise foi terrifiante. Nous n’en dirons pas plus. Les « refuzniks », comme on le sait, finiront par obtenir la liberté.

Impossible à résumer tant l’histoire est foisonnante, elle nous laisse un goût amer. Tous ces émigrés pleins d’idéal ont payé très cher leur « aveuglement ». Ils ont voulu y croire, envers et contre tout et beaucoup y ont laissé leur vie.

Nous sommes en 2021. Ce roman, cette somme, devrait-on dire, sommes-nous encore capables de bien le comprendre ?  Intéressant et émouvant.

Yaël

Ce premier roman touffu retrace l’histoire des Juifs américains qui sont partis par idéalisme en Russie après la révolution d’Octobre.

Ce qui est intéressant dans le livre c’est qu’à travers trois générations de personnages il révèle des aspects sur l’histoire des Juifs d’Union soviétique (théâtre juif, comité antifasciste), sur la relation entre Staline  et Roosevelt et  sur l’attitude ambigu de celui-ci vis-à-vis des Soviétiques.

Le livre est alimenté par  les évènements historiques et sur l’abondante bibliographie citée en fin d’ouvrage.

Ce livre a une construction littéraire sur une énigme qu’on a de cesse de  découvrir.

Les histoires qui se mêlent en flash-back donnent un rythme au livre et un plaisir au lecteur.

Ce roman débuté au début du 20ème siècle se poursuit  jusqu’à nos jours et intéresse les nouvelles couches de lecteurs car les plus jeunes peuvent se reconnaitre dans les personnages de la dernière génération. Il y a deux clés de lecture qui satisfont deux lectorats, un trentenaire et la génération plus âgée et son histoire personnelle. Tout le monde y trouve son compte. C’est passionnant et instructif.

 

 

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